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Préjudice écologique : le débat commence

Le Sénat vient de voter en première lecture et à l'unanimité, la proposition de la loi "visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil". Pour Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'environnement, ce vote important ouvre plutôt qu'il ne clôt le débat.

Publié le 17/05/2013

Une précision tout d'abord, le texte – la "petite loi" - voté hier au Sénat traite du "dommage à l'environnement" et non du "préjudice écologique". Le titre de la proposition de loi a en effet évolué en cours de discussion. La petite loi votée par le Sénat ce 16 mai 2013 vise désormais à inscrire la notion de "dommage causé à l'environnement" dans le code civil. Paradoxalement, c'est le code civil qui devrait permettre cette avancée du droit de l'environnement. Une réforme notamment inspirée par les conclusions du rapport de 2012 de la commission environnement du Club des juristes, dirigée par M Yann Aguila. Il ne fait pas de doute que l'intervention du législateur était utile pour stabiliser une jurisprudence susceptible d'interprétations divergentes mais aussi pour donner une valeur au vivant. Le contenu de la loi en cours de discussion suscite cependant des questions et son application en posera d'autres.

Un nouveau régime de responsabilité

Le dommage consécutif à une atteinte à l'environnement se distingue par le fait qu'il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve d'un dommage personnel, d'une atteinte au patrimoine d'un sujet bénéficiant d'une personnalité juridique, ce que n'a pas le milieu vivant et pas encore les générations futures. Pour assurer sa prévention ou sa réparation, les auteurs de la proposition de loi initiale avaient d'ores et déjà préféré ne pas modifier la rédaction de l'article 1382 du code civil – ou le faire suivre d'un article 1382-1 - et proposé d'inscrire un nouveau titre au sein du code civil intitulé "de la responsabilité du fait des dommages à l'environnement". Le texte initial y introduisait un article 1386-19 ainsi rédigé "Toute personne qui cause par sa faute un dommage à l'environnement est tenue de le réparer". Le texte voté par le Sénat est différent : "Toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenue de le réparer". Le dommage à l'environnement demeure défini, à dessein, de manière générale mais la référence à la faute est supprimée ce qui ouvre la possibilité d'en exiger la réparation sans obligation de démontrer un lien de causalité avec une faute quelconque. C'est donc un régime de responsabilité objective qui est ainsi mis en place, présenté comme une application du principe "pollueur-payeur". L'indemnisation en sera facilitée mais l'identification des causes peut-être moins.

L'inscription dans notre droit du "dommage à l'environnement" était souhaitable, ce compris pour un impératif de sécurité juridique, mais n'est pas réellement nouvelle. Il convient de souligner que le législateur a déjà inscrit, aux termes de la loi n°2008-757 relative à la responsabilité environnementale et transposant la directive 2004/35, l'obligation de prévenir ou de réparer des "dommages causés à l'environnement". L'article L.162-1 du code de l'environnement issu de cette loi précise que ces dommages relèvent soit d'un régime de responsabilité sans faute lorsqu'ils sont causés par certaines activités professionnelles, soit d'un régime de responsabilité pour faute pour les activités listées comme plus dangereuses. Le risque de concurrence entre le dispositif mis en place au sein du code civil et celui existant au sein du code de l'environnement a été considéré comme ténu lors des travaux parlementaires dès lors que le second est prioritairement fondé sur l'intervention de la police administrative. Il aurait cependant été possible de prévenir tout risque d'articulation entre les deux codes en logeant toutes les règles relatives à la prévention ou à la réparation du dommage à l'environnement dans un même instrument, mais tel n'a pas été le choix du Sénat. La thèse inverse postule qu'il était préférable de loger toutes les règles relatives à la responsabilité civile dans un même code. L'hypothèse est cependant permise que la symbolique d'une modification du code civil lui-même ait pu intéresser les parlementaires, ainsi convaincus de faire œuvre législative plus importante. Si elle devait être validée, l'hypothèse serait bien entendu décevante pour le code de l'environnement.

