Président de la branche papiers et cartons de la Fédération des entreprises du recyclage (Federec)
Actu-environnement : En quoi consiste la sortie du statut de déchet ?
Pascal Genneviève : C'est le processus par lequel un déchet destiné à être recyclé n'est plus légalement considéré comme un déchet et devient une matière valorisable. Il s'agit d'un outil juridique qui vise à simplifier certaines démarches administratives pour augmenter les taux de recyclage.
Concrètement, il s'agit surtout d'un mécanisme européen applicable directement dès la publication des textes règlementaires. Il vise les matières présentant un intérêt pour l'ensemble de l'Union européenne (UE). Une procédure nationale existe aussi pour les produits aux enjeux plus limités.
Aujourd'hui dans le cadre de l'Union, trois famille de matériaux ont fait l'objet d'un règlement spécifique : l'aluminium, le fer et les métaux ferreux en avril 2011, le verre en décembre 2012 et le cuivre en août 2013. Actuellement sont négociés le règlement concernant les papiers et cartons, ainsi que celui concernant le compost.
AE : Quel regard portez-vous sur les règles fixées pour la sortie du statut de déchet dans le cadre européen ?
PG : Les règles sont très claires et correctement fixées. Elles sont plutôt strictes puisqu'elles imposent notamment un taux d'impuretés très faible. Ce taux est plus strict que ceux acceptés couramment dans le cadre des contrats commerciaux passés avec les industriels utilisateurs de ces produits.
Pour les papiers, par exemple, un taux de 1,5% pourrait être retenu, alors que certaines papeteries tolèrent jusqu'à 3% d'impuretés. Pour les métaux, il a été fixé à 2%.
AE : C'est donc principalement la qualité des produits issus des centres de tri qui devrait évoluer pour satisfaire ces critères ?
PG : Avec la sortie du statut de déchet, on établit de nouveaux critères réalistes et atteignables qui dépassent les normes en vigueur dans la profession. La sortie du statut de déchet renforcera donc la qualité des produits proposés par les centres de tri, ce qui est le principal impact à en attendre.
Ce renforcement de la qualité se joue à tous les niveaux puisque la réglementation impose aussi des critères pour les déchets à l'entrée du site de tri. De même pour pouvoir prétendre à faire sortir du statut de déchet des produits, il faut aussi assurer un contrôle qualité tout au long du processus de tri. Il s'agit donc de renforcer la qualité tout au long de la chaîne.
AE : Quel conséquence a eu l'entrée en vigueur de la sortie du statut de déchet sur les premiers marchés concernés ?
PG : Pour l'instant, l'impact est limité puisque de très faibles quantités des matériaux échangés ont fait l'objet de demandes de sortie du statut de déchet. Actuellement, à de rares exceptions près, les utilisateurs de ces ressources ne sont pas forcément demandeur.
Pour un sidérurgiste, que la ferraille soit considérée comme un déchet ou comme un produit ne change rien tant qu'il peut en utiliser dans ses fours. L'industrie métallurgique attend des recycleurs une ferraille de qualité et elle leur offre un prix. Elle ne demande pas de statut particulier pour ces produits. Donc, pour l'instant, on continue comme avant et la sortie du statut de déchet reste un acte volontaire réalisé par le trieur.
AE : Pour ce qui concerne les flux transfrontaliers ?
PG :De la même manière, cela n'aeu que peu d'impact sur les mouvements transfrontaliers car les produits qui peuvent en bénéficier étaient déjà inscrits sur la liste verte de la convention de Bâle, c'est à dire que leur exportation est soumise à simple déclaration et non pas à autorisation. Certaines professions jugent que la sortie du statut de déchet conduit à faciliter l'exportation des produits concernés. Cependant, aujourd'hui l'export est surtout un moyen de réguler l'excédent.
AE : Dans l'avenir, pensez-vous que les industriels s'empareront mieux de la démarche ?
PG : Oui, le secteur devrait progressivement s'y mettre. Un des moteurs sera la régularisation de situations parfois complexes. Par exemple, aucun des sidérurgistes, papetiers ou verriers n'a d'autorisation au titre de la rubrique "installation de traitement de déchets" de la nomenclature des installations classées (ICPE). Et pourtant, aujourd'hui leurs sites qui produisent à partir de matières issues du tri reçoivent des déchets. Même chose pour le transport des matières entre le centre de tri et l'utilisateur : la législation impose une déclaration de transport de déchet qui n'est pas parfaitement respectée.
Même si ces matières sont aujourd'hui vendues en tant que déchets sans poser de problèmes particuliers, il est logique qu'elles aient un autre statut. Le ministère des finances ne s'y est d'ailleurs pas trompé : il n'y a aucune TVA sur les déchets, mais, dans le cas des papiers-cartons par exemple, ce qui sort des centres de tri est soumis à la TVA. C'est bien que Bercy considère ces matières premières comme un produit, alors même qu'elles conservent, pour l'instant, un statut de déchet.
AE : Cela permettra-t-il de faire progresser le recyclage ?
PG : Oui, la sortie du statut de déchet va faire progresser le recyclage, dans le tri et le traitement des matières notamment. Car pour offrir des matières toujours plus qualitatives, il faudra recourir à de nouveaux procédés et de nouvelles techniques de tri et de traitement. Le traitement de certaines matières, comme le verre par exemple, passe déjà par les technologies de pointe. La sortie du statut de déchet devrait donc pousser le recyclage vers un usage encore plus intensif des technologies.
Aujourd'hui, en France et en Europe, nous manquons surtout d'usines consommatrices des matières issues du recyclage. Pour faire progresser le recyclage, il convient donc avant tout de promouvoir l'installation de nouvelles unités pour réduire les exportations des excédents non valorisés sur notre territoire.
L'autre souci concerne la santé financière de ces entreprises. On travaille avec le ministère à un système de garantie financière qui sécuriserait la cession de ces matières, mais cela reste compliqué à mettre en place.