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Actu-Environnement

La question de la perte de territoires au cœur des négociations de la COP

Que faire pour venir en aide aux millions de personnes forcées de se déplacer parce que leurs terres deviennent inhabitables ? Un dispositif est en négociation parmi les volets de l'Accord de Paris.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï

L'impact du changement climatique devrait exacerber les déplacements de populations au cours des prochaines décennies. Un des enjeux de l'Accord de Paris est de planifier, de prévenir et de réduire ces déplacements, mais aussi de venir en aide aux personnes déplacées en leur proposant des systèmes de micro-assurance capables de les indemniser afin qu'elles puissent reconstruire leur vie.

Le phénomène est massif. Organe de référence en la matière, l'International Displacement Monitoring Centre estime que 26,4 millions de personnes ont dû abandonner leur foyer chaque année depuis 2008 en raison de désastres déclenchés par des catastrophes naturelles – soit l'équivalent d'une personne déplacée chaque seconde.

Selon William Lacy Swing, directeur général de l'Organisation internationale pour les migrations, "notre époque connaît une mobilité humaine sans précédent. Sur les sept milliards d'individus que compte la planète, plus d'un milliard sont en mouvement, à l'intérieur ou à l'extérieur de leur pays d'origine". Dans certaines situations extrêmes, il est trop tard pour s'adapter : les pertes et les dommages subis par ces populations sont irréversibles.

Indemniser les pertes et les dommages causés par le changement climatique

D'où l'exigence des pays du Sud et des plus vulnérables de voir introduite une instance spécifique pour appréhender ces situations. Cette revendication a abouti lors d'une COP précédente, à Varsovie (Pologne), en 2013, et porte le nom de "mécanisme de Varsovie pour les pertes et dommages".

Cette instance pourrait inaugurer un nouveau champ capital en droit international. Elle reconnaît en effet que "les pertes s'entendent comme des effets négatifs qu'il n'est pas possible de réparer ou de rétablir (par exemple, la perte de sources géologiques d'eau douce se rapportant à la fonte des glaciers ou à la désertification, ou encore la perte d'une culture ou d'un patrimoine liée à un aménagement du peuplement loin de régions devenues peu habitables en raison du changement climatique)".

Quant aux dommages – ou préjudices – ils se définissent comme "des effets négatifs pouvant être réparés ou rétablis (par exemple, les dégâts causés par des vents de tempête au toit d'un immeuble, ou ceux causés par les marées côtières à la mangrove côtière, qui ont des incidences négatives sur les villages)", selon l'Organisation internationale pour les migrations.

Les pertes peuvent être brutales – causées par un cyclone ou des inondations -, ou pernicieuses, comme l'intrusion d'eau salée dans les rizières du Bangladesh, qui cause un accroissement de la pauvreté. Elles peuvent être culturelles et territoriales, voire viser des territoires entiers en cas de migrations définitives. L'Accord de Paris prévoit d'instaurer des systèmes d'alerte précoce, de prendre en compte les événements de dégradation lente (tels que la salinisation des terres cultivables), la gestion des risques, y compris par des solutions assurancielles.

Les Etats-Unis redoutent des procès

Dans le brouillon d'Accord de Paris, la notion de "pertes et dommages" fait l'objet d'un article à part entière, distinct de celui qui porte sur l'adaptation au changement climatique. Et ce parce que les pays du Sud et les vulnérables entendent donner une visibilité politique à ces situations d'urgence climatique. C'est lorsque l'adaptation a échoué ou a été rendue impossible par des événements brutaux tels que des cyclones et ouragans (type Sandy sur la côte Est des Etats-Unis ou Haiyan aux Philippines) que le mécanisme "pertes et dommages" doit pouvoir intervenir, réclament-ils. Au Bangladesh, 6 millions de personnes pourraient être déplacées si les mers montent d'un mètre d'ici à la fin de ce siècle, comme le prévoit le GIEC.

John Fletcher, ministre du développement soutenable de Sainte Lucie, dans les Antilles, s'en explique : "Comment s'adapter à la salinisation sur des terres désormais non cultivables, à l'acidification des océans qui fait disparaître les coraux ? Il doit y avoir un mécanisme spécifique pour y faire face. Dans les Caraïbes, on voit des ouragans de plus en plus violents. A la COP, on a vu des progrès. Il y a deux ans, on parlait de la légitimité de ce dispositif, maintenant il est dans le texte. Si on arrive ici à un terrain d'entente, cela inaugure des ouvertures".

En quoi va consister la reconnaissance des "pertes et dommages" sur le terrain ? Selon Monique Barbut, secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), des dispositifs de micro-assurances sont à l'étude afin de débloquer des indemnités au plus près des populations. Des initiatives sont déjà à l'oeuvre. Des produits d'assurance en direction de populations à faibles revenus sont déployés en Jamaïque, à Sainte Lucie et à Grenade afin qu'elles puissent être indemnisées en cas de fortes pluies et de tempêtes. Au Pakistan, un fonds d'assurance des désastres a été introduit avec le soutien de la Munich Climate Insurance Initiative, qui expérimente des solutions de dédommagement en direction des populations les plus vulnérables.

La reconnaissance formelle des dommages du changement climatique est un point crucial de l'Accord. "C'est un enjeu d'une importance comparable à la reconnaissance de l'esclavage. Les Etats-Unis craignent que la notion de responsabilité ne donne lieu à des procès. S'ils ont la garantie que ce volet ne donne pas lieu à des poursuites, la clause « pertes et dommages » sera maintenue dans le texte de l'Accord. L'argent ira aux gouvernements, qui pourront l'utiliser pour financer des programmes de santé ou de relocalisation des populations. L'idée est de reconnaître que l'adaptation ne suffira pas pour ces communautés disloquées, qui perdent leur territoire, leur langue maternelle, et tout ce qui a façonné leur culture", résume François Gemenne, co-auteur d'un Atlas des migrations environnementales (1) présenté à la COP, à paraître en mars 2016 (Presses de Sciences Po). "La prochaine étape sera d'évaluer le montant des pertes et de le répartir au prorata. Les pays industrialisés craignent une responsabilité directe en lien avec la dérive de leurs émissions de gaz effet de serre. Tant que cela reste suffisamment vague, cela ne heurte pas les pays industrialisés."

1. En savoir plus
http://fr.calameo.com/read/003247278a82e09f0de73

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