L'explosion de l'usine chimique AZF avait fait 31 morts le 21 septembre 2001, plus de 2.000 blessés et 71.000 dommages matériels, pour lesquels Total a déjà versé 2 milliards d'euros d'indemnités. Ouvert en février dernier, plus de 1.800 parties civiles, une soixantaine d'avocats et des dizaines d'experts avaient pris part à ce procès. Serge Biechlin, et Grande Paroisse, exploitant de l'usine étaient poursuivis pour ''homicides et blessures involontaires'' et ''destruction de biens''.
Les deux prévenus ont été relaxés ''au bénéfice du doute'', a déclaré le président du tribunal Thomas Le Monnyer, soulignant que le lien de causalité entre la faute organisationnelle au sein de l'usine Grande Paroisse et les dommages était ''incertain''. ''Il y a une rupture dans l'enchaînement causal'', a-t-il indiqué.
Les experts judiciaires, relayés par le parquet, avaient soutenu que la catastrophe était due au déversement accidentel de quelques kilos d'une substance chlorée (DCCNa) sur un tas de 300 tonnes de nitrate d'ammonium stocké dans un hangar qui a explosé. Mais pour le président du tribunal, il a manqué ''le dernier maillon, la preuve de la présence de DCCNa dans la benne déversée sur le tas de nitrates une demi-heure avant l'explosion'' pour condamner les prévenus.''Une franche collaboration de Grande Paroisse et de sa commission d'enquête interne auraient permis l'analyse de la benne et aurait rendu inutile l'intervention d'institutions judiciaires'', a-t-il souligné.
Quant au groupe pétrolier et à son ex-dirigeant Thierry Desmarest, dont certaines parties civiles avaient réclamé la comparution, ils ont été mis ''hors de cause'' par le tribunal en décidant de ne pas les juger. Rappelons pourtant qu'en juin dernier, le parquet avait requis trois ans de prison avec sursis et 45.000 euros d'amende contre Serge Biechlin, 225.000 euros contre Grande Paroisse.
Un verdict qui fait débat
Sinistrés, familles de victimes, associations et politiques ont dénoncé la relaxe générale prononcée hier par le tribunal de Toulouse. L'association des familles endeuillées a ainsi dénoncé cette relaxe qui ''laisse la porte ouverte à la délinquance industrielle''. Du côté des politiques, Les Verts se sont déclarés consternés par le jugement : ''31 morts, 2.500 blessés, 85.000 sinistrés, zéro coupable ?'', s'est étonnée Cécile Duflot, secrétaire nationale du parti écologique, estimant ''regrettable qu'une entreprise qui accumule d'année en année des milliards d'euros de bénéfices records n'assume pas ses responsabilités''.
Aurélie Filippetti, secrétaire national PS à l'énergie et députée de la Moselle, a aussi estimé ''insupportable que Total ne soit pas jugé malgré la demande des parties civiles''. Elle a demandé ''combien il faudra encore de morts et de drames pour que Total assume enfin son manque de politique de sécurité sur ses sites''. ''Je fais partie des beaucoup de Français qui ne doivent pas comprendre'', a de son côté expliqué, sur Europe 1, l'eurodéputée et vice-présidente du Modem Corinne Lepage, qui se demande si le résultat aurait été le même avec une petite entreprise à la place de Total.
Le parquet a annoncé ce matin qu'il allait faire appel du jugement.
Article publié le 20 novembre 2009