Le non-respect du droit communautaire engendre de lourdes sanctions financières, entraînant des enjeux budgétaires considérables pour le pays. La Commission des Finances assure donc la vigilance et procède désormais à un examen annuel de la situation précontentieuse et contentieuse de la France, afin d'identifier des voies d'amélioration dans l'application du droit communautaire.
Si ce troisième rapport note une amélioration progressive de la situation française en matière contentieuse et précontentieuse, certains dossiers restent particulièrement sensibles. Et de souligner : ce bilan n'est pas neutre, à l'heure où la France s'apprête à exercer la présidence de l'Union européenne et où elle a fait de l'environnement une des priorités de son mandat.
367 millions d'euros pour litiges communautaires environnementaux !
Depuis 2005, l'ensemble des Etats membres a amélioré ses performances en matière de transposition du droit communautaire. Si la France a affiché des résultats moins bons que la moyenne communautaire entre 2001 et 2004, elle réalise désormais un score légèrement meilleur que la moyenne européenne. Il reste néanmoins 10 procédures initiées contre la France, dont 6 concernent la non transposition ou la transposition partielle du droit communautaire. Au total, les éventuelles sanctions pécuniaires concernant les 4 affaires les plus avancées, OGM, nitrates de Bretagne, décharges illégales et eaux résiduaires urbaines pourraient se chiffrer à près de 367 millions d'euros. Cette somme considérable est néanmoins en diminution par rapport à l'année précédente où le provisionnement total des comptes de l'Etat s'élevait à 405 millions d'euros. En progrès donc… mais peut mieux faire !
Trois contentieux ouverts en application de l'article 228 exposent la France à des risques de condamnation importants. La non transposition partielle de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'OGM a mené à une condamnation de la France en 2004, relancée en 2007 par la Commission, qui demande d'infliger à la France une astreinte journalière de 366 744 euros et une somme forfaitaire de 43 660 euros par jour depuis le premier arrêt au manquement. La facture s'élèverait donc à plus de 42 millions d'euros ! La loi relative aux OGM ayant été finalement adoptée définitivement par le Sénat en mai dernier, Fabienne Keller précise qu'il n'est pas exclu que la Commission prenne une décision favorable à la France.
Dans l'affaire des nitrates de Bretagne, la France a été condamnée en 2001 pour manquement aux dispositions de la directive 75/440 sur la qualité des eaux superficielles destinées à l'alimentation en eau potable. Après un engagement de Jean-Louis Borloo et Michel Barnier de mettre en œuvre un plan d'action prévoyant de réduire d'un tiers les apports azotés et de fermer les 4 prises d'eau les prises d'eau les plus dégradées, la Commission a sursis à saisir la Cour de justice des Communautés européennes. Ce cas est emblématique d'une tendance de notre pays à ne « réagir » qu'en dernière extrémité à certaines affaires, précise le rapport.
Enfin, dans l'affaire des eaux résiduaires urbaines, la Commission a franchi une étape supplémentaire dans la procédure en procédant à l'envoi d'un avis motivé. Malgré la mise en œuvre par la France d'un dispositif tendant à la résorption des cas de non-conformité, cette affaire présente un risque élevé de saisine de la Cour fin 2009. Dans cette hypothèse, il serait difficile pour la France d'échapper à une condamnation assortie d'une sanction pécuniaire potentiellement très lourde.
Un durcissement de l'Union européenne impliquant une meilleure anticipation française…
L'Union européenne a renforcé ces derniers mois l'obligation de résultats faite aux Etats membres en matière du respect du droit communautaire. Les cas de non notification de mesures nationales de transposition et de non respect d'un premier arrêt de manquement de la Cour seront désormais traités de façon prioritaire. L'obligation de résultats est également traduite dans le traité de Lisbonne qui prévoit une sanction pécuniaire dès le premier arrêt en manquement de la Cour, et non à l'issue du deuxième arrêt comme c'est le cas aujourd'hui.
Ce durcissement implique une meilleure anticipation de la France, afin d'éviter les sanctions. Il y a une grande tradition de l'administration française à émettre des indicateurs sur les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs. Aujourd'hui, il faut axer les indicateurs sur les résultats, commente Fabienne Keller. L'élève France devra donc revoir sa copie !
Le rapport souligne que l'actuelle réorganisation du MEEDDAT pourrait améliorer l'efficacité de la France en matière de transposition, d'application et de suivi des procédures liées au droit communautaire environnemental, avec notamment le regroupement au sein du secrétariat général de l'ensemble des services transversaux.
Enfin il préconise d'impliquer davantage les parlementaires : Il y a un problème de gouvernance. Nous, parlementaires, devons être en position d'assumer nos responsabilités. Nous devons systématiser nos moyens de contrôle, commente Jean Arthuis, sénateur de la Mayenne et président de la Commission des finances ; mais aussi les collectivités territoriales, cibles souvent des différents textes communautaires en matière environnementale.
Jusqu'à ce jour, la France a été sanctionnée une fois, en 2005, dans le domaine environnemental : l'affaire des poissons sous taille avait alors coûté près de 80 millions d'euros…