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Pollution métallique : Altéo examine (pour l'instant) trois solutions pour la réduire

Le producteur d'alumine Altéo a confirmé, lors de la première réunion de la commission de suivi de site, examiner trois types de solutions pour rester dans les seuils fixés pour certains polluants présents dans les effluents rejetés en mer. Détails.

Décryptage  |  Eau  |    |  D. Laperche

Quelles sont les pistes de dépollution des effluents de process que pourrait suivre Alteo, producteur d'alumine à Gardanne (Bouches-du-Rhône) ? A l'occasion de la première réunion de la commission de suivi de site, le 18 mars, la société a assuré étudier différentes solutions innovantes de traitement complémentaire de ses flux. "A l'issue de discussions techniques d'une part et de tests sur échantillons d'autre part, Altéo a déjà pu confirmer la mise en place de partenariats avec les sociétés Blue District, Extracthive ou encore Pearl", a précisé dans un communiqué l'entreprise.

Cette commission de suivi de site (1) a été créée le 15 février dernier, conformément aux recommandations du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) dans le cadre de la dérogation délivrée pour une durée de six ans à Altéo. Cette dernière permet à l'entreprise de rejeter au large du parc national des Calanques des effluents aqueux dépassant les valeurs limites d'émissions fixées (par l'arrêté du 2 février 1998) notamment pour l'arsenic, l'aluminium et le fer.

Parmi les autres conditions, reprises par l'arrêté d'autorisation des rejets (2) , figure également la transmission tous les ans d'un rapport d'étape sur les solutions complémentaires. Demande reprise par Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, qui a interpelé l'exploitant mi-mars pour qu'il "remette un rapport sur les solutions de traitement actuellement étudiées afin que le comité de suivi de site puisse l'examiner d'ici fin septembre".

Trois voies de traitement étudiées

Altéo explorerait aujourd'hui trois voies pour contenir dans les valeurs limites d'émissions réglementaires, les polluants présents dans son effluent rejeté en mer. "Pour l'instant, nous travaillons sur l'évaluation des solutions, si cela marche nous passerons à l'échelle industrielle et réfléchirons à leur intégration dans notre procédé de fabrication, pointe Eric Duchenne, directeur des opérations d'Altéo. Tout n'ira pas à la phase pilote mais ce qui vaut la peine le sera".

Un des traitements envisagés passe par la récupération de métaux sans réduire le pH. "Dans le cas d'Altéo, il y a deux difficultés : tout d'abord, le volume et les débits considérables, qui pèsent sur la facture de nombreuses technologies, ensuite leurs effluents sont basiques et un certain nombre de solutions classiques ne fonctionnent pas bien dans ce milieu, note Frédéric Goettmann, président d'Extracthive, une société spécialisée dans la conception de solutions de valorisation de déchets et de dépollution d'effluents industriels. Pour utiliser des produits moins chers, réduire leur quantité et bénéficier d'une filtration facilitée, nous avons choisi d'ajouter une source de calcium et de faire précipiter l'aluminium en aluminate de calcium tout en essayant de coentraîner d'autres métaux encore dans l'effluent".

Si le niveau d'élimination de l'aluminium atteindrait 99,8%, selon Frédéric Goettmann, concernant l'arsenic, les tests n'ont en revanche pas encore établi si la précipitation permettait de l'éliminer ou s'il fallait ajouter une étape supplémentaire (comme des résines échangeuses d'ions). "Le taux de fer des effluents transmis par Alteo était trop faible pour que nous puissions le mesurer nous même : les analyses chimiques sont toujours en cours chez un prestataire externe, complète Frédéric Goettmann. En tout état de cause, nous pensons être capables de passer sous les 5mg/l imposés".

L'entreprise se penche également sur la filtration du produit obtenu. "Nous souhaiterions réutiliser l'aluminate de calcium, nous étudions différentes pistes : nous sommes notamment en discussion avec des entreprises du secteur des matériaux de construction, précise Frédéric Goettmann. Nous pensons également pouvoir l'exploiter pour la fabrication de céramique".

Jouer sur le rôle de coagulant et d'oxydant de l'ozone

L'ozonation hybride constitue une autre solution explorée par Altéo. Elle joue à la fois sur les effets de coagulation et d'oxydation de l'ozone. "Notre technologie propose une filière complète de traitement de l'eau à partir de l'oxygène de l'air, pointe l'inventeur du procédé, Mohamed Rhouma, créateur de la société Ozoval. L'ozone produit sera exploité pour enlever la matière et oxyder les métaux lourds". Ce dernier a développé un ozonateur qui s'appuie sur une étape de refroidissement de l'air ambiant pour augmenter les rendements de production de l'ozone.

Lors d'une première étape dite d'électro-ozonation, l'ozone est décomposé notamment en radicaux libres, utilisés dans ce cas pour faire coaguler les matières en suspension. Obtenir l'effet de coagulation sans que l'oxydation ne démarre nécessite un réglage fin du dosage de l'ozone, du temps de séjour et de l'intensité électrique, selon Mohamed Rhouma.

Ensuite lors de la seconde étape "d'ozonation catalytique", les polluants sont piégés sur un support recouvert d'un alliage de métaux précieux qui présente à la fois des propriétés d'absorption et catalytique. L'ozone oxyde alors les métaux. Selon Ozoval, le procédé permet de diviser par quatre la quantité d'ozone utilisée par rapport à des ozonations classiques.

"Nous avons fait des essais à l'échelle labo. Nous arrivons à l'élimination des métaux au-dessous du seuil exigé par la réglementation, précise Mohamed Rhouma. Les précipités obtenus par sédimentation peuvent être récupérés - à titre d'exemple du fer, de l'aluminium - pour d'autres usages".

