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Actu-Environnement

“L'ensemble de la politique doit être irriguée par des objectifs écologiques”

A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle française, Philippe Poutou, candidat pour le Nouveau parti anticapitaliste précise pour Actu-environnement ses propositions en matière de mix énergétique, de gestion de l'eau ou encore d'agriculture.

Interview  |  Gouvernance  |    |  P. Collet
   
“L'ensemble de la politique doit être irriguée par des objectifs écologiques”
Philippe Poutou
Nouveau parti anticapitaliste
   

Actu-environnement : Quelle évolution du mix énergétique français envisagez-vous ?

Philippe Poutou : Dans la campagne électorale, comme dans les mobilisations, le NPA défendra une transition énergétique radicale articulant une sortie du nucléaire en 10 ans et réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela doit passer par un développement massif des énergies renouvelables et la mise en place de politiques de sobriété et d'économies d'énergie. Pour y parvenir, les obstacles ne sont plus techniques, tant les innovations en matière d'énergies renouvelables et de stockage ont été importantes ces dernières années, bien mais politiques et financiers. Mais la sortie du nucléaire en 10 ans implique dans le même temps la sauvegarde des emplois et des statuts des salarié(e)s du nucléaire et l'intégration de tous les sous-traitant(e)s et intérimaires dans un service public de l'énergie. Pour cela, la seule voie est de créer un grand service public de l'énergie, qui puisse organiser la transition énergétique tout en garantissant à ses salariés des conditions de travail et de salaire satisfaisantes. Créer un tel service public nécessite d'exproprier les grands groupes de l'énergie, sans indemnité, ce qui permettra un contrôle de ce service public par ses salariées et ses usagers. C'est la seule alternative pour mettre fin à cette course productiviste mortifère dictée par l'avidité de l'actionnariat des grands groupes. Toute exploitation des énergies fossiles (gaz de schiste compris) est à proscrire, parce qu'elle va à l'encontre de la préservation de notre planète : les énergies renouvelables sont amplement en capacité de couvrir les besoins de la population en portant également les efforts de recherches dans l'efficacité énergétique (ex : rénovation de l'habitat, cogénération, incinération des déchets…).

AE : Prévoyez-vous une remise à plat de la fiscalité globale et quelle place y aurait la fiscalité environnementale ?

PP : Mes propositions en matière de fiscalité reposent sur un principe directeur qui consiste à privilégier les impôts directs et les impôts progressifs (en ayant pour objectif la réduction drastique de tous les impôts et taxes proportionnels). La fiscalité doit être compréhensible par tous les citoyens ce qui est la condition même pour qu'elle puisse donner lieu à un véritable débat démocratique dans lequel les arbitrages politiques soient réellement maîtrisés par tous. Comme nous l'avons déjà souligné, il convient cependant de ne pas semer l'illusion qu'une bonne fiscalité permettrait de corriger les inégalités sociales et les inégalités primaires de revenus.

En ce qui concerne la fiscalité environnementale, par exemple si l'on veut freiner l'utilisation de la voiture individuelle, nous ne pouvons pas être pour l'augmentation de la TIPP (comme le proposent certains écologistes) car cela touche les personnes les plus modestes contraintes, par le prix du foncier, d'habiter en dehors de toute zone bien desservie par les transports publics. Par contre rétablir la taxe sur les véhicules (la vignette) au-dessus d'un certain nombre de chevaux, notamment pour les 4/4, nous paraît pertinent. Taxer directement certaines pratiques sociales de la bourgeoisie pour en limiter les nuisances pour l'ensemble de l'humanité ne devrait pas nous poser problème (ex : piscines individuelles). Il convient de veiller à ce que la fiscalité ne renforce pas les phénomènes d'exclusion, notamment dans les domaines culturels ou du sport. Une politique de sobriété énergétique devra s'accompagner d'une taxation des dépenses énergétiques au-delà d'un seuil reconnu par tous comme étant nécessaire à la consommation quotidienne.

AE : Quelle est votre vision pour une bonne gestion de l'eau et le partage de ses usages ?

