Si l'ASN déclare donc avoir réagi en seulement quelques heures, les explications fournies dans le communiqué apparaissent pour le moins étranges. Selon elle, si l'exploitant déclare avoir pris des mesures correctives destinées à protéger la zone contre les éventuelles intempéries, l'Autorité ajoute que la rupture de cette canalisation enterrée daterait, selon l'exploitant, de plusieurs années.
Même si AREVA assure que cette nouvelle fuite est sans impact, ces équipements seraient-ils donc - de l'avis de leurs exploitants - anodins au point que leur rupture ne pourrait être décelée ou, à défaut, signalée qu'au bout de plusieurs années ? Inquiétant quand il s'agit d'industrie nucléaire. D'autant que les inspecteurs déclarent avoir relevé la non-conformité de cette tuyauterie vis-à-vis des exigences de la réglementation applicable qui demandent une capacité suffisante de résistance aux chocs pour éviter leur rupture.
L'exploitant assure qu'il va dès aujourd'hui procéder au nettoyage de la zone contaminée. L'ASN a demandé à ce que la totalité des matériaux retirés soit conservée pour être analysée, l'objectif étant d'évaluer la masse d'uranium présente.
L'incident de trop
Pour beaucoup, après le rejet accidentel d'effluents sur le site de l'usine SOCATRI à Tricastin, cet incident est la goutte de trop ! Le réseau ''Sortir du Nucléaire'' qui demande la démission de Mme Lauvergeon, PDG d'Areva, estime que c'est l'irresponsabilité de l'industrie nucléaire qui éclate au grand jour.
Greenpeace estime que derrière ces incidents à répétition, se dessine la faillite de toute la filière nucléaire. A l'heure où l'on nous présente le nucléaire comme la planche de salut pour l'indépendance énergétique et le climat, et quelques jours à peine après l'annonce de la construction d'un nouvel EPR, les accidents de Tricastin et de Romans-sur-Isère viennent rappeler une réalité toute simple : le nucléaire est une énergie polluante, dangereuse et mal maîtrisée ! déclare Frédéric Marillier, chargé de campagne Nucléaire et énergie à Greenpeace France.
France Nature Environnement, fédération d'associations de protection de l'Environnement, dénonce quant à elle la concentration des pouvoirs de gestion de la filière nucléaire entre les mains des 5 dirigeants de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, reléguant les politiques au rôle de commentateur sportif de ce tragique Tour de France des accidents nucléaires. La fédération qui se demande où est la ligne d'arrivée ? estime, par la voie d'Arnaud Gossement son Porte-parole, que ce n'est pas en faisant sauter un fusible, comme le directeur du site SOCATRI, que l'on résoudra les problèmes d'une énergie électrique à 80% nucléaire ! Pour FNE, Aujourd'hui, Le politique a perdu le contrôle du nucléaire !
Semblant vouloir devancer les propos des écologistes, Jean-Louis Borloo avait annoncé un peu plus tôt et à l'occasion d'un Point Presse au Ministère qu'une révision des pratiques sur la sûreté nucléaire serait réalisée d'ici à l'automne. Je veux […] remettre à plat l'ensemble du système de procédures, évaluer l'ensemble des nappes phréatiques sous les installations nucléaires, faire le point sur les déchets nucléaires anciens . Appuyant sur ce qui a semblé avoir le plus manqué lors de cette crise, le Ministre a insisté sur la transparence et la réactivité dont devraient faire preuve les responsables d'installations nucléaires en cas de problème.
Insuffisant selon Corinne Lepage, Présidente du parti politique écologiste Cap21 et vice-présidente du Modem, qui demande qu'une évaluation socio-économique complète de la filière nucléaire en France soit effectuée arguant que les incidents à répétition et la découverte d'une pollution de la nappe phréatique du Tricastin mettent en lumière les défaillances de la filière nucléaire, dues notamment à un sous-investissement dans la sécurité, la protection de la santé humaine et de l'environnement. L'ancienne Ministre de l'Environnement estime qu'il est inacceptable que la politique nucléaire ne fