La directive européenne actuellement en vigueur sur les pesticides permet aux Etats membres d'obtenir une dérogation de 120 jours (soit presque une saison culturale complète) pour utiliser des pesticides interdits, en cas de danger imprévisible pour une culture, qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens. Le Pesticide action network Europe (Pan Europe) et Générations futures (ex MDRGF) ont analysé, au cours des quatre dernières années, l'utilisation de cette dérogation.
Cette enquête révèle un recours croissant aux dérogations : de 59 cas en à 321 en 2010. La France apparaît en tête du classement avec, à elle seule, 74 dérogations en 2010.
Des dérogations en hausse dans toute l'UE
Plus généralement, la dérogation semble devenir la règle dans l'UE en matière de pesticides. ''La Grèce est passée de 6 dérogations à 54, le Portugal de 1 à 31 en 2010, notent les associations. La France est passée, quant à elle, de zéro dérogation en 2007 à 74 en 2010 !''. La France est donc désormais le premier pays à demander des dérogations, suivie de la Grèce (54), le Portugal (31), l'Allemagne (24) et Chypre (18). L'Autriche, depuis 2007, ''reste dans la fourchette des 12/16 dérogations par an, la plupart du temps pour les mêmes pesticides'', preuve s'il en est que le recours à la dérogation n'est pas utilisé pour remédier à une situation d'urgence le temps de trouver une solution alternative, mais bien comme un moyen de contourner la législation.
Alors que 15 Etats membres avaient recours à des dérogations en 2007, ils étaient 24 en 2010. Seuls le Luxembourg, l'Estonie et Malte n'en font pas usage aujourd'hui.
Le nombre de matières actives concernées a atteint 152 en 2010. ''Sachant qu'environ 300 matières actives sont autorisées en Europe, on voit que ce chiffre est considérable'', analyse la Pan Network.
Si ''les dérogations accordées concernent parfois des pesticides peu toxiques, comme dans le cas de produits agréés en agriculture biologique ou utilisé pour la lutte biologique, dans la vaste majorité des cas, ce sont des pesticides de synthèse avec un profil environnemental et sanitaire dangereux qui ont reçu une dérogation. C'est le cas des fumigants dangereux comme le 1,3-Dichloropropene et la Metam-sodium ou d'anciens organochlorés comme l'endosulfan ou des [composés] neurotoxiques''.
Un manque de transparence dans la procédure
Pan Europe dénonce ''un manque de transparence total dans la prise de décision, qui se fait dans le secret du comité permanent de la direction générale Santé et protection des consommateurs. Les demandes de dérogations ne sont pas publiées, les discussions ne sont pas publiques, pas plus que ne sont connues d'éventuelles mesures de contrôle ou de mise en œuvre''.
Avec l'entrée en vigueur mi 2011 du Paquet pesticides, adopté en octobre 2009, ce recours devrait être cependant plus difficile. Des dispositions plus strictes ont été adoptées concernant les dérogations. Elles pourront être applicables uniquement par un Etat membre dans lequel un danger pour la culture est démontré et lorsque toutes les alternatives ont été infructueuses. Par ailleurs, cette dérogation devra être accompagnée d'un plan de lutte contre le parasite ou la maladie par le biais d'autres moyens que la substance dangereuse.