Bateau Astrolabe
Les résultats sont au rendez-vous puisque grâce aux très bonnes conditions météorologiques l'Aurora Australis a pu travailler sur une gamme de profondeurs nettement plus importante que ce qui était prévu au départ : de 140 à 2.400 mètres. 106 chalutages ont été réalisés, 114 dragues rapportant des tonnes d'organismes benthiques ont été méthodiquement triées. Ceci a permis non seulement d'avoir une idée précise des assemblages des organismes mais également d'observer des phénomènes inattendus comme des poulpes pélagiques posés sur le fond. Des profondeurs, les scientifiques ont également remonté des exemplaires de crustacés géants, d'oursins rares, de mollusques dont de très nombreux céphalopodes (ex : poulpes) de tailles et formes variées, d'éponges géantes ou encore de coraux solitaires.
Les échantillonnages effectués par l'Umitaka Maru ont quant à eux permis d'identifier deux assemblages écologiques très différents aux abords de la côte. Premièrement, la zone du plateau continental où la calandre antarctique (poisson) et le Krill des glaces sont dominants et où la concentration en phytoplancton est plus importante. Deuxièmement, la zone océanique où a été observée une dominance des poissons lanternes avec une importante biomasse de plancton gélatineux et la présence de larges méduses de plusieurs kilos.
Concernant l'Astrolabe, les observations montrent que les concentrations en plancton végétal (phytoplancton) et animal (zooplancton) mesurées en janvier 2008 sont nettement inférieures à celles mesurées au cours des années précédentes. Les conditions météorologiques, particulièrement clémentes cette année, sont vraisemblablement responsables du phénomène observé : l'absence de vent et de houle a retardé le retrait de la banquise et empêché la surface de l'océan de recevoir les rayons directs du soleil indispensables au démarrage de la production planctonique. À moyen terme, ce type de résultats permettra de contribuer à prévoir comment les communautés planctoniques antarctiques survivraient à un changement climatique régional ou global.
Au final, 3.690 échantillons représentant des individus ont été conditionnés et ont été envoyés au Muséum national d'Histoire naturelle (MnHn) où ils seront directement étudiés ou redistribués à des spécialistes français ou étrangers à partir du mois de mai. Les scientifiques savent déjà que ces échantillons contiennent des espèces rares ou nouvelles mais il est impossible de confirmer la quantité exacte tant que ce matériel n'aura pas été analysé en détail. Pour les poissons par exemple, environ 25 espèces étaient signalées mais les scientifiques pensent en avoir récolté au moins 65 et probablement 70.
Estimant que dans le secteur étudié, le changement climatique semble ne pas avoir eu un impact important sur le milieu marin, les données recueillies sur cette zone permettraient d'établir un « point zéro » pour les recherches sur le changement climatique et ses conséquences.
Outre son intérêt écologique, cette mission « mers australes » a été au cœur d'un projet éducatif particulier. Le quotidien des scientifiques de la mission a été suivi par 15 classes du primaire au secondaire des académies de Créteil et de Paris grâce à une correspondance régulière avec les scientifiques. Une enseignante, coordinatrice de ce partenariat, est même partie à bord de l'Aurora Australis afin de tenir un carnet de voyage et d'enrichir le site web de la mission. De retour en France, les scientifiques du MnHn vont pouvoir échanger avec les élèves sur le déroulement de la mission et construire des projets de classe portant sur différents thèmes : la démarche scientifique au cours d'une expédition, l'évolution de la faune antarctique et réchauffement climatique, les expéditions scientifiques d'hier et d'aujourd'hui... Les travaux seront ensuite restitués à l'occasion d'un congrès des élèves prévu en juin prochain au Museum.
Article publié le 13 mars 2008