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L'agroforesterie en quête de reconnaissance

L'Association française d'agroforesterie a organisé le 16 décembre la première rencontre européenne d'agroforesterie. Avec la nouvelle PAC, cette pratique ancestrale consistant à associer des arbres et des cultures revient sur le devant de la scène.

Agroécologie  |    |  A. Sinaï
   
L'agroforesterie en quête de reconnaissance
   

Dans son Plaidoyer pour les arbres, le botaniste Francis Hallé n'expliquait-il pas que l'essentiel de la matière d'un arbre provient de la pollution atmosphérique ? L'arbre est une usine à épuration. Il peut aussi être une pharmacie. Du fait de sa fixité, l'arbre doit se défendre contre toutes sortes d'agressions. Il développe ainsi ses défenses, jusqu'à devenir un organisme médicinal, comme le quinquina, qui constitue encore aujourd'hui l'un des meilleurs traitements contre le paludisme. L'arbre est aussi la clé des systèmes agroforestiers. Les déclinaisons régionales sont nombreuses : pêchers associés au maraîchage dans le Roussillon, noisetiers avec grandes cultures dans le sud-ouest, oliviers et vignes en méditerranée, chênes truffiers et lavande en Drôme provençale, mais aussi arbres fourragers, dont les fruits ont nourri pendant des siècles les animaux d'élevage.

Qu'il s'agisse d'adapter les cultures au changement climatique, d'enrichir la biodiversité en réintroduisant des haies vives ou de séquestrer le CO2, l'agroforesterie a de nombreux avantages : outre le maintien de la biodiversité, elle assure la protection des sols, la diversification patrimoniale, la création paysagère, le développement des ressources cynégétiques. L'agroforesterie est envisageable sur tous les types d'exploitation. Ces pratiques seraient doublement avantageuses, tant pour maintenir le capital agronomique, que pour obtenir de nouvelles ressources comme le bois. Le mariage des cultures permet aussi de gagner en productivité, selon Christian Dupraz, de l'Inra. Des ripisylves aux arbres tétards, les pratiques agroforestières ancestrales pourraient aussi retrouver une place dans la Trame verte et bleue, ce maillage du territoire destiné à restaurer des corridors naturels.

Pour un retour de la diversité

Depuis une trentaine d'années en Europe, de nouvelles pratiques voient le jour, associant arbres forestiers et agriculture. Aujourd'hui sur l'ensemble du territoire français, on recense plusieurs types de systèmes agroforestiers traditionnels : les pré-vergers, les cultures intercalaires dans les fruitiers (comme les noyeraies du Périgord et du Dauphiné), les cultures intercalaires dans les peupleraies, et les systèmes bocagers, parfois associés à l'élevage. D'autres systèmes sont associés au sylvopastoralisme : pre-bois dans le Jura, châtaigneraies pâturées de Corse et des Cévennes, pâturage en sous-bois méditerranéen. Le rencensement effectué en 2001 et 2002 lors du programme européen SAFE a estimé les surfaces agroforestières sur terres agricoles à environ 160 000 hectares en France.

Issus de l'expérience des pratiques traditionnelles, du travail de la recherche, mais aussi de l'initiative d'agriculteurs précurseurs, ces systèmes modernes tentent de combiner les avantages de pratiques traditionnelles avec des performances renouvelées. En 2008, on comptait plus de 300 projets agroforestiers répartis sur toute la France. En 1995, l'INRA crée sur plus de 50 hectares la première expérience de recherche associant arbres, grandes cultures et vigne sur le domaine de Restinclières, au nord de Montpellier (34). Depuis lors, une quarantaine de parcelles de démonstration ont été installées dans six régions grâce à des financements du ministère de l'Agriculture.

Autrefois largement répandue sur le territoire français, cette pratique ancestrale a fortement régressé au XXème siècle, victime des remembrements et du passage à des modèles agricoles basés sur l'économie pétrolière. Modernisation du matériel agricole et usages intensifs de produits phytosanitaires ont abouti à l'uniformisation des systèmes de cultures. La PAC est également en question. La PAC a-t-elle tué l'agroforesterie ?, interroge Paul J. Burgess, de l'Université de Cranfield, au Royaume-Uni. Elle est fortement suspectée d'être à l'origine de la destruction de paysages entiers. Ainsi en Espagne, les systèmes agroforestiers de la Dehesa sont connus depuis environ 4500 ans dans le sud-ouest de la péninsule ibérique, mais ils ont connu une forte régression au 20ème siècle et ont été marginalisés par les nouveaux outils de politique agricole.

Pour une prise en compte de l'arbre dans la nouvelle PAC

Avant 2000, une parcelle agroforestière n'était reconnue ni comme agricole, ni comme forestière ou fruitière et n'était donc pas éligible au premier pilier de la PAC. La reconnaissance en tant que parcelle agricole date de 2006. Une parcelle agroforestière devient alors éligible aux aides couplées et découplées si la densité des arbres ne dépasse pas le nombre de 50 par hectare.

En 2010, le plafond augmente de 200 arbres par hectare. La conditionnalité des aides de la PAC instituée dans le cadre du premier pilier soumet le versement de certaines aides communautaires au respect d'exigences en matière d'environnement, de bonnes conditions agricoles et environnementales, de santé publique, animale et végétale. Le critère du maintien des éléments topographiques est pris en compte. Il exige le maintien sur l'exploitation d'un pourcentage de "particularités topographiques" : haies, bosquets, jachères, murets, bordures de champs. Des "surfaces équivalentes topographiques" sont définies pour chaque élément. Elles devront représenter au total 5% de la surface agricole utile en 2012.

