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Pêche au thon rouge : les engagements pour la biodiversité pris à Nagoya soumis à rude épreuve

Alors que la France vient de se prononcer pour le maintien des quotas de pêche au niveau de 2010 pour la saison prochaine, plusieurs études dénoncent le manque de transparence et les irrégularités dans le secteur de la pêche au thon rouge.

Biodiversité  |    |  F. Roussel
   
Pêche au thon rouge : les engagements pour la biodiversité pris à Nagoya soumis à rude épreuve
   

À l'occasion de la 10e conférence des parties de la convention pour la diversité biologique (CDB), 193 pays se sont entendus sur 20 objectifs visant à stopper la perte de biodiversité d'ici à 2020. L'objectif numéro six prévoit notamment que d'ici à cette date, tous les stocks de poissons seront gérés de manière "durable" et légale ce qui sous-entend la disparition de la surpêche.

Cet engagement va très rapidement être confronté à la réalité, c'est-à-dire dès la semaine prochaine à l'occasion de la réunion de la Commission Internationale pour la Conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT) prévu à Paris. Selon les associations de protection de l'environnement, il s'agit d'un véritable "test grandeur nature". La France, par la voix de son ministre de l'agriculture Bruno Le Maire, a d'ailleurs annoncé qu'elle défendrait un quota de pêche global de 13.500 tonnes de thon rouge pour 2011 dont 2.500 tonnes pour la France soit une stagnation des quotas par rapport à l'année dernière. Pour les associations de protection de l'environnement, cette prise de position est une "trahison" envers les engagements de Nagoya : "François Fillon et Nicolas Sarkozy trahissent les engagements français pris à Nagoya en termes de protection des écosystèmes, déclare Pascal Husting, directeur général de Greenpeace France. Ils adressent là un magistral bras d’honneur à la communauté internationale et désavouent Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno".

Rappelons toutefois que les pêcheurs français n’auront droit de pêcher que 1.000 tonnes environ de thon rouge en 2011 en raison d'une dette contractée en 2007. Il y a trois ans, les thoniers senneurs ont en effet pêché 10.000 tonnes de poissons alors qu'ils avaient un quota de 5.000 tonnes seulement. Un accord passé avec l’ICCAT organise le remboursement de cette dette. Ainsi, cette année, sur les 2.500 tonnes de quota alloués à la France, les thoniers n’ont eu droit de pêcher que 2.000 tonnes. Pour 2011 et 2012, il est prévu qu’ils remboursent 1.500 tonnes par an. "Avec une flotte française de 17 navires dont la rentabilité est possible qu'à compter de 150 tonnes péchées, ce quota n'est pas rentable pour la flotte française", rappelle François Chartier. Le ministère de l'agriculture serait en train de négocier avec la Commission européenne pour étaler le remboursement de cette dette sur plusieurs années.

Une position européenne très attendue

En parallèle, l'Union européenne doit définir la position qu'elle défendra lors de la réunion de l'ICCAT mais les négociations entre les Etats membres sont tendues et les volontés de chacun semblent difficile à concilier avec les objectifs de préservation que l'UE s'est fixés.

Selon les derniers travaux des scientifiques de l’ICCAT, le maintien du quota actuel laisserait une probabilité de 63 % à la population de thon rouge de se reconstituer d’ici à 2022. Or, l'Union européenne s'est engagée à respecter une probabilité de reconstitution de plus de 60% dès 2020. Cet objectif signifie que les quotas de pêche du thon ne devraient pas dépasser 6.000 tonnes au total pour l'année 2011, explique François Chartier qui s'attend à une position européenne favorable à une baisse des quotas sans volume précis.

Mise en évidence d'un marché noir autour du thon rouge

Les négociations européennes se poursuivent alors qu'une enquête de l'International consortium for investigative journalists (ICIJ) (1) , vient de révéler l'existence d'un marché noir autour de la chaîne d’approvisionnement en thon rouge de l'Atlantique. Ce marché aurait pesé près de 4 milliards de dollars entre 1998 et 2007 et serait couvert par de nombreux Etats membres dont la France qui fermerait les yeux sur les dépassements de quotas. Par ailleurs, selon l'étude, de nombreuses fermes marines d’engraissement du thon rouge ne déclareraient qu’une partie des thons rouges confinés dans leurs enclos.

Pour sa défense, la France, par la voix de son ministre de l'agriculture, assure que depuis 2007 les pratiques antérieures ont cessé et que la réglementation est désormais strictement respectée. "Dans un souci de totale transparence, la France a déclaré tous ses dépassements de quotas (…) depuis 2008, les quotas ont été strictement respectés ", explique le ministère de l'agriculture dans un communiqué. Bruno Le Maire a également rappelé que les pêcheurs français ont effectué depuis trois ans "des efforts de maîtrise sans précédent : le total des captures autorisées pour le stock de l’Atlantique et de la Méditerranée a connu une baisse de 38% en 2010 par rapport à l’année 2009. Le nombre de thoniers senneurs français autorisés à pêcher en Méditerranée est passé en un an de 35 à 17."

Mais pour le WWF et Greenpeace (2) , rien n'est réglé. En s'appuyant sur de nouvelles données, les deux associations révèlent que la saison de pêche 2010 du thon rouge a connu de nombreux cas de non respect des règles ainsi que de nombreuses irrégularités dans les documents de traçabilité des poissons. Un cas concret montre comment de fausses déclarations ont permis à 18 tonnes de thon rouge d’un navire turc d’échapper complètement au système de documentation de l'ICCAT. De plus, sur les 23 observateurs de l’ICCAT placés à bord des senneurs espagnols et français, 15 ont déclaré avoir rencontré des difficultés à estimer la quantité de thon rouge lors du transfert dans les cages, dans la plupart des cas en reconnaissant que c’était "tout simplement impossible". Ils ont donc dû croire et accepter l’estimation annoncée par le capitaine du navire ou par les plongeurs du navire remorqueur.

1. Télécharger l'enquête
http://www.publicintegrity.org/investigations/icij
2. Télécharger l'étude du WWF et de Greenpeace
http://assets.panda.org/downloads/wwf___official_data_reveal_extent_of_tuna_fiasco.pdf

Réactions1 réaction à cet article

Enfin un article sur le sujet qui présente bien les avis de tous les bords. Merci à vous.

Peche Fraiche | 11 novembre 2010 à 12h08 Signaler un contenu inapproprié

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