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Actu-Environnement

Les archives de la Terre donnent la mesure du changement climatique actuel

L'étude des climats passés révèle l'occurrence d'instabilités climatiques abruptes, liées aux non linéarités du fonctionnement de certaines composantes du climat, comme la circulation océanique. Exposé de la climatologue Valérie Masson-Delmotte.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï
   
Les archives de la Terre donnent la mesure du changement climatique actuel
   

A la lumière de l'amplitude et de la vitesse des changements passés, comment qualifier les changements climatiques en cours ? Depuis une cinquantaine d'années, des progrès considérables ont permis de quantifier la variabilité climatique jusqu'à des temps préhistoriques, grâce aux empreintes laissées par le climat dans les « archives naturelles ». Cette archéologie du climat permet de décortiquer le fonctionnement du « système Terre » et identifie des couplages étroits entre climat, cycle du carbone et cryosphère. Combinée à la modélisation des climats passés, elle permet également de comprendre la réponse du climat à un ensemble de perturbations externes - modifications de l'orbite terrestre, activité solaire et volcanique, modifications de la composition atmosphérique - à différentes échelles de temps.

Contributrice à la rédaction du 4e rapport du GIEC (1) , Valérie Masson-Delmotte conduit depuis une quinzaine d'années des travaux de recherche sur les changements climatiques passés (2) au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE | CEA-CNRS-Université de Versailles-Quentin/Institut Pierre-Simon Laplace), à Gif-sur-Yvette. A partir de l'analyse des glaces polaires du Groenland et de l'Antarctique et des cernes des arbres, elle travaille sur l'évolution du climat à des échelles de temps allant des derniers siècles jusqu'aux glaciations. L'apport des climats passés sert aussi à tester le réalisme des modèles de climat et à étudier les instabilités abruptes des évolutions climatiques.

Quête du Graal

L'étude des glaces de l'Indlansis groenlandais s'apparente à une quête du Graal. Sur ce territoire dont l'âge moyen est de 40.000 ans, la glace la plus ancienne se trouve dans la partie australe. Il s'agit d'en extraire des carottes de 4 mètres et de 8 centimètres de diamètre. « Une fois datés, ces échantillons prennent une très grande valeur », témoigne Valérie Masson-Delmotte, lors d'un séminaire organisé le 18 janvier à Sciences Po dans le cadre de la Chaire du développement durable. Ces carottes de glace, composées d'eau, d'impuretés et d'air, sont comparables à un récipient qui aurait stocké de l'atmosphère. Elles permettent aux scientifiques de comprendre le climat de la dernière période glaciaire.

Et d'observer que le système climatique n'est pas linéaire : les calottes de glace se sont construites par couches successives, mais un petit changement d'ensoleillement a pu produire une réaction brutale. Exemple : lors de la dernière ère glaciaire, les carottes prélevées dans le Groenland montrent des augmentations de températures de 8 à 16°, d'une durée de quelques décennies à quelques siècles dans cette région du monde. La température moyenne a pu augmenter de 2° en 100 ans, au moment de la sortie de cette période glaciaire, déterminée par l'inclination orbitale de la Terre par rapport au soleil, mais aussi par deux rétroactions majeures (3) : la réponse du cycle du carbone aux variations climatiques, et la modification de l'albédo terrestre (la fraction du rayonnement solaire réfléchi par rapport au rayonnement incident) .

Vers un super interglaciaire : une situation sans analogue

Les glaces accumulées sur l'Antarctique Ouest sont plus anciennes que celles du Groenland. Elles ont 120.000 ans d'âge moyen et représentent 57 mètres de niveau des mers. « Comme il neige moins en Antarctique qu'au Groenland, il y a davantage de couches de glace, ce qui permet de remonter plus loin dans le passé », explique Valérie Masson-Delmotte. Prélevées dans des conditions extrêmes, les carottes du Dôme C de la station Epica retracent 800.000 ans d'archives. Ce défi baptisé Oldest Ice a permis aux scientifiques de déceler un système de bascule entre les deux hémisphères, qui s'avèrent être liés par des changements non synchrones. Les phases froides au nord coïncident avec de lents réchauffements en Antarctique (le plus rapide a été de +4°C en 1.000 ans), et les réchauffements abrupts du nord donnent lieu à de lents refroidissements au sud. « La cause de ces instabilités rapides est la bascule de transport de chaleur par les courants marins du Sud au Nord. La densité de l'eau de mer contrôle cette circulation thermohaline globale », commente Valérie Masson-Delmotte. « La variation de salinité est liée à des instabilités dans l'écoulement de l'eau de la surface des glaces qui interrompait littéralement ce grand tapis roulant océanique ».

