La Green week organisée par la Commission européenne à Bruxelles du 4 au 7 juin a été l'occasion de présenter les pistes envisagées pour réduire la pollution atmosphérique. Ces réflexions s'inscrivent dans le cadre de l'année européenne de la qualité de l'air qui sera marquée à l'automne par la présentation d'un nouveau "paquet qualité de l'air" élaboré à partir du bilan des politiques européennes passées.
Des progrès, mais beaucoup reste à faire
Côté satisfactions, la quasi-totalité des intervenants sont satisfaits de la réduction sensible des concentrations en dioxyde de soufre (SO2). Ce résultat est principalement le fait de l'abaissement des teneurs en soufre des carburants et de l'application de la directive NEC qui impose des plafonds d'émissions aux Etats membres pour certains polluants, dont le SO2. Il en est de même du plomb depuis son interdiction dans l'essence, a rappelé l'eurodéputée finlandaise Satu Hassi (Verts).
En revanche, le bilan est mauvais s'agissant des polluants qui exigent la mise en œuvre de mesures multisectorielles. C'est en particulier le cas des PM10, des oxydes d'azote (NOx) et de l'ozone (O3), a rappelé Paul McAleavy, responsable du programme qualité de l'air et climat de l'Agence européenne de l'environnement (AEE). Ainsi, 95% de la population urbaine reste confrontée à des dépassements du seuil PM2,5 recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 88% pour les PM10, 98% pour l'O3 et 12% pour le NO2. En cause notamment, la directive sur la qualité de l'air ambiant qui fixe des valeurs limites moins strictes que celles préconisées par l'OMS, a-t-il rappelé.
Pour Karl Falkenberg, le directeur général Environnement de la Commission européenne, le constat est sans appel : "nous n'avons pas atteint nos objectifs". Une analyse confirmée par le Commissaire européen à l'Environnement, Janez Potocnik, qui juge que "l'UE est encore loin du but", d'autant plus que l'objectif devrait être l'atteinte des standards préconisés par l'OMS. Pour preuve, 17 Etats membres, dont la France, sont actuellement poursuivis par la Commission devant la cour de justice de l'UE (CJUE) pour non respect des valeurs limites applicables aux PM10 depuis 2005 et des poursuites devraient être progressivement engagées concernant les dépassements de
Ne pas se mettre à dos les industriels…
Pour remédier à cette situation, Janez Potocnik entend proposer une nouvelle stratégie articulée autour de quatre objectifs clés. En premier lieu, il attend à l'horizon 2020 un respect total des valeurs limites européennes. Il souhaite ensuite établir de nouveaux objectifs à l'horizon 2030. Il propose aussi de mettre en place une série de mesures ayant fait leurs preuves. Enfin, la Commission devrait insister sur les opportunités économiques pour emporter le consentement des entreprises. Sur ce dernier point, le Commissaire n'a pas caché sa déception et son agacement concernant la priorité actuellement donnée, au sein de la Commission, à l'industrie par rapport aux autres enjeux.
A quoi devrait ressembler le futur "paquet qualité de l'air" européen ? Il devrait tout d'abord inclure la révision de la directive NEC afin de réduire la pollution de fond qui représentent environ un tiers de la pollution urbaine. L'option à l'étude consiste notamment à ajouter de nouveaux polluants, tels que la suie (le black carbon), les PM2,5 ou le méthane (CH4). Un second volet législatif devrait permettre de réglementer les petites et moyennes unités de combustion dont la puissance est comprise entre un et 50 mégawatts (MW) thermiques. Il s'agit ici de s'attaquer aux émissions diffuses des installations fixes qui représentent, elles aussi, un tiers des émissions. Quant au dernier tiers, les transports, il ne devrait pas être abordé directement dans le futur paquet.
Parmi les mesures concrètes auxquelles réfléchit l'exécutif européen figurent notamment l'extension des normes antipollution aux engins de chantiers et autres véhicule non destinés au trafic routier, le renforcement des normes d'émission des installations de chauffage domestique, la révision des meilleures techniques disponibles dans le cadre de la directive relative aux émissions industrielles (directive IED), l'éco-conception ou encore la prise en compte des émissions d'ammoniac liées principalement aux effluents d'élevage. Par ailleurs, ces mesures concrètes devraient privilégier les stratégies permettant de réduire prioritairement la pollution atmosphérique dans les zones densément peuplées.
…et les Etats membres
Reste la directive sur la qualité de l'air ambiant qui impose le suivi des concentrations de différents polluants dans l'air et des valeurs limites à respecter. Pour l'instant la révision prévue pour 2013 est repoussée sine die. En cause ? L'absence de soutien des Etats membres, compte tenu des poursuites engagées par la Commission devant la CJUE. "On risque d'y perdre plutôt que d'y gagner", a expliqué Tom Verheye, responsable de l'unité Emission industrielles, qualité de l'air et bruit de la DG Environnement de la Commission européenne, jugeant "difficile de convaincre les Etats membres d'abaisser les seuils". Un point du vue partagé par Janez Potocnik qui juge "suicidaire de présenter des mesures qui ne passeraient pas auprès du Conseil ou du Parlement". Ici, le risque est d'autant plus important que certains Etats membres pourraient être tentés de soutenir un relèvement des seuils, a laissé entendre Tom Verheye.
Ce constat désole Satu Hassi qui estime qu'"on a eu tout le temps nécessaire pour les respecter". Ce recul est d'autant plus dommageable, selon l'élue que des progrès étaient espérés concernant les PM2,5. "Je trouve honteux que la norme européenne pour les PM2,5 pour 2015 soit plus faible que celle des Etats-Unis", a fustigé la députée européenne, rappelant que l'UE a fixée la valeur limite pour les PM2,5 à 25 µg/m3 d'air en 2015, puis à 20 µg/m3 en 2020, quand les Etats-Unis l'ont fixée à 12 µg/m3 et l'OMS recommande 10 µg/m3. De plus, la situation est ambigüe car le caractère contraignant de la valeur limite PM2,5 n'est pas assurée. La révision de la directive en 2013 devait être l'occasion de confirmer l'exigence, voire d'abaisser le niveau fixé en 2008. Pour l'instant, Tom Verheye a simplement indiqué que les juristes de la Commission étudient dans quelle mesure ces deux valeurs sont ou peuvent devenir obligatoires sans pour autant réviser la directive. Si l'eurodéputée a appelée la Commission à des actions plus fermes, jugeant que l'UE devait être leader, il semble néanmoins que cette approche ne soit pas d'actualité.