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Economie circulaire : l'issue de secours de la grande distribution

Rémy Le Moigne, consultant en management, revient sur l'opportunité que l'économie circulaire et collaborative constitue pour les enseignes de grande distribution.

Publié le 21/09/2015
Environnement & Technique N°351
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°351
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Dans les années à venir, la grande distribution européenne va devoir faire face à deux grands défis. Le premier est la forte augmentation probable du prix des matières premières entrainant celle des prix des produits de grande consommation. Le groupe Kingfisher estime ainsi que la demande en bois va tripler en 20501, entrainant une hausse des prix de l'ordre de 30% à 75% dès 2020 et de possibles pénuries2. La seconde est la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs. En France, entre 2009 et 2014, les français ont perdu l'équivalent de 1.500 euros annuel de pouvoir d'achat3.

Pris entre augmentation des prix et diminution du pouvoir d'achat, les distributeurs européens sont à la recherche d'alternatives. Quelques uns se tournent vers l'économie circulaire. En effet, l'économie circulaire permet à la fois de réduire le coût des ressources et de proposer des offres plus compétitives. Elle permet de répondre également à l'évolution des habitudes de consommation et au renforcement de la réglementation sur les déchets (voir figure).

Si les initiatives en faveur de l'économie circulaire ne sont pas encore nombreuses, elles se multiplient ces dernières années.

Réduire, recycler, valoriser

En France, les emballages secondaires (cartons, plastiques, films étirables, cagettes, etc.) représentent encore plus de la moitié des déchets de la distribution. Les emballages en carton en représentent à eux seuls plus d'un tiers4 ! Pourtant il est possible de réduire ces déchets en remplaçant les emballages à usage unique par des emballages réutilisables. Les distributeurs sont de plus en plus nombreux à faire le choix de caisses en plastique réutilisables comme Colruyt en Belgique ou M&S au Royaume-Uni. Aux Pays-Bas, la distribution alimentaire s'est entendue sur un format standard unique de caisse en plastique avec la filière agricole. Les caisses en plastique permettent non seulement de réduire les déchets d'emballage mais aussi les déchets alimentaires (grâce à une meilleure protection des fruits et légumes) et les coûts. Les caisses en carton peuvent elles aussi, sous certaines conditions, être réutilisées. Aux Etats-Unis, PepsiCo réutilise de 5 à 10 fois les cartons de livraison des chips Frito Lay.

Depuis des années, les distributeurs recyclent leurs déchets en plastique, en papier, en carton, en bois, en verre et leurs déchets organiques. Mais beaucoup d'autres catégories de déchets peuvent également être recyclées. Le distributeur Morissons fait remettre à neuf, grâce au remanufacturing, ses armoires réfrigérées usagées. H&M collecte chaque année plus de 100 millions de cintres usagés pour les recycler ou les réutiliser. Certains hypermarchés E.Leclerc recyclent la PLV en collaboration avec L'Oréal. Walmart suit la valorisation de 50 catégories de déchets !

L'économie circulaire permet non seulement de réduire les coûts mais également de développer de nouvelles offres. Les distributeurs sont par exemple de plus en plus nombreux à reprendre pour les valoriser les produits usagés de leurs clients, souvent en échange de bons d'achat. En France, 700 hypermarchés ont collecté, pour le compte du groupe SEB, plus de 150.000 poêles et casseroles, permettant de recycler plus de 40 tonnes d'aluminium. Le fabricant et distributeur de cométiques Lush collecte ses pots de crème vides pour les recycler en de nouveaux pots. Un nombre croissant de distributeurs de produits électroniques, comme Cdiscount, la Fnac, les magasins Apple ou Best Buy aux Etats-Unis, reprennent téléphones, tablettes ou ordinateurs usagés pour les reconditionner puis les revendre. Quelques distributeurs, comme la Fnac ou Habitat, reprennent aussi des produits usagés pour les revendre en l'état. Si la reprise et la valorisation de produits usagés est encore une activité de niche, elle est souvent rentable, augmente le trafic en magasin (les clients venant une première fois déposer leur produit usagé puis éventuellement une seconde fois pour profiter de leur bon d'achat). Elle permet aussi de vendre des produits reconditionnés à prix compétitif.

Economie collaborative

La substitution de la vente d'un produit par la vente de son usage n'est encore proposée que de façon confidentielle par la distribution. Quelques grandes surfaces de bricolage comme Leroy Merlin, B&Q ou Home Depot louent des équipements de bricolage pour de courtes durées. Le groupe SEB lance à Dijon Eurêcook, un service de location d'appareils culinaires.

Selon Véronique Laury, la PDG du Groupe Kingfisher, après avoir raté le virage d'Internet, la distribution ne doit pas rater celui de l'économie collaborative. Toutefois, si l'économie collaborative répond aux nouvelles tendances de consommation, elle représente une menace pour de nombreux distributeurs traditionnels. Pour y faire face, quelques grandes enseignes de commerce spécialisé (bricolage, aménagement de la maison, jardin mais aussi sport) développent leurs propres offres qui s'appuient sur l'économie collaborative. Go Sport propose un service de location d'articles de sport entre particuliers. L'enseigne Mr Bricolage a mis en place une plateforme d'échange de biens et services entre particuliers, ladepanne.fr. Le distributeur anglais Argos encourage ses clients à faire don des jouets inutilisés de leurs enfants à une association caritative. L'économie collaborative permet également l'émergence de nouveaux modèles logistiques. Auchan, Carrefour ou encore Ikea organisent le covoiturage pour leurs clients. Auchan permet aux clients qui viennent retirer leur commande drive de prendre également celle de leur voisin. Aux Etats-Unis, Walmart ou Amazon rémunèrent leurs clients qui acceptent de livrer des commandes en ligne.

Quelques distributeurs ont commencé à établir des plans de transition vers l'économie circulaire. Kingfisher s'est fixé comme objectif de développer 1.000 produits circulaires et 10 supply chains circulaires d'ici à 2020. Pour sécuriser son approvisionnement en textile et en bois (dont il consomme respectivement 0,8% et 0,7% de la production mondiale), IKEA met en place des closed loop resource chains. M&S doit finaliser en 2016 une évaluation de l'ensemble des opportunités de l'économie circulaire.

Mais l'initiative la plus remarquable est sans doute celle de Walmart qui veut développer le marché des résines de plastique recyclé. Pour augmenter la demande en plastique recyclé, Walmart incite ses fournisseurs à augmenter la part de plastique recyclé dans leurs emballages. En parallèle, pour augmenter l'offre, il incite les industriels à améliorer la recyclabilité de leurs emballages et il subventionne les infrastructures de collecte et de recyclage. Grâce à cette initiative, le distributeur vise en 2020 à augmenter la consommation de plastique recyclé de 1,5 milliards de tonnes, à créer 15 000 emplois et à réduire de 3 millions de tonnes l'émission de gaz à effet de serre.

A court terme, tous les distributeurs ne feront peut-être pas, comme IKEA, M&S ou Walmart, le choix de l'économie circulaire. Mais tous devraient, à minima, en évaluer les enjeux. Il existe aujourd'hui des méthodologies pour les y aider.

Avis d'expert proposé par Rémy Le Moigne,

consultant en management, auteur de "l'

Economie circulaire".

1 Net Positive Report 2014/15. Kingfisher.
2 The business opportunity of closed loop innovation. Kingfisher.
3 En cinq ans, le pouvoir d'achat des Français a baissé de 1.500 euros. La Tribune.
4 Le secteur de la distribution en France. Ademe. 30 mai 2008.

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