La période chaude actuelle dure depuis 11.703 ans. Sait-on quand aura lieu la prochaine glaciation ? « On va vers un super interglaciaire », confirme Valérie Masson-Delmotte, en raison de faibles variations des paramètres orbitaux au cours des prochaines dizaines de millénaires. D'un point de vue chimique, la situation actuelle de l'atmosphère n'a pas d'analogue en regard du climat à l'échelle du dernier million d'années. Rapporté aux observations du climat passé, le réchauffement de 3°C (hypothèse médiane des modèles) qui se produira au cours du XXIème siècle est un changement abrupt, d'une amplitude comparable à une transition glaciaire-interglaciaire. Les derniers scénarios actualisés de la hausse du niveau des mers sont de l'ordre de + 1 mètre d'ici à 2100. L'édition 2010 de la stratégie française d'adaptation aux changements climatiques en a pris acte. Et les traces de l'époque industrielle se verront encore dans 1.000 ans. L'atmosphère contiendra 30% du CO2 actuel en 3012. Trace d'une parenthèse de l'histoire humaine.

1. Lire le dossier Actu-Environnement sur le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/GIEC/GIEC_sommaire.php4
2. En savoir plus sur la reconstruction des climats passés sur le site Internet du LSCE.
http://www.lsce.ipsl.fr/Phocea/Vie_des_labos/Ast/ast_sstheme.php?id_ast=16&archives=1
3. Pour des explications détaillées, lire Climat, une planète et des hommes, Le Cherche Midi, 2011, co-écrit par 26 chercheurs, dont Valerie Masson-Delmotte et le Club des Argonautes.

Réactions5 réactions à cet article

On parle aussi souvent d'inversion des poles au sens magnétique, il n'en est pas fait mention ici?
Le message ci-dessus est assez inquiétant: "on va vers un super interglaciaire", cela veut dire quoi en termes clairs?

arthur duchemin | 31 janvier 2011 à 09h57 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour Agnes Sinai,

Merci pour ce très bon article.
Pouvez vous svp préciser ce que vous voulez dire par "D'un point de vue chimique, la situation actuelle de l'atmosphère n'a pas d'analogue en regard du climat"?

Merci
Cordialement

nini | 03 février 2011 à 10h01 Signaler un contenu inapproprié

D'un point de vue chimique, le taux actuel de CO2 dans l'atmosphère n'a pas d'analogue, même en remontant dans le dernier million d'années.

agnes sinai | 03 février 2011 à 11h46 Signaler un contenu inapproprié

A propos du "super interglaciaire": page 10 et suivantes du livre "De la théorie astronomique au réchauffement global", (des savants belges A. Berger & MF. Loutre), on peut lire:
"la courbe d’insolation à 65°N en juin (panneau central de la fig.5) permet de voir que de 215 ka BP à 70 ka BP, cette insolation est caractérisée par des variations de très grande amplitude. C’est surtout vrai entre 140 & 70 ka BP, une période qui couvre l’entièreté du stade isotopique 5, l’Éémien inclus.
Par exemple, entre 127 & 115 ka BP, cette insolation a varié entre 540 Wm–2 & 440 Wm–2, ce qui représente une variation de 25% environ. Cela est loin d’être le cas pour le futur, car les variations au cours des 100 000 prochaines années sont très faibles en comparaison. Cela est dû au fait que l’orbite de la Terre autour du Soleil est en train de devenir circulaire (voir fig.4). Au cours des 50 000 années à venir, l’amplitude de ces variations reste inférieure à 30 Wm–2, un phénomène qui ne se présente que 2 fois sur le dernier million d’années, entre 400 & 340 ka BP & entre 780 & 720 ka BP."

Ceci signifie que le "forçage astronomique du climat",(qui peut se traduire par 2 km de glace au dessus de la cuvette de Grenoble...& -100 m sur le niveau de la mer...), sera minimum pendant les 500 prochains siècles... Les conditions sont idéales pour que... "l'humanité s'éclate"!(à plus d'un sens du terme...) Son role sur le climat ne sera pas masqué par un facteur astronomique pouvant entrainer un fort refroidissement !

arzi77 | 07 février 2011 à 22h21 Signaler un contenu inapproprié

qetent tu par analogue

MARAME | 10 juin 2012 à 00h41 Signaler un contenu inapproprié

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