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Actu-Environnement

“La pollution de l'air est un facteur de stress supplémentaire pour certains écosystèmes”

Depuis les années 80, les scientifiques se penchent sur l'impact de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes. Perte de rendement, dégradation et érosion de la biodiversité font partie des effets, à long terme, que peuvent subir certains milieux sensibles.

Interview  |  Biodiversité  |    |  S. Fabrégat
   
“La pollution de l'air est un facteur de stress supplémentaire pour certains écosystèmes”
Laurence Galsomiès
Animateur du secteur Effets de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes et le patrimoine bâti, ADEME
   

Actu-Environnement : On a beaucoup parlé récemment des impacts sanitaires de la pollution atmosphérique, et notamment du pic de particules. Qu'en est-il des impacts sur les écosystèmes ?

Laurence Galsomiès : Ces derniers jours, l'épisode que l'on a vécu est exceptionnel, d'autant que les particules rendent visibles la pollution qui est généralement impalpable. Mais ce type de pic de pollution n'a pas une forte influence sur l'état sanitaire des écosystèmes. Ils sont sensibles, en revanche, à une pollution de fond, dite aussi chronique, à moyen et long terme, qui peut conduire à leur transformation ou leur dégradation. On a tous en tête encore les images des forêts dans le Triangle noir, en Pologne et en République tchèque, où les dépôts de composés acides et azotés ont conduit, dans les années 70-80, à des paysages fortement dégradés, où seuls subsistaient les troncs des arbres. Il reste des zones où les stigmates sont encore là aujourd'hui : si la dégradation prend du temps, la restauration d'un milieu est longue également, même si les systèmes naturels ont une grande capacité de résilience. Mais on n'en est pas là en France ! Il faut néanmoins rester vigilant sur certains écosystèmes sensibles et fragiles : la pollution atmosphérique est pour eux un facteur de stress supplémentaire.

AE : Comment se caractérisent les effets de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes ?

LG : Il y a plusieurs types de pollution : l'ozone, la pollution acide ou azotée. Les effets seront perceptibles selon la sensibilité des végétaux mais, globalement, la pollution atmosphérique peut dérégler les cycles nutritifs des plantes et entraîner, pour les cultures agricoles notamment, une perte de rendement. L'ozone est un agent extrêmement phytotoxique et oxydant. Cette molécule pénètre dans les stomates et crée des nécroses sur les feuilles. A partir de là, la plante va se dégrader puisque c'est par les feuilles que beaucoup de choses se passent (photosynthèse…). Dans le bassin méditerranéen, le pin d'Alep est particulièrement sensible aux niveaux de fond d'ozone. On peut imaginer que, si elle est fortement impactée, cette espèce disparaisse à terme.

Les dépôts de particules en excès peuvent quant à eux perturber les cycles nutritifs. L'acidification de l'air, liée aux composés soufrés (acide sulfurique, notamment) et azotés (acide nitrique), entraîne une perte de fertilité et une modification de la productivité des écosystèmes. Elle va perturber l'équilibre chimique de la plante, et notamment les apports en magnésium et en calcium, qui sont très utiles à la végétation. Ces éléments vont devenir beaucoup plus solubles, être lessivés et ne resteront donc pas à la disposition du système terrestre. La modification de l'acidité des milieux favorise également l'absorption des métaux par les racines des arbres et végétaux alors que généralement ces éléments sont plutôt stables. D'autres polluants dits organiques persistants (POPs) ont des effets néfastes sur l'environnement car ils ont tendance à se concentrer dans la chaîne alimentaire et ainsi atteindre des doses non négligeables et dangereuses pour la santé.

L'eutrophisation, liée à l'excès d'apport de composés azotés (acide nitrique, ammoniac), peut conduire à une modification de la répartition des espèces et à une érosion de la biodiversité. En effet, les plantes fixent naturellement l'azote. Mais lorsqu'il y a un excès d'azote, certaines espèces, les nitrophiles, vont être très productives, au détriment d'autres espèces.

AE : Où en est-on aujourd'hui dans la mesure de ces phénomènes ?

