Détecter les polluants de l'air, en un coup d'oeil, grâce à une réaction colorimétrique : c'est ce que propose, à travers ses travaux, Thu-Hoa Tran-Thi, directrice de recherche CNRS au sein du laboratoire Francis Perrin du CEA de Saclay.
Le principe ? Les capteurs, sur lesquels elle travaille, se composent d'une matrice poreuse dont la taille des ouvertures est ajustée à celle du composé recherché.
Jouer sur la taille des pores permet en effet une première sélection des molécules : par exemple, au sein d'une même famille, l'opération autorise la distinction des composés de petites tailles comme les aldéhydes aliphatiques (1) , des aldéhydes aromatiques (2) , plus importants.
A l'intérieur de la matrice, une " molécule sonde"va réaliser une seconde sélection et capter le produit d'intérêt. " Seuls les polluants de l'air ambiant qui parviennent à entrer et qui ont une affinité avec le composé fixé, réagissent avec ce dernier, précise Thu-Hoa Tran-Thi, la réaction va ensuite colorer la matrice". L'intensité de la couleur s'avère alors proportionnelle à la quantité de composés mesurés.
Détecter la trichloramine dans les piscines
Aujourd'hui, cette technique s'avère disponible pour des polluants comme la trichloramine. Ce dernier est un produit secondaire issu du traitement au chlore de l'eau des piscines.
Le chlore, en réagissant avec des composés azotés - retrouvés par exemple dans la sueur, la salive, la peau, les urines, etc. - produit en effet des chloramines. " L'odeur typique des piscines - que beaucoup de personnes prennent pour du chlore - provient en réalité de la trichloramine : ce composé, peu soluble, se retrouve dans l'air et ce sont ces molécules que nous respirons, détaille la scientifique, Il n'est pas extrêmement dangereux, mais peut provoquer des irritations, lors d'une exposition chronique ou chez les jeunes enfants, et occasionner de l'asthme".
Autre capteur désormais validé : celui détectant le formaldéhyde (3) .
Benzène, Toluène, Xylène, l'équipe de Thu-Hoa Tran-Thi travaille désormais sur les principaux polluants de l'air intérieur classés dangereux par l'Union européenne ou l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
"Actuellement nous nous penchons également sur le chloroforme, car il est cancérigène, c'est un autre composé retrouvé dans les piscines", note la chercheuse.
La difficulté dans l'élaboration de la technique reste l'identification de la bonne molécule sonde : une même famille de composés présente en effet généralement les mêmes propriétés.
"Pour des applications industrielles, le capteur doit pouvoir être stocké à température ambiante pendant au moins 6 mois, explique Thu-Hoa Tran-Thi, une fois la bonne molécule trouvée, il faut garantir la stabilité de la matrice, la reproductibilité de la combinaison mais également de la mesure en fonction du temps".
Une sensibilité de l'ordre du ppb
Le capteur présenterait une sélectivité de l'ordre du ppb : il détecterait une molécule parmi 109 molécules d'air, selon la chercheuse. "La mesure de l'intensité lumineuse présente un pourcentage d'erreur de l'ordre de 20 % , pointe Thu-Hoa Tran-Thi, ce résultat est à mettre en perspective avec les 30 % affichées par les techniques habituellement utilisées".
Son équipe s'efforce aujourd'hui de réduire les coûts pour proposer ces capteurs aux particuliers.
" Nous souhaitons aussi permettre la recherche des sources de pollutions, par exemple poser le capteur près d'une table en bois ou d'un tapis, et déterminer la quantité émise", complète Thu-Hoa Tran-Thi.