Dans le cadre du second pilier de la PAC, la mesure dite 222 permet à tout Etat membre de financer l'installation de projets agroforestiers : coût d'installation des arbres, entretien de la plantation les premières années, conseil et suivi des opérations par des structures compétentes. Le taux de subvention est plafonné à 70%, voire 80% dans les zones défavorisées. Le cahier des charges est défini par les régions.

L'Association française d'agroforesterie (Afaf), qui compte une centaine de membres, et ses homologues européens en appellent à une reconnaissance officielle de l'agroforesterie par la nouvelle PAC, afin que toute parcelle agroforestière soit admissible de fait aux aides directes quelle que soit la densité des arbres et le type d'agriculture. L'Afaf plaide pour que, dans le cadre du second pilier, le volet "développement rural" intègre un dispositif unique et global de soutien aux agriculteurs en faveur des systèmes agroforestiers. Les partenaires du secteur soulignent aussi la nécessité de soutenir la recherche. Sous réserve, souligne Martin Pigeon, de Corporate Europe Observatory, que "les paysans et les agriculteurs puissent en être co-producteurs, dans un contexte de capitalisme mondial où l'agriculture est au centre de toutes les convoitises".

Réactions9 réactions à cet article

L'Agro-foresterie est un bon programme à encourager. L'idée serait d'étendre cette initiative dans les autres Pays du Monde.

Ruyange | 21 décembre 2011 à 13h32 Signaler un contenu inapproprié

Bonne chose que cette prise en compte de l'agroforesterie dans la PAC. Cependant, je me posais une question: est-il possible de faire une culture intercalaire type blé ou maïs compte-tenu de la demande en eau de ses plantes (notamment le maïs), qui serait sans doute restreinte de par la présence des arbres?

Carraidas | 22 décembre 2011 à 09h25 Signaler un contenu inapproprié

Existe t-il une formation concernant l'agroforesterie ? Merci

Babettine | 22 décembre 2011 à 09h34 Signaler un contenu inapproprié

Pour que l'agroforesterie marche en France, il faudrait plus de rayonnement et de température, pour que la biomasse fabriquée soit importante tout en jouant un role de biodiversité. En Afrique tropiquale et surtout équatoriale, l'agroforesterie marche très bien et permet des gains de rendements. Mais il y a des températures élevées et des précipitaions plus ou moins fortes et l'agroforesterie est donc un formidable moyen de lutter contre l'érosion. Pour moi, ce sera de même dans le sud de la France, à condition que on allie agroforesterie au pâturage et que les animaux y trouvent leur compte ainsi nous aurions réusi le pari de la lutte contre l'érosion, les feux de broussailles etc.

RICDAM62 | 22 décembre 2011 à 10h56 Signaler un contenu inapproprié

réponse à Carraidas : les arbres ne sont pas là pour concurrencer les cultures (eau, lumière, etc) ; ils ne sont pas des consommateurs en eau, même s'ils l'utilisent. Participant à augmenter les taux de matière organique et l'activité biologique des sols, ils peuvent contribuer à améliorer le stockage et la réserve utile en eau sur la parcelle, grâce notamment à la profondeur de leurs systèmes racinaires.

echabeille | 23 décembre 2011 à 18h49 Signaler un contenu inapproprié

Merci, voilà des réflexions qui nous font "chaud au coeur ",car les
études des INRA montrent , avec des résultats scientifiques, que les sols
pollués des usines, vignobles, lotissements etc peuvent être dépollués grâce à l'Agro-foresterie ,voire les cultures agricoles à travers les systèmes racinaires vers les feuilles qu'on peut analyser et identifier la
présence des polluants minéraux et organiques .

arthur | 26 décembre 2011 à 16h40 Signaler un contenu inapproprié

Echabeille : même si les arbres sont pas là pour concurrencer les autres cultures sur les éléments, ils les concurrencent, et même fortement durant leur phase dde croissance au niveau de l'eau et des sels minéraux nécessaires à la photosynthèse (calcium, potasse, magnésium), ensuite lorsqu'ils sont installés, ils concurencent les cultures au niveau de l'ensoileillement. Par contre, c'est vrai, ils contribuent progressivement à enrichir le sol en matière organique qui régule l'eau. Alors l'agroforesterie peut être intéressante, surtout dans le sud de la France pour ralentir les sècheresses, l'érosion éolienne etc. Mais comme je l'ai dit auparavant, L'apport de l'agroforesterie est beucoup plus important dans les pays tropiquaux ou équatoriaux que chez nous. A moins de faire non pas des lignes d'arbres mais des lignes d'arbustes, et d'une hauteur inférieure à deux mêtres pour que la biodiversité puisse s'y développer mais pour que les cultures de production ne soient pas limitées.

RICDAM62 | 02 janvier 2012 à 10h07 Signaler un contenu inapproprié

Merci RICDAM62 pour tes précisions. Je pense en effet que l'agroforesterie n'est vraiment "rentable" que dans les régions au climat chaud et humide. Dans la moitié nord de la France, je ne suis pas sûr que ce système se développera beaucoup, même s'il sera encouragé avec la réforme de la PAC.

Carraidas | 02 janvier 2012 à 11h39 Signaler un contenu inapproprié

Comme toujours , les uns sont pour, les autres contre, ce qui est sain pour l'esprit et de nouvelles propositions. Merci donc, à ceux qui me soutiennent quand je fait allusion à la capacité des végétaux et arbres de
participer à la dépollution des sols pollués ,car les INRA ont des preuves
irréfutables en analysant les écorces et feuilles . Bravo,continuez ,car
l'avenir des jeunes est entre vos mains.

arthur | 02 janvier 2012 à 12h53 Signaler un contenu inapproprié

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