Une évolution structurelle
La charte signée le 11 avril 2008 par le ministre de l'Ecologie et du Développement durable, le secrétaire d'Etat à l'Industrie et à la Consommation, l'ARPP et les représentants de l'interprofession publicitaire prévoyait notamment deux changements principaux.
Premièrement des associations sont intégrées au sein du Conseil paritaire de la publicité (CPP), chargé d'émettre des propositions et avis sur l'évolution des règles déontologiques, de participer au processus d'alerte et de contribuer à l'évaluation annuelle du respect des règles déontologiques. Le CPP, composé de 18 membres, compte désormais 3 membres représentants des associations de protection de l'environnement, 6 membres d'associations de défense des consommateurs et de 9 représentants des professionnels de la publicité.
Secondo, le jury de déontologie publicitaire (JDP), chargé de se prononcer publiquement* sur des plaintes émises à l'encontre d'une publicité ou d'une campagne diffusée en France au cours des 3 derniers mois, au regard des règles professionnelles, est composé quant à lui de 9 personnalités nommés par le Conseil d'Administration de l'ARPP. Ce jury, qui peut être saisi par toute personne morale ou physique (particulier, association, administration, entreprise, etc.), prend ensuite une décision (manquement aux règles ou pas), accompagnée, si nécessaire, d'une demande d'intervention de l'ARPP auprès de l'annonceur (par exemple, pour lui enjoindre de retirer sa publicité). Toutes les décisions du JDP font l'objet d'une publication2 systématique et peuvent donner lieu, pour les campagnes constituant des manquements aux règles professionnelles, à des sanctions pouvant aller jusqu'à une demande de cessation immédiate de diffusion adressée aux médias, a commenté Valérie Michel-Amsellem, la Vice-présidente du jury.
L'ARPP a publié, en juin 2009, les nouvelles règles de déontologie publicitaire relatives au développement durable. Ce nouveau texte3, qui entrera en vigueur en octobre, remplace trois textes antérieurs concernant les arguments écologiques et développement et apporte, selon Jean-Pierre Teyssier, plusieurs innovations : la prise en compte des cycles de vie, la nécessité d'une meilleure explicitation des auto-déclarations environnementales et la limite de ''verdisation'' d'un visuel.
Selon l'étude 2009 ''Publicité et environnement''*, réalisée conjointement par l'ADEME et par l'ARPP, l'environnement est un thème qui continue sa progression dans l'univers publicitaire. Ce recours à l'argument environnemental, au début des travaux concernait 1% des visuels diffusés. Il se constate aujourd'hui dans 6% des visuels diffusés, a fait remarquer Philippe Van De Maele, le Président de l'ADEME. C'est un sujet majeur. En dépit d'un recours de plus en plus important à l'argument écologique dans les publicités, le taux de manquement a été divisé par deux- entre 2006 et 2009, a ajouté Jean-Pierre Teyssier.
Sur 988 messages publicitaires environnementaux parmi les 15.698 visuels publicitaires diffusés au cours du 1er semestre 2009 , 90% respectent les règles en vigueur, 7% font l'objet d'un classement en « réserve », parce que certaines règles n'étaient pas pleinement respectées et 3% font l'objet d'un classement en « manquement », pour non-respect flagrant et sérieux des règles en vigueur. C'est le cas des publicités « incitant à un comportement non éco-responsable » ou celles « de nature à induire en erreur ».
Publicité transport et habitat : des efforts restent à faire
Reste que les publicitaires vont encore devoir faire des efforts dans deux domaines : les transports et le secteur de l'habitat. Une bonne partie des manquements pourrait être évitée avec un meilleur contrôle par les marques des communications émises par les concessionnaires locaux, souligne l'agence. Concernant l'habitat, c'est la fixation de nouveaux standards plus respectueux de l'environnement qui demande à être mieux maîtrisé. Il s'agit par exemple de référence à des habitations dites « respectueuses de l'environnement » ou « écologiques », pour des équipements et matériaux aux avantages très variables et sans qu'il soit possible pour le consommateur de faire vraiment la différence, indique l'ADEME.
Pour l'agence, des réflexions restent à mener notamment sur trois points : la mise en avant les produits reconnus plus avantageux pour l'environnement (labels officiels ou autoproclamés) ; l'utilisation des termes « bonus-malus » souvent appelés de multiples façons ; la limitation de l'utilisation d'allégations environnementales via des noms de marques.
Peut mieux faire
Mais alors que la filière se réjouit des progrès réalisés, les associations se montrent peu enclines à partager la relative auto-congratulation ambiante.
Agir pour l'environnement a regretté dans un communiqué, que l'action de l'Etat se résume à tirer, une fois l'an, un bilan de son inaction en matière de contrôle de la publicité. L'absence de sanctions alliées à un autocontrôle laxiste est une invitation faite au petit monde de la pub à ne pas respecter des engagements, fussent-ils virtuels et peu contraignants, a jugé l'association qui appelle le ministère de l'Ecologie et du Développement durable à créer une haute autorité vraiment indépendante de la publicité encadrant strictement et avant toute diffusion, les publicités.
La fédération France Nature environnement (FNE) a quant à elle estimé que le remplacement du BVP par l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité n'avait pas changé la donne : ce sont toujours les professionnels qui peuvent avoir le dernier mot, regrette la fédération. FNE réitère en outre sa proposition qu'en cas d'avis défavorable de l'ARPP ou du JDP, l'annonceur (ou son client) soit contraint de consacrer le même budget pour informer le public de l'avis des instances de contrôle. Gageons qu'avec une telle mesure, les publicitaires sauraient se montrer beaucoup plus prudents.
*L'ADEME et l'ARPP ont analysé 988 messages publicitaires environnementaux parmi les 15 698 visuels publicitaires diffusés au cours du 1er semestre 2009