Au printemps, lors des débats sur la proposition de loi relative au déploiement du réseau de recharge, Frédérique Massat, députée SRC de l'Ariège et rapporteur du texte, constatait que seulement 25.000 voitures électriques circulaient en France. Un "
"La peur de la panne est en grande partie responsable de ce retard à l'allumage", analysait Frédérique Massat, estimant que "le facteur psychologique est décisif : l'absence de points de recharge dans l'espace public a dissuadé nombre de Français". Il y a urgence, estimait-elle, pour justifier du passage du texte devant le parlement au printemps en amont de la loi de transition énergétique "dont l'adoption définitive serait sans doute intervenue trop tardivement".
Et pourtant, "en pratique, les besoins de prises sur l'espace public sont faibles : en Europe, 87% des trajets sont inférieurs à 60 km, alors que l'autonomie des véhicules électriques est de 120 km réels", expliquait Frédérique Massat, soulignant qu'"il est donc probable que les infrastructures de recharge installées sur le domaine public seront peu utilisées"…
75.000 bornes publiques d'ici 2015
En réalité, les pouvoirs publics ont identifié l'enjeu du réseau public de bornes de recharge depuis plusieurs années.
Fin 2009, le plan national pour le développement des véhicules électriques et hybrides rechargeables prévoyait déjà de déployer une infrastructure publique minimale de l'ordre de quelques dizaines de prises par grande agglomération, avant d'accélérer le rythme. Objectif affiché alors : 75.000 points de recharge publics en 2015 et 4 millions en 2020. Les sociétés françaises d'autoroute et la fédération du commerce et de la distribution ont également prévu d'étudier l'équipement de leurs parkings. Les collectivités locales devaient pour leur part déployer 400.000 bornes publiques d'ici 2020 et l'Etat travaillait déjà à l'élaboration de soutiens dédiés.
En avril 2010, douze agglomérations pilotes (1) signaient une charte de déploiement afin de favoriser le démarrage du déploiement d'infrastructures de charge. Le mouvement semblait lancé, mais quatre ans après, l'ambition a été revue à la baisse. Selon les chiffres communiqués par ErDF, on dénombrait 5.600 bornes sur la voirie à la fin 2013, dont 70% environ appartenaient à des services d'autopartage. En mai 2014, c'est-à-dire avant l'adoption de la dernière loi relative au déploiement du réseau de recharge, les pouvoirs publics en espéraient 14.000 à l'horizon 2016, bien loin de l'objectif initial.
Le dossier confié aux Investissements d'avenir
En 2010, l'Etat a choisi le Programme investissements d'avenir (PIA) pour apporter son soutien financier aux collectivités publiques. Dans le cadre du volet "ville de demain", les collectivités locales souhaitant déployer une infrastructure de charges à titre expérimental, au sein de projets urbains intégrés, peuvent bénéficier d'aides financière. Les treize "éco-cités" (2) labellisées en 2010 par le ministère en charge de l'urbanisme sont concernées.
De même, toujours dans le cadre du PAI, un appel à manifestations d'intérêts (AMI) dédié aux expérimentations liées aux infrastructures de recharge est lancé en février 2011. Deux ans plus tard, un nouvel AMI est lancé. Doté de 50 millions d'euros, ce dernier est spécifiquement dédié aux collectivités locales, l'objectif étant de "permettre d'élargir le soutien financier de l'Etat à toutes les villes, agglomérations, groupements d'agglomérations, départements et régions de plus de 200.000 habitants susceptibles de porter des projets d'envergure de plus de 400.000 euros de dépenses", expliquait alors l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Mais le bilan dressé 18 mois après le lancement du second AMI est mauvais : il n'a permis de financer qu'"une quinzaine de projets représentant plus de 5.000 points de charge". Sur les 50 millions d'euros, seuls 8 millions ont été engagés. En juillet, le cahier des charges est donc assoupli. Il est ouvert à de plus petits projets, prévoyant la création d'au moins un point de charge pour 3.000 habitants, alors qu'initialement il était réservé aux collectivités territoriales, ou groupement de collectivités, de plus de 200.000 habitants. De même, le montant minimal des projets est abaissé à 200.000 euros, contre le double précédemment.
L'UE aussi s'inquiète de la faiblesse des infrastructures
L'Union européenne entend elle aussi apporter son soutien aux infrastructures de recharge des "véhicules propres". La Commission a notamment proposée en janvier 2013 une stratégie afin de palier le manque de bornes de recharge et de stations de ravitaillement pour les énergies alternatives en "[imposant] aux Etats membres un ensemble d'objectifs contraignants en matière d'infrastructures [et en établissant] des normes communes applicables aux équipements dans toute l'Union européenne". Electricité, gaz naturel et hydrogène sont concernés.
Le texte, qui n'est pas encore adopté, prévoyait initialement qu'en 2020 le nombre de points de recharge ouverts au public s'élèverait à 10% du nombre total de points de recharge installés, soit pour la France 97.000 bornes publiques. Lors des négociations entre Etats membres, parlementaires européens et exécutif européen, l'objectif Français a été réduit 55.000.
C'est donc dans l'urgence que les députés ont adopté en août dernier la loi destinée à accélérer la création d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public. Le texte prévoit que, par dérogation, un opérateur chargé de déployer ce réseau sur le domaine public sera exonéré du paiement de la redevance d'occupation du domaine public, "lorsque cette opération s'inscrit dans un projet de dimension nationale". Par projet d'envergure national, le texte entend un projet, approuvé par le gouvernement et concernant au moins deux régions et dont le nombre et la répartition des bornes "assurent un aménagement équilibré des territoires concernés". Lors des débats, Arnaud Montebourg, alors ministre de l'Economie, a assuré que l'Etat compenserait la perte de recettes fiscales des collectivités.
Enfin, le projet de loi de programmation pour la transition énergétique prévoit lui aussi de faciliter le déploiement de prises de recharges publiques. Pour cela, le projet renforce les obligations concernant l'installation de pré-équipements (gaines techniques, installations électrique générale, etc.) lors de la construction ou de la réhabilitation de bâtiments ou de parcs de stationnement. "La mesure ne portera que sur les bâtiments comprenant des parkings d'une taille significative, pour lesquels la possibilité d'installation de bornes de recharge est essentielle", précise l'étude d'impact.