Les députés européens, réunis en session à Strasbourg, ont rejeté jeudi une résolution sur la sûreté nucléaire en Europe par 264 voix pour, 300 voix contre et 61 abstentions.
"Divers points de désaccord sont apparus entre les groupes politiques", indique le service de presse du Parlement pour expliquer ce rejet. Si la plupart des eurodéputés ont salué la volonté de la Commission européenne de réaliser des audits des centrales nucléaires de l'Union, certains groupes politiques "critiquent que l'approche soit trop nationale et volontaire."
Lors du débat qui s'est tenu la veille, le commissaire européen en charge de l'énergie, Günther Oettinger, a annoncé que la "liste des critères pour ces tests devrait bientôt être rendue publique et présentée aux députés." Il a par ailleurs rappelé que les tests seront effectués par les régulateurs nationaux, l'Union européenne n'ayant pas la compétence pour les réaliser.
Les Verts et les socialistes souhaitent sortir du nucléaire
Les eurodéputés Verts ont tout d'abord critiqué la mise en œuvre des tests souhaités par la Commission. "Tout le monde se connaît dans ce milieu depuis des décennies et un niveau élevé de risque a toujours été toléré" a estimé Rebecca Harms, qualifiant de "louche" la situation. La députée française Michèle Rivasi juge pour sa part que des tests, même indépendants, ne répondent pas à la situation. Les Verts sont "fermement convaincus que des stress tests obligatoires, sous la supervision d'acteurs indépendants, ne sont pas suffisants par rapport à l'enjeu des risques multiples et non-maîtrisables que nous fait courir le nucléaire."
Du côté des socialistes, qui se sont eux aussi opposés au texte, la déception est liée au rejet d'un amendement qu'ils avaient proposé et invitant les "Etats membres à préparer des stratégies envisageables pour une sortie du nucléaire à moyen ou à long terme." "Nous avons de toute évidence besoin d'énergie nucléaire, mais il faut chercher des alternatives", a défendu Marita Ulvskog (Suède, Alliance progressiste des socialistes & démocrates), estimant qu'"il faut ouvrir une nouvelle ère, celle du renouvelable."
Selon l'AFP, l'amendement a été rejeté en raison du ralliement d'une majorité du groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE) à la droite. "Deux positions, celle de ceux qui ne veulent rien changer et celle de ceux qui veulent fermer immédiatement les centrales nucléaires, ont empêché le Parlement d'avoir une position tout court", a expliqué Guy Verhofstadt, le président du groupe parlementaire ADLE.
Le rejet de cette proposition explique le vote négatif des eurodéputés Verts qui estiment que la sortie du nucléaire est la "seule solution à long terme pour une meilleure sûreté des centrales." Yannick Jadot (France), rappelle qu'"il existe une multitude de scénarios montrant comment l'Europe peut avoir une économie basée à 100% sur les énergies renouvelables pour 2050, si les bonnes décisions politiques sont prises." Début février, Greenpeace et le WWF ont effectivement publié deux études développant de tels scénarios.
Le moratoire divise la droite et le centre
Du côté de la droite et du centre, de nombreux députés du Parti populaire européen (PPE) et du groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE) ont voté en faveur du texte. Cependant, les eurodéputés français et polonais du PPE "ont majoritairement rejeté le texte en raison de leur opposition au moratoire", rapporte l'AFP qui précise que leurs homologues allemands y étaient en revanche favorables.
S'agissant de la mise en œuvre d'un moratoire sur les réacteurs en constructions, un moratoire temporaire dans l'attente des résultats des tests, Giles Chichester (Royaume-Uni, Conservateurs et réformateurs européen), a expliqué que cela "reviendrait à agir sans preuve", ajoutant qu'"il faut analyser la situation et ne pas agir dans la hâte." En particulier il a jugé que la situation européenne n'est pas comparable à celle du Japon. "Il y a un monde de différence entre les réacteurs japonais vieux de 15 ans et les réacteurs modernes en Europe, de même que pour le risque sismique", a-t-il indiqué.
Quant aux tests européens, si le PPE s'est satisfait de l'initiative de la Commission, le groupe ALDE adopte une position plus ferme et les juge trop souples. Lena Ek (Suède),porte-parole de l'ADLE pour l'industrie, la recherche et l'énergie (ITRE), a estimé qu'"ils ne vont pas assez loin", plaidant pour qu'ils soient "réalisés par des experts indépendants de manière totalement transparente." Par ailleurs, elle a jugé que l'Union a "besoin d'une stratégie qui va au-delà des frontières de l'UE et qui prévoit des normes communes garantissant un niveau élevé de sûreté nucléaire."