La campagne nationale de mesure des résidus de pesticides dans l'air par les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (Aasqa) débute ce lundi 25 juin, annoncent la fédération des Aasqa (Atmo France), l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). Cette première série de mesures harmonisées doit durer une année. Elle "vise à améliorer les connaissances sur les pesticides présents dans l'air ambiant et ainsi mieux connaître l'exposition de la population sur le territoire national", expliquent les trois partenaires. Les résultats devraient servir de base à une stratégie pérenne de surveillance des pesticides dans l'air.
Cette campagne a fait l'objet d'un accord-cadre signé en novembre 2017 entre l'Etat, l'Anses et Atmo France. Son principe avait été acté dans le cadre du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prepa) pour la période 2017-2021 adopté en mai dernier. Sa mise en œuvre a été confirmée début novembre par Nicolas Hulot. Elle répond notamment à la Cour des comptes qui recommandait en janvier 2016 de "rendre obligatoire la surveillance par les Aasqa de la présence dans l'air des pesticides les plus nocifs".
Une liste réduite à 80 substances
Depuis une vingtaine d'année, certaines Aasqa mesurent les concentrations en pesticides dans l'air ambiant sur une base volontaire et à partir de protocoles variés. Ces premiers résultats ont mis en lumière la présence de pesticides dans l'air, près des zones agricoles et en ville. "[Cette] exposition par la voie aérienne représente une composante importante dans l'exposition totale aux pesticides", estime Atmo France. La mise en place de cette première campagne nationale a été "très très compliquée", expliquait en février dernier Edwige Duclay, cheffe du bureau de la qualité de l'air au ministère de la Transition écologique. L'un des principaux point d'achoppement concernait son financement (environ un million d'euros). Si la France confirme sa volonté de suivre sur le long terme la pollution de l'air par les pesticides, le ministère de la Transition écologique souhaite que le financement par la fiscalité des phytosanitaires soit pérennisé.
En octobre 2017, l'Anses avait jeté les bases cette campagne. Elle a remis aux ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et du travail un rapport qui listait 90 substances prioritaires déterminées en fonction de leur présence avérée dans l'air et de leur danger potentiel. Cette liste concernait la France métropolitaine et les régions d'outre-mer de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et de La Réunion. Elle comprenait des substances chimiques entrant dans la composition des phytopharmaceutiques, des biocides, des médicaments vétérinaires et des antiparasitaires à usage humain. Y figurent, entre autres, le 2,4D, la cypermétrine, le fipronil, le chlordécone (des substances hautement prioritaires), l'aldrine (reconnu comme polluant organique persistant (POP)), le lindane (une substance interdite progressivement entre 1998 et 2006), ou encore le glyphosate (pour lesquelles la pertinence de la surveillance doit être confirmée).
Finalement, la liste retenue comporte 80 substances (1) . Certaines substances, dont la pertinence d'une surveillance nationale devait être confirmée par la campagne expérimentale, ne seront pas mesurées. Il s'agit, notamment, pour la métropole, de l'abamectine, de l'amitrole, du chlormequat, du manèbe, du mancozèbe, du metiram, du thirame, ou encore du toxaphène . Le suivi de la plupart de ces substances nécessitait un développement analytique. Certaines substance sont déjà connues : l'Anses a retiré l'autorisation de mise sur le marché des produits à base d'amitrole en novembre 2015, le chlorméquat a fait l'objet par exemple d'une fiche de l'Anses à la suite d'un signalement d'effet indésirable et l'exposition au toxaphène peut donner lieu à une reconnaissance de maladie professionnelle (lymphome malin non hodgkinien).
1.500 prélèvements réalisés sur 50 sites
La campagne sera réalisée grâce à quelque 1.500 échantillons prélevés sur 50 sites de mesures, en France métropolitaine et en outre-mer. La répartition des sites de prélèvements tient compte des différents types de zones d'habitation, avec 52% de sites urbains ou péri-urbains et 48% de sites ruraux. Ils tiennent aussi compte des productions agricoles, avec 40% de sites en grandes cultures, 22% de sites viticoles, 22% de sites arboricoles, 14% de sites en maraîchage et 6% de sites d'élevage. En outre, chaque région aura entre un et six sites pour couvrir les différentes situations d'exposition aux pesticides dans l'air. Le ministère de la Transition écologique co-finance les dispositifs de prélèvement.
Les mesures seront réalisées sur la base d'un protocole harmonisé, financé par l'Agence française de la biodiversité (AFB) dans le cadre du plan Ecophyto. Il a été défini sur la base des recommandations de l'Anses et de l'Ineris. Ces travaux ont été menés par le laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA), en lien avec les associations de surveillance de l'air des Régions Grand Est et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca).
Les Aasqa réaliseront les prélèvements sur le terrain. L'Ineris assurera l'appui technique, pilotera l'analyse des échantillons et exploitera les données. L'Anses apporte son soutien scientifique et prend en charge le financement de cette campagne dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance mis en place en 2015 et dont l'objectif est de surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques.