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Pollution métallique : Alteo obtient une dérogation de 6 ans pour ses rejets liquides

Par un arrêté signé le 28 décembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône donne une dérogation pour 6 ans à la société Altéo pour le rejet d'effluents liquides issus de ses process au large du parc national des Calanques. Détails des implications.

Eau  |    |  D. Laperche
Environnement & Technique N°355
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°355
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La société Alteo (1) , productrice d'alumine, pourra finalement rejeter ses effluents liquides résiduels au large du parc national des Calanques : le préfet des Bouches-du-Rhône a signé le lundi 28 décembre un arrêté (2) donnant une dérogation pour six ans à l'industriel.

L'entreprise (3) s'était pourtant engagée en 1996 à cesser les rejets en mer au 31 décembre 2015, initiative actée ensuite par un arrêté préfectoral d'interdiction à cette échéance.

Pour anticiper cette obligation réglementaire, Alteo a investi dans un système de déshydratation par filtre presse pour traiter ses boues. Si le résidu solide obtenu, la Bauxaline, peut ensuite être stocké ou valorisé, la question du devenir des effluents liquides, notamment en sortie de filtre à presse, restait cependant entière.

En septembre 2014, le conseil d'administration du parc national des Calanques a donné son feu vert à la poursuite pendant 30 ans des rejets des résidus liquides. Opposée à ce positionnement, Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, avait alors saisi l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses)  - pour analyser l'éventuelle contamination des poissons par les résidus liquides - ainsi que le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) - pour étudier l'efficacité des filtres presse et envisager des technologies alternatives.

Au vu des réserves de l'Anses concernant la contamination des poissons, l'ouverture de l'enquête publique sur cette question avait été reportée à août dernier et la ministre avait demandé une nouvelle campagne de pêche à l'exploitant, encadrée par l'Anses.

Au début du mois, la procédure a franchi une première étape : la commission d'enquête publique comme le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) ont rendu un avis favorable à la poursuite des rejets liquides.

Une contamination plus importante dans la zone impactée par le rejet

Les résultats de la campagne de pêche complémentaire demandée par Ségolène Royal ont quant à eux été dévoilés le 22 décembre dernier lors la réunion du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT). Pour ce qui concerne les échantillons de poissons (4) , le rapport de l'Anses (5) indique que "des signaux relatifs à une contamination plus importante dans la zone de pêche sous influence ont été mis en évidence (…) pour les principaux éléments traceurs de rejets en lien avec les activités de transformation de minerai de bauxite de l'usine d'Alteo, à savoir l'aluminium, le vanadium  et le titane, les tests significatifs concernant le muscle vont toujours dans le sens d'une plus grande contamination dans la zone impactée par le rejet".

L'Ifremer (6) s'est intéressé aux résultats portant sur les moules et sur les oursins. "Nous retrouvons des métaux spécifiques dans les muscles des poissons et dans les moules, qui ont été engagées à titre de cobayes à côté ou sur la zone de rejet, pointe Jacky Bonnemains, membre du CSPRT et président de Robin des Bois. En deux mois et demi, elles ont absorbé, se sont imprégnées des éléments toxiques du rejet".

Les différents membres du CSPRT ont voté le 22 décembre pour une dérogation délivrée pour une durée de 6 ans (comprenant deux bilans intermédiaires au bout de 2 et 4 ans soumis à un nouvel examen du CSPRT) assortie de conditions. Ils souhaitent ainsi que les évaluations des risques sanitaires portant sur les rejets en mer ainsi que sur les émissions de poussières du stockage de boues séchées engagées par l'Anses, l'Ifremer et l'IRSN soient poursuivies. Ils appellent également à la création par le préfet d'une commission de suivi de site (CSS) associant l'ensemble des parties prenantes. Enfin, le CSPRT recommande que le conseil scientifique soit renouvelé et qu'il rende régulièrement compte des suivis, notamment de l'impact sur le milieu marin. "Le renouvellement du conseil scientifique est un point positif car nous nous sommes rendus compte que ce n'était vraiment pas un travail de qualité qui avaient été fourni", pointe Solène Demonet, coordinatrice réseau Risques et impacts industriels pour l'association France Nature Environnement, également membre du CSPRT.

Un dépassement de normes autorisé pour six ans

L'arrêté signé le 28 décembre autorise donc pour une durée de six ans le rejet en mer d'effluents aqueux dépassant les valeurs limites d'émissions fixées notamment pour l'arsenic, l'aluminium et le fer.

L'arrêté reprend également certaines des recommandations du CSPRT : le préfet devrait instituer prochainement la commission de suivi de site et le comité de surveillance et d'information sur les rejets marins. "L'exploitant devra périodiquement justifier de l'avancement et de l'accomplissement des études, travaux et dispositif de réexamen qui lui auront été prescrits", précise l'arrêté. L'industriel devra notamment transmettre tous les ans un rapport d'étape sur les solutions complémentaires ainsi qu'un échéancier et l'avis d'un tiers expert. Les résultats de la surveillance des émissions, des milieux et des déchets seront mensuels et le bilan environnemental annuel.

"Le nouvel effluent est plus liquide, moins chargé en suspension mais reste concentré en aluminium et arsenic. Il y a donc les risques cumulés du rejets historique et du nouveau rejet en mer ", souligne Jacky Bonnemains.

Pour Solène Demonet, "ce nouveau panache pose des questions, aujourd'hui ce sont des boues qui tombent au fond mais à partir du 1er janvier ce sera un liquide, chargé en polluant, il ne va pas se comporter de la même façon dans la mer et il partira peut-être beaucoup plus loin".

A l'annonce de la signature de l'arrêté permettant la dérogation, Ségolène Royal a réitéré son désaccord estimant que la décision résultait d'un "chantage à l'emploi", selon l'AFP. Sur cette question, "la seule décision sensée qui doit être prise est de penser dès maintenant à la reconversion du personnel et des emprises terrestres… Il faut aussi penser à l'économie de la pêche autour de Cassis et du tourisme, et ne pas continuer à considérer la mer et l'écosystème marin comme une décharge, juge quant à lui Jacky Bonnemains. Nous estimons que cette usine vit sous dérogation et perfusion financière, elle est dans la ville, n'a pas de possibilité d'extension ni les moyens financiers ou techniques de se mettre en conformité ".

L'usine de Gardanne bénéficie en effet déjà d'une dérogation pour ses rejets atmosphériques en dioxyde d'azote jusqu'au 31 décembre 2018. "Entre les communes de Gardanne et de Bouc-Bel-Air, le stockage à terre émet de nombreux envols de poussière, susceptible de nuire à la santé des populations riveraines, s'indigne Jacky Bonnemains. Récemment, il a été noté sur la commune de Bouc-Bel-Air, en aval du stockage à terre de boues jaunes, la contamination d'une source par des éléments métalliques. La municipalité a été amenée à interdire sur la commune l'utilisation des puits privés".

Vers une solution de traitement des rejets liquides ?

De son coté, Alteo assure que la décision du préfet va lui permettre de poursuivre son activité dans des conditions modifiées et d'engager les recherches de solutions complémentaires afin d'améliorer dans la durée la qualité des eaux résiduelles.

Lors de la réunion du CSPRT, le BRGM avait rappelé la piste d'un traitement combiné de neutralisation à l'acide. "La solution du BRGM présente un certain nombre d'intérêts mais également de difficultés car elle nécessite une production additionnelle ainsi qu'une consommation d'acide significatives et pose des questions techniques non résolues à ce stade, notamment sur la séparation entre les solides et les liquides ou ensuite le devenir des boues résiduelles, explique Frédéric Ramé, le président d'Alteo. Il faut poursuivre les études pour voir si c'est une solution qui fonctionne et si c'est la meilleure (...) Nous avons eu différents échanges et des travaux préliminaires avec différentes sociétés (…), je ne sais pas si ce sera une solution unique ou une combinaison, cela reste à écrire".

Une des technologies envisagées, parmi les entreprises rencontrées, serait une élimination des éléments métalliques grâce à une ozonation hybride. "Nous explorons avec Alteo la possibilité d'éliminer les métaux lourds jusqu'à une qualité d'eau d'irrigation", confirme Peter Paulich, un des interlocuteurs membre de l'association Blue district (7) .

Reste désormais à attendre les résultats des tests et des pilotes.

1. qui appartient au fonds de pension américain, HIG Capital2. Télécharger l'arrêté
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-25957-arrete-alteo.pdf
3. A l'époque la société Aluminium Pechiney 4. 1.800 échantillons, provenant des deux zones de pêches : la zone impactée et la zone dite 5. Télécharger le rapport de l'Anses
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-25957-rapport-anses.pdf
6. Télécharger le rapport de l'Ifremer
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-25957-rapport-ifremer.pdf
7. L'association 1901 Blue district vise la promotion des systèmes de gestion décentralisée de l'eau. Elle propose également des prestations de service (formation, conseils, voyages d'études, rapport d'expertise, protocole de contrôle qualité, etc.)

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