"Une thérapie de choc pour une France malade de sa complexité règlementaire". C'est par ces mots que le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a présenté aujourd'hui en Conseil des ministres le projet de loi (1) habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification de la vie des entreprises.
Le texte contient à la fois des mesures annoncées en juillet lors du dernier comité interministériel de modernisation de l'action publique (Cimap) et de nouvelles mesures. Parmi celles-ci, des expérimentations s'inscrivant "dans le droit fil des conclusions des Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement", indique le ministre. Le Gouvernement table sur un vote de la loi avant la fin de l'année et une adoption des ordonnances début 2014.
Un certificat de projet pour cristalliser les législations applicables
Une expérimentation portant sur un "certificat de projet" sera lancée dans certaines régions. L'Aquitaine, la Franche-Comté et Champagne-Ardenne sont d'ores et déjà pressenties. Ce document, délivré aux porteurs de projets, énumérera de manière exhaustive les différentes législations applicables à une demande avec pour effet de les "cristalliser" à l'instar d'un certificat d'urbanisme, peut-on lire dans l'exposé des motifs du projet de loi.
Ce certificat de projet pourrait revêtir un caractère opposable à l'Administration et aux tiers. Il pourrait contenir :
- la liste des autorisations nécessaires pour réaliser le projet au titre du code de l'environnement, du code forestier et du code de l'urbanisme,
- la décision, résultat de l'examen au cas par cas mené par l'autorité environnementale, déterminant si une étude d'impact est nécessaire,
- un engagement de délai pour instruire les autorisations,
- la date à partir de laquelle, et la durée pendant laquelle, les dispositions applicables au projet ne changent pas,
- les servitudes et contraintes particulières,
- les consultations nécessaires,
- un cadrage des éléments qui devront figurer dans le dossier de demande d'autorisation.
Une procédure unique intégrée pour les ICPE soumises à autorisation
Une procédure unique intégrée sera également expérimentée pour les installations classées (ICPE) soumises à autorisation conduisant à une décision unique du préfet de département, prévoit le projet de loi.
Ces expérimentations prendraient des formes différentes selon qu'elles concernent des installations de production d'énergie renouvelable (éoliennes, installations de méthanisation) ou les autres installations classées.
Pour les premières, il s'agira d'une procédure et d'une décision d'autorisation unique construite autour de la procédure d'autorisation ICPE. Cette dernière vaudrait pour les autres procédures aujourd'hui applicables : autorisation de défrichement, permis de construire, dérogation concernant les espèces protégées, autorisation au titre du code de l'énergie pour les installations les plus importantes. Quitte à compléter cette procédure unique d'autorisation par des éléments permettant de prendre en compte l'ensemble des enjeux couverts par les procédures supprimées, tels que la prévention des risques pour la navigation aérienne ou la protection des espèces via la consultation du Comité national de protection de la nature. Les régions Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Nord-Pas-de-Calais et Picardie sont pressenties pour mener cette expérimentation.
Pour les secondes, il s'agirait de mettre en place "un interlocuteur unique, une procédure unique et une décision unique" pour l'ensemble des projets nécessitant une autorisation ICPE. Ces dispositions, qui complèteraient celles relatives au certificat de projet, permettraient au préfet de département de délivrer une autorisation unique regroupant l'ensemble des décisions relevant de l'Etat au titre du code de l'environnement et du code forestier. Les modalités de délivrance des autorisations d'urbanisme seraient en outre harmonisées avec la nouvelle procédure d'autorisation unique environnementale. La mise en place d'un interlocuteur unique au sein de l'Administration, de règles de procédure simplifiées et de réduction des délais seront définies par voie réglementaire.
Qu'escompte le Gouvernement de ces mesures ? Une réduction des délais d'instruction à dix mois là où, actuellement, la moitié des autorisations ICPE nécessitent un délai supérieur à l'année.
Définir des zones où les enjeux environnementaux seraient étudiés à l'avance
De plus, le Gouvernement annonce le lancement d'une concertation sur le lancement d'une autre expérimentation visant à "tester une conduite de projet prenant en compte le plus à l'amont possible les enjeux environnementaux".
Il s'agirait, a indiqué le ministre, "de définir des zones, dans lesquelles les enjeux de biodiversité et d'environnement seraient étudiés préalablement à l'implantation d'activités économiques avec un degré de précision suffisant permettant de simplifier les démarches procédurales pour chacun des projets venant à s'y implanter". Cette démarche a pour ambition de concilier le développement économique et la préservation des richesses naturelles et patrimoniales. La concertation pourrait déboucher sur le dépôt d'amendements au projet de loi en cours de discussion parlementaire.
Reste à savoir si ces mesures de simplification peuvent se traduire par une simplification effective sur le terrain sans remettre en cause les standards de protection de l'environnement. C'est tout l'enjeu des expérimentations qui sont annoncées.