S'agissant de la réparation du dommage à l'environnement, la "petite loi" créé un nouvel article 1386-20 ainsi rédigé "La réparation du dommage à l'environnement s'effectue prioritairement en nature". La petite loi comporte un alinéa supplémentaire "Lorsque la réparation en nature n'est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l'Etat ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat, à la protection de l'environnement". A l'instar du code de l'environnement, le code civil s'inspire ici des principes dégagés par la directive 2004/35 sur les conditions de réparation du dommage environnemental. On observera également que le Sénat a pris soin de faire en sorte que le régime de responsabilité inscrit au sein du code civil ne soit pas moins ambitieux que celui introduit dans le code de l'environnement. Alors que la proposition de loi initiale de M Retailleau ne visait "que" la réparation du dommage à l'environnement, le texte finalement voté ajoute un article 1386-21 ainsi rédigé pour introduire l'idée de prévention : "Les dépenses ainsi exposées pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage, en éviter l'aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu'elles ont été utilement engagées". Chacun de ces termes étant susceptible de plusieurs interprétations, un travail soit réglementaire soit jurisprudentiel de clarification est attendu.

Un débat qui s'ouvre

Le vote du Sénat ne clôt pas mais ouvre bien plutôt le débat sur le dommage à l'environnement. Le débat sur le préjudice écologique pourrait tout d'abord bien rejoindre celui sur l'action de groupe telle que proposé par le projet de loi relatif à la consommation défendu par le Ministre Benoit Hamon. La controverse est née de ce que le projet d'action de groupe exclut pour l'heure la réparation des dommages sanitaires et environnementaux. Or, la lecture des travaux et débats parlementaires relatifs à la proposition de loi de M Retailleau démontrent que plusieurs élus sont conscients que les deux débats peuvent converger et interroger plus fortement encore le choix actuel du Gouvernement de réduire à la consommation le champ d'application de l'action de groupe. Par ailleurs, de nombreuses questions restent en suspens comme l'admet le rapport déposé en commission. C'est ainsi que le soin de régler les questions de détermination des personnes pouvant solliciter l'indemnisation du dommage à l'environnement, d'évaluation de ce dernier et de délais de prescription sont renvoyées au pouvoir réglementaire, c'est-à-dire au Gouvernement, appelé notamment à modifier le code de procédure civile. Enfin, le débat juridique pourrait relancer des réflexions économiques et écologiques. Car même en nature, la réparation du dommage à l'environnement suppose de réfléchir, non au prix mais à la valeur du vivant, ce qui sera toujours complexe. A court terme les conclusions de la mission confiée au Professeur Yves Jégouzo par la ministre de la justice sont très attendues. Mais au-delà des juristes, c'est sans aucun doute à la société de se saisir de ce débat. La notion de "dommage à l'environnement" ne doit pas être débattue que dans les prétoires.

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2 Commentaires

Audaces

Le 17/05/2013 à 17h23

Sil peut ya avoir responsabilité sans faute, comment il y t'il responsabilité?

Une commune urbanise un espace naturel, il y a préjudice environnemental, mais qui est responsable?

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ESPACE EUROPEEN MONTPELLIER

Le 26/05/2013 à 18h06

La notion de "dommage à l'environnement" ne doit pas être débattue que dans les prétoires... En effet, sur le terrain les faits sont souvent incontestables quand les démagogues ne visent pas des échéances électorales.

AUCUN projet si volontariste soit-il ne doit faire l'impasse des considérations économiques, sociétales et environnementales.
Certains politiques ont ignoré que L’EROSION DES FONDS PUBLICS est directement lié à la VALORISATION DE L'ECONOMIE ENVIRONNEMENTALE qui découle directement de la santé de l'écologie pour être durable: le baromètre est le taux du chômage en hausse de plus en plus important du territoire.
Pourtant des alternatives innovantes existent...peuvent-elles subsister SANS rénovation politique?

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