LG : La première prise de conscience en France de l'impact de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes a eu lieu dans les années 80, avec ce que l'on a appelé les pluies acides. Certaines forêts, notamment dans le Jura et les Vosges, montraient des signes de dépérissement. On s'est alors rendu compte que la pollution atmosphérique n'était pas le principal élément déclencheur mais que, combinée à d'autres facteurs (pauvreté des sols, sécheresse), elle avait conduit à une baisse de fertilité et de productivité des milieux.

A partir de ce moment-là, plusieurs observatoires ont été créés, comme le réseau Renecofor (géré par l'ONF), le dispositif Mera (géré par l'Ecole des Mines de Douai) ou encore Bramm (initié par l'Ademe et géré par le MNHN). Ce dernier s'appuie sur des bio-indicateurs pour estimer la capacité des écosystèmes à accumuler la pollution. Le dispositif Bramm estime par exemple la pollution de fond des dépôts de métaux et d'azote grâce aux mousses. Ces végétaux sont utilisés car ils n'ont pas de racines et on estime ainsi que les apports de métaux sont d'origine atmosphérique. Les trois premières campagnes menées entre 1996 et 2006 nous ont permis d'observer une diminution des apports de certains métaux (cadmium, chrome, plomb, zinc…). En revanche, deux métaux très toxiques sont en augmentation d'un peu plus de 20% (l'arsenic et le mercure) et plusieurs autres sont à surveiller, comme l'aluminium, le fer et le nickel. La charge critique est le seuil de dépassement des dépôts en excès au-delà duquel des effets nocifs peuvent apparaître pour certains végétaux. Près de vingt ans d'observation nous ont permis de constater que le phénomène d'acidification était largement à la baisse, lié aux réductions des émissions de soufre. Mais ce n'est pas pour autant que les impacts sur les écosystèmes ont totalement disparu. Certains territoires sont particulièrement vulnérables à l'acidification, comme les Vosges, les Landes ou le Massif central. En revanche, l'eutrophisation est en hausse, liée aux excès d'azote, notamment d'ammoniac agricole.

Réactions9 réactions à cet article

Si l'on veut rester dans la logique du système actuel, on ne peut que se réjouir de cette pollution. Voilà une bonne opportunité pour créer plein de nouveaux emplois pour : la mesure de la pollution, l'étude de l'impact de la pollution, la mise en place de mesure conservatoires, la prévention, la gestion de l'aide aux entreprises chargées de la dépollution, le financement de cette aide, la dépollution elle-même, etc.
J'ai bien conscience que cette présentation de la situation dans laquelle nous sommes est une pure provocation. Mais elle ne fait que mettre en lumière les contradictions qu'il faut bien affronter et régler entre nous si nous ne voulons pas devenir définitivement schizophrènes.

Jean-Claude Herrenschmidt | 20 mars 2014 à 11h27 Signaler un contenu inapproprié

... et le nombre de fonctionnaires de la tentaculaire ADEME...
Il faut provoquer pour observer des réactions. C'est un axiome pour tout expérimentateur.
J'attends les (autres) noms d'oiseau qui ne vont certainement pas tarder.

Albatros | 21 mars 2014 à 13h52 Signaler un contenu inapproprié

pensez aussi a l effet de cette pollution dans certains pays africains qui connaissent de sérieux problèmes environnementaux dont notre mouvement travaille sur un projet dénommé eau,pollution et santé environnementale
nous avons des projets d assainissement et nous cherchons des collaborateurs pour faire des études d impacts qui englobent l essentiel de nos projets et des partenaires au développement pour un programme d été prévu au mois de mai

papa ndene fall coordonnateur du mouvement ON’A BZION lot 2375 abattoirs kaolack Sénégal

brother | 21 mars 2014 à 15h20 Signaler un contenu inapproprié

"La pollution de l'air est un facteur de stress supplémentaire pour certains écosystèmes " il fallait bien une spécialiste pour nous apprendre ça.
Observons sa prudence avec "certains écosystèmes"
Je crois avoir compris que "la pollution est un effet négatif sur un écosystème"

ami9327 | 24 mars 2014 à 15h28 Signaler un contenu inapproprié

Activité humaine = pollution = (par définition) mauvais pour Bonne Mère Nature (par définition Bonne) => Obligation de réguler (au pire ou au mieux, c'est selon le point de vue) ou d'interdire l'activité humaine.