PP : Concernant la problématique de l'eau, il y a plusieurs angles d'approche surtout quand on évoque et la sécheresse et la gestion de l'eau. La France exporte malheureusement depuis des décennies sa gestion de l'eau, son modèle le partenariat public-privé s'étend dans bien des pays du monde où la gestion était jusqu'alors public. Les trois leaders d'ailleurs de la distribution et de l'assainissement d'eau sont des entreprises françaises, les trois soeurs : Veolia, Suez et la Saur. Les militants du NPA se battent partout pour un retour en régie publique comme nous l'avons fait à Montreuil, Bobigny, Quimper, Saint-Pierre Des Corps ces derniers mois. Nous sommes aussi pour un service public national de l'eau et une gestion locale. Locale car les ressources elles sont locales et que nous sommes pour une vrai démocratie des services publics gérés par les usagers et les salariés. Mais il n'y a pas que cela il faut également que l'industrie et l'agriculture arrête de piller nos ressources comme elles le font. La question du comment produire est donc vitale. Les subventions font que la plus part du temps et n'importe où sur le globe on produit une agriculture à forte valeur ajoutée sans ce soucier de la voracité en eau et des besoins des populations. En 2003 lors de la dernière grande sécheresse, le maïs recouvrait les champs français alors que c'est la plante la plus consommatrice d'eau, idem en Afrique avec le café et le coton qui consomme beaucoup d'eau et ne permettent pas de manger. Comme l'ont fait la Bolivie, l'Uruguay ou le Venezuela, il faut inscrire dans la constitution que l'eau soit un bien public et universel et garantir son accès à toutes et tous. Le NPA en plus de défendre une gestion publique et pour un tarif social avec 40 litres gratuits par foyer et par personne et une facturation exponentiel qui condamne les gros consommateurs.

AE : Quel modèle agricole défendrez-vous si vous être élu ?

PP : La PAC est un échec dramatique. Elle repose sur un modèle libéral qui est intenable sur le plan économique, social et écologique. Lui passer une couche supplémentaire de vernis vert ne résoudra pas les problèmes auxquels est confrontée l'agriculture française. Il ne s'agit donc pas de "verdir" la PAC mais de repenser l'agriculture. Nous proposons trois mesures phares pour le secteur agricole et notamment sortir l'agriculture du système libéral qui met en concurrence les producteurs de tous les pays quels que soient leurs systèmes productifs et qui les soumet à la spéculation financière. Nous souhaitons favoriser les petites exploitations et plus particulièrement en bio, sans OGM pour que les nutriments naturels reviennent fertiliser la terre détruite par des décennies d'agriculture productiviste. On entend souvent dire que la culture bio ne saurait nourrir l'humanité, mais c'est au contraire si l'on poursuit dans la folie de l'agriculture capitaliste que la terre ne nous nourrira plus. Pour favoriser les petites exploitations, il faut donc réformer le foncier : l'État doit intervenir en acquérant des terres et en les cédant à des jeunes sous forme de baux de carrière.

AE : Quelle position française porterez-vous dans les négociations internationales en cours ?

PP : Les négociations internationales, en particulier celles qui concernent les changements climatiques sont catastrophiques, et ce depuis plusieurs années. Le sommet de Copenhague en 2009 a particulièrement souligné l'absence de volonté des puissances les plus pollueuses de prendre des mesures radicales pour limiter le réchauffement climatique à +2°C. A cela rien d'étonnant, puisque prendre des mesures vraiment efficaces nécessiterait de s'en prendre aux politiques menées par ses grandes puissances et par leurs industries. En même temps, ces négociations internationales ont permis que s'expriment des voies alternatives, notamment autour de l'action du président Evo Morales, et du sommet de Cochabamba. C'est dans cette perspective que nous souhaitons nous engager : si de réelles avancées internationales peuvent être réalisées, ce sera en se confrontant aux logiques économiques et productives dominantes, ce qui ne sera possible qu'à travers les mobilisations populaires, à l'extérieur des instances de négociations officielles. Par exemple, lors du sommet Rio+20, il est nécessaire que s'expriment des voies contestant l'économie verte, enjeu officiel du sommet, qui n'est en réalité qu'un moyen de repeindre en vert le capitalisme et de favoriser de nouveaux secteurs de l'économie mondiale. La croissance verte n'est pas notre objectif. Nous cherchons au contraire à favoriser des alliances visant à assurer les droits des peuples, en particulier ceux qui sont les premières victimes des catastrophes climatiques et des politiques néolibérales. Un fonds mondial de solidarité pour faire face aux changements climatiques doit ainsi être abondé plus fortement qu'actuellement et sans ingérences des institutions monétaires internationales.

AE : Quelle place comptez-vous accorder à l'Environnement dans votre gouvernement ?

PP : Le processus du Grenelle avait cet intérêt de ne pas cantonner l'environnement à un secteur très délimité. Mais, l'incurie du gouvernement et le fait d'en exclure un certain nombre de problèmes, comme le nucléaire, en faisait dès ses origines un couteau sans lame. La suite des événements n'a fait que confirmer cette appréciation. Nous considérons certes nécessaire l'existence d'un ministère de l'environnement doté d'une réelle puissance d'agir. Mais pour cela, c'est l'ensemble de la politique qui doit être irriguée par des objectifs écologiques. Ainsi, les choix en matière économique, industrielle, de transports, etc. doivent être soumis à une orientation écologiste chapeautant l'ensemble de la politique du gouvernement.

Réactions1 réaction à cet article

C'est un très bon point de vue car relativement sensé et à plusieurs niveaux.

GHOST8 | 18 avril 2012 à 07h22 Signaler un contenu inapproprié

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