Le stockage de l'électricité produite à partir des énergies renouvelables intermittentes est un des enjeux clés de la transition énergétique. Le réseau gazier, pourrait offrir une solution grâce à la conversion de l'électricité excédentaire en gaz combustible, un procédé appelé power to gas. En effet, le réseau français pourrait stocker jusqu'à 25 térawattheures d'énergie sous forme d'hydrogène.
Mardi 11 février, BIP Enerpresse organisait un débat sur les perspectives du power to gas. Si les participants, impliqués à différents niveaux de la filière, se sont montrés optimistes, le chemin à parcourir pourrait être encore long car des éléments essentiels restent à préciser.
La France mise sur l'hydrogène
La technologie power to gas vise à convertir de l'électricité en gaz combustible, c'est-à-dire en hydrogène ou en méthane, afin de l'injecter dans le réseau gazier qui offre des capacités de stockage dont ne dispose pas le système électrique. La conversion de l'électricité en hydrogène est réalisée par électrolyse. Ensuite, l'hydrogène peut soit être injecté tel quel dans le réseau gazier, soit être converti en méthane grâce à un apport de CO2 et à la technologie de la méthanation.
Premier constat, la France semble miser sur l'incorporation de l'hydrogène dans le réseau gazier plutôt que sur sa conversion préalable en méthane. Un choix assez logique puisque, comme l'a souligné le sénateur PS du Tarn Jean-Marc Pastor, co-auteur d'un rapport sur la filière hydrogène, "la France est probablement le pays qui dispose du plus grand nombre d'acteurs dans le secteur de l'hydrogène". Faute de représentant de la filière méthanation, le débat a donc parfois donné le sentiment d'aborder la filière hydrogène, avec les enjeux de stockage solide de l'hydrogène notamment, plutôt que power to gas…
Actuellement, il est possible de mélanger le gaz naturel et l'hydrogène dans le réseau gazier jusqu'à une teneur de 6% en hydrogène sans poser de problème majeur. Néanmoins, François Le Naour, chef du département adjoint du département au CEA Liten, estime que la méthanation a des atouts à faire valoir, malgré son surcoût puisqu'elle permet de s'affranchir de cette limite.
Un point de vue que partage Sylvain Lemelletier, directeur de projet Power to gas chez GRTgaz, qui prévient que l'injection d'hydrogène peut aussi poser des problèmes techniques. En effet, certaines turbines au gaz n'acceptent que de très faibles niveaux d'hydrogène et au-delà de 2% d'hydrogène, le stockage géologique du gaz n'est plus possible. Il est d'ailleurs instructif de noter que le gestionnaire du réseau français de transport de gaz est le seul acteur du débat à envisager de tester à l'horizon 2017 ou 2018 une unité de méthanation…
Envisager de rémunérer un service
Si techniquement aucun obstacle majeur n'entrave le développement du power to gas, la question centrale du modèle économique reste posée. Actuellement, aucun modèle n'a fait la preuve de sa rentabilité et il semble assez clair que les améliorations technologiques ne permettront pas d'atteindre la rentabilité à elles seules.
Aujourd'hui, le modèle allemand de l'injection d'hydrogène dans le réseau gazier repose sur les certificats verts, c'est-à-dire que le modèle dépend des consommateurs soucieux de s'approvisionner en "gaz vert", explique Pascal Laclergue, responsable développements de la filiale française d'E.on. Dans ce contexte, "les conditions ne sont pas du tout favorables à la rentabilité des systèmes power to gas", estime le représentant de l'énergéticien allemand qui considère qu'il faut néanmoins poursuivre les expériences en cours et trouver un modèle qui ne dépende pas des subventions publiques.
Le doute sur la viabilité d'un modèle reposant sur des aides publiques est d'autant plus fort que l'exemple du photovoltaïque, qui a progressé et régressé au grès des révisions tarifaires, est présent dans tous les esprits. "Je ne veux pas être sur des marchés portés par des subventions", prévient Pascal Mauberger, président de l'Association française de l'hydrogène et des piles à combustibles (Afhypac).
Pour sortir de cette impasse, les acteurs envisagent plusieurs solutions. En premier lieu, ils plaident pour une exonération des taxes liée à la consommation énergétique. Ils avancent qu'il n'y a pas lieu de taxer l'hydrogène ou le méthane injecté dans le réseau car il n'y a pas de consommation à proprement parler mais plutôt un stockage énergétique.
Mais c'est surtout la notion de "service de stockage" qui offre une perspective de rentabilité à la filière power to gas. Sans préciser clairement le mécanisme envisagé, les acteurs du secteur proposent de facturer au réseau électrique le service rendu en absorbant ses surplus sur le réseau gazier. Selon eux, cela est possible car les deux tiers du prix de l'électricité correspondent à des taxes et à la rémunération du réseau. Reste à savoir si l'Etat suivra leur raisonnement.