Seule exception : l'activité humaine déployée par certains fonctionnaires, particulièrement ceux de l'ADEME. Brasser de l'air, c'est bon pour diffuser la pollution...

L'ADEME, c'est près de 600 millions € de budget – ponctionnés sur l'activité économique française (certes, une partie y retourne) – près de 100 millions en frais de fonctionnement, près de 1000 agents. Combien de gaspillages induits ? Notamment par une réglementation délirante ?

C'est tout de même extraordinaire que la pollution atmosphérique soit vue sous le seul angle négatif.

Aujourd'hui, il faut apporter du soufre sur les plantes exigeantes comme le colza. Il fut un temps, ce n'était pas nécessaire... Ce n'est pas pour regretter les anciens temps de la pollution par les combustibles fossiles non épurés, mais pour illustrer le fait qu'il y a aussi des côtés positifs pour les écosystèmes.

M. Herrenschmidt : schizophrènes, nous le sommes déjà. Grave !

Malheureusement, vous ne faites pas de provocation, mais un constat amer. Il faut par exemple six mois en Allemagne pour construire un méthaniseur ; six ans en France.

Wackes Seppi | 25 mars 2014 à 19h40 Signaler un contenu inapproprié

A travers la lecture de ce article,On sent que la pollution atmosphérique est une menace sérieuse pour notre planète en général. Les européens mettent en place des dispositifs pour ralentir le fléau. Les africains en parlent très peu, alors que chaque jour le park automobiles des capitales africaines s'alourdit de vieux véhicules communément appelés France au revoir. Ces véhicules dont la moyenne d'age est de 20 ans, sont les vrais générateurs de particules polluantes des grandes villes africaines. Faut-il alors interdire ou limiter l'importation sur le continent africain des vieilles voitures rejeter par l'Europe? C'est la question que tous les spécialistes de l'environnement se posent, face au taux croissant de maladies respiratoires, enregistrées dans les hôpitaux des grandes villes africaines. La balle est certainement dans le camp des décideurs du continent. Il est très difficile de respirer aux heures de pointe à Cotonou, Ouagadougou, Bamako, ou Dakar. Chers amis partenaires, aidez nous à trouver quelques solutions au problème posé. Merci.

Général Mangani. | 29 avril 2014 à 23h03 Signaler un contenu inapproprié

Et dans toute cette cascade de commentaires, évidemment très pertinents, intégrera-t-on, un jour, les retombées, principalement en Ile-de-France, de la CIRCULATION AERIENNE dont on ne parle jamais ou alors très, très timidement ?! Qui doit-on protéger ?

Dany | 30 avril 2014 à 13h00 Signaler un contenu inapproprié

@ GénéralMangani C'est vrai quel contraste entre les contraintes imposées a grand frais chez nous pour les voitures, leur carburant leur état technique et ce qui se passe en Afrique ou, malheureusement, les gens sont encore contents de trouver pour "pas cher" (enfin pas cher c'est vite dit!!)des véhicules capables de rouler. Les solutions durables ne peuvent être que politiques et encore faut-il trouver les personnes capables de mettre en œuvre des réformes. Le chemin est encore long...

ami9327 | 06 mai 2014 à 23h53 Signaler un contenu inapproprié

JE SUIS PASSIONNER DE LA NATURE DE LENVIRONNEMENT. JE VOUDRAIT COMPRENDRE QUE REELLEMENT SI LHUMANITEE CONTINUE A POLUER LA NATURE DUNE MANIER ABUSIF QUELLE SERA DICI 50 ans le sort de lhumanité sur la terre

steeve999 | 06 juin 2014 à 12h52 Signaler un contenu inapproprié

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