"La phase pilote, les délais de fabrication et l'équipement complet prendront neuf mois. Nous jugeons nécessaire une période d'observation d'une durée de six mois et six mois de recul, précise Peter Paulich, co-fondateur de l'association Blue District, qui propose et accompagne cette solution. Ce recyclage de l'eau traitée justifie même l'exploration de la vision la plus ambitieuse : la fermeture de la conduite. Il faut évidemment dès maintenant une vraie volonté de résultat de tous les acteurs".

Des écorces d'arbres pour fixer les polluants

La troisième option aujourd'hui envisagée par Altéo joue sur la propriété qu'ont les écorces d'arbres de fixer différents polluants. "Notre produit est un textile composite réalisé à partir de déchets de teillage (3) de lin et d'écorces sous-produits, précise Philippe Devos, directeur général de la start up Pearl. Ce tapis en filtrant les eaux va capturer les éléments métalliques qui sont dissouts avec un procédé proche des résines échangeuses d'ions, mais bien plus simple à mettre en œuvre".

Utiliser directement cette solution pour le cas d'Altéo aurait toutefois entraîné des coûts trop importants, la start up a donc choisi de réaliser une première étape d'acidification du pH des effluents grâce à du dioxyde de carbone pour éliminer par précipitation une partie des contaminants. L'équipe affine ensuite la dépollution du flux grâce au textile composite.

"Les résultats obtenus en laboratoire montrent que nous pouvons garantir que nous serons en dessous des seuils fixés par la réglementation avec des concentrations de 2,5mg/l pour l'aluminium, et proches de zéro pour l'arsenic, pointe Philippe Devos. Dans les échantillons que nous avons pris chez Altéo, le fer était déjà largement en dessous des normes demandées. Nous avons obtenu un abattement supplémentaire, mais dans la mesure où il est question de concentration inférieure à 1 mg/l (avant et après traitement), ce n'est pas très significatif par rapport au résultat recherché".

L'entreprise assure déjà disposer d'un pilote adapté pour les tests à l'échelle industrielle et attends désormais le retour d'Altéo. "La phase pilote permettra de valider les résultats d'essais prometteurs obtenus sur échantillons en laboratoire et de préciser le dimensionnement et les coûts d'exploitation pour un traitement à l'échelle industrielle", précise Loïc Jauberty, qui a conçu le concept lors de sa thèse.

D'un point de vue réglementaire, la date butoir d'Altéo est fixée à un horizon de six ans. Le producteur d'alumine prévoit de construire son projet de solutions complémentaires et de développer les pilotes dans les deux ans pour ensuite mettre en place les technologies dans les trois ans qui suivent, selon son directeur des opérations. "Sachant que ces trois approches sont complémentaires les unes des autres et dans la mesure où il existe plusieurs flux d'eau résiduaire dans l'usine, nous ne nous interdisons pas de les traiter chacune différemment les unes des autres, souligne Eric Duchenne, directeur des opérations d'Altéo. Rien n'est figé, ce sera très collaboratif, très ouvert sur les deux à quatre prochaines années".

Vers une eau de qualité d'irrigation ?

Impliqué dans ce sujet, François-Michel Lambert, député écologiste des Bouches du Rhône, a appelé de ses vœux lors d'une conférence de presse début mars la mise en place "d'une plate-forme collaborative pour favoriser l'innovation technologique dans le traitement des pollutions. (…) Cette structure serait l'outil permettant de donner transparence et efficacité à une démarche collective", avance-t-il. Le député souhaiterait également qu'à un horizon de moins de 10 ans, l'objectif soit de disposer d'une eau de qualité irrigation "assurant un revenu économique à Altéo ». Autre suggestion : mettre en place des centrales de micro-hydroelectricité "apportant une contribution économique pour Altéo, propriétaire de la canalisation (via Pechiney Aluminium)".

"Je ne sais pas si nous pourrons obtenir une qualité d'eau d'irrigation, il y a quand même du sodium dans notre eau qui pose des problèmes à l'agriculture… Toutefois, nous avons l'ambition de réutiliser le maximum de nos résidus, a répondu Eric Duchenne, directeur des opérations d'Altéo, interrogé par Actu-environnement. Pour l'instant, nous nous polarisons sur les métaux car l'objectif dans six ans c'est d'être en dessous des seuils et nous ne sommes pas aujourd'hui en dérogation pour le sodium".

Et le niveau de concentration de sodium et le volume des effluents de l'industriel semblent peser sur la facture économique et/ou énergétique de la plupart des solutions d'élimination classiquement envisagées (résines échangeuses d'ion, distillation, évaporation, etc.). "Le sodium ne nous pose pas de problème majeur, oppose Mohamed Rhouma. Après neutralisation par le CO2 et électro-ozonation, le sodium pourra être réduit, notamment sous forme de sel."

Reste désormais à attendre le verdict des pilotes. Certains acteurs et associations estiment que le modèle économique d'Altéo, financé par un fonds de capital investissement, interrogent sur la pérennité et le choix de l'entreprise. "La durée de vie n'a aucun lien avec ce qu'il se passe au quotidien dans l'usine, notre actionnaire nous a accompagné dans les investissements que nous avons faits pour arrêter les boues rouges, a réagi Eric Duchenne. Un jour, nous changerons peut-être d'actionnaire... L'entreprise a changé plusieurs fois d'actionnaires depuis 1894 et elle existe toujours".

1. Télécharger l'arrêté de création du CSS
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-26520-arrete-creation-css-alteo.pdf
2. Télécharger l'arrêté d'autorisation des effluents en mer
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-26520-arrete-icpe-alteo.pdf
3. Battre, broyer la tige des plantes textiles (lin, chanvre) pour séparer les parties ligneuses de la fibre.

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