Les dix parcs nationaux français ont vu leur champ d'action élargi avec la loi d'avril 2006. Parallèlement, les moyens financiers et humains alloués par le ministère en charge de l'environnement sont en baisse régulière depuis plusieurs années. C'est face à ce double constat que le directeur de l'eau et de la biodiversité avait confié au Commissariat général au développement durable (CGDD) en octobre 2015 une mission visant à proposer des pistes de financements complémentaires.
Les hauts fonctionnaires ont remis leur copie sous la forme d'un rapport (1) très étayé que le ministère vient de publier. Ils préconisent la "combinaison judicieuse" de quinze pistes de financements. Outre la mobilisation des fonds européens, le mécénat, le financement participatif, la délégation de services, le sponsoring et le naming (2) , ils envisagent l'instauration de droits d'accès.
Une acceptabilité sociale limitée
Les droits d'accès peuvent prendre plusieurs formes : droits d'entrée à la visite, droits de parking, paiements pour bivouac ou activités sportives, droits liés à un supplément de services dans une partie du parc, etc. Les auteurs citent plusieurs exemples de pays qui les mettent en oeuvre. Certains utilisent des droits d'entrée classiques : Chili, Costa-Rica, Etats-Unis, Mexique, Pologne. La Corée a en revanche abandonné les droits d'entrée au profit de services payants : parkings, bivouacs, utilisation d'abris. Le Japon, quant à lui, expérimente une contribution volontaire dans le parc du Mont Fuji pour les visiteurs souhaitant monter au-delà d'un certain niveau. Le financement par les droits d'accès peut atteindre jusqu'à 40% du budget total comme au Chili, mais il ne dépasse généralement pas une dizaine de pourcents.
En vue de proposer des solutions pour la France, les auteurs de la mission recensent l'ensemble des contraintes liées à ce mode de financement. Ils évacuent très vite celles de nature juridique et environnementale jugées "secondaires". Au-delà des contraintes opérationnelles (tarification, collecte, contrôle, redistribution), ce sont les questions économiques, éthiques et sociales qui semblent les plus fortes. "De nombreux auteurs et parties prenantes considèrent que les sites naturels, dont les parcs nationaux, sont des biens publics, et qu'à ce titre, ils doivent être financés exclusivement par l'Etat via les taxes", relèvent les hauts fonctionnaires.
"L'acceptabilité sociale des droits d'entrée au sens strict demeure depuis longtemps limitée", constatent-ils également. Et de citer les différents arguments avancés pour s'y opposer : tradition de l'accès libre et gratuit à la nature, opposition à une privatisation de l'espace public et à une marchandisation de la nature, discrimination vis-à-vis des personnes à faible revenu, etc. Les auteurs recensent toutefois l'existence de leviers permettant d'améliorer l'acceptabilité sociale : faible droit d'entrée, confiance dans l'utilisation des fonds, évolution de la perception du public.
L'exemple guadeloupéen
"L'acceptabilité sociale du mécanisme peut être considérablement améliorée si l'accès du parc n'est pas restreint ou très peu (…) et si un niveau de service supplémentaire justifie sa mise en oeuvre", explique le CGDD. Un modèle existe déjà en France. C'est celui du parc de la Guadeloupe qui a mis en place un droit d'accès (de 1 à 2,20 €) à une zone très localisée de son territoire : l'aire d'accueil des chutes du Carbet. Plusieurs services y sont proposés : accueil et information du public, orientation du stationnement, gestion de la billetterie, vente de produits du parc, toilettes, aire de pique-nique, belvédères d'observation... L'intégralité des recettes est versée au parc qui rétribue en retour l'entreprise à laquelle il a confié la gestion de ces services via une concession de service public. Ces recettes ont représenté 90.000 euros en 2016. Ce qui ne représente toutefois que 1% du budget annuel du parc.
Ce modèle retient cependant toute l'attention du CGDD du fait de sa faisabilité. Il préconise par conséquent d'identifier au sein des autres parcs "des sites remarquables très localisés sur lesquels le parc pourrait apporter un niveau supplémentaire de prestations aux visiteurs qui le désirent, moyennant le paiement d'une redevance".
Les hauts fonctionnaires sont en revanche beaucoup plus prudents sur l'application systématique de droits d'entrée à l'entrée des parcs, les jugeant difficilement applicables à très court terme. Mais "le haut niveau de service environnemental" apporté par ces zones protégées et le "fort potentiel de financement additionnel de la mesure" justifient à leurs yeux son étude. "L'examen complet de cette question nécessite une réflexion poussée et l'établissement d'un processus de dialogue politique multi-acteurs réunissant les parcs nationaux et l'ensemble de leurs parties prenantes", prennent-ils soin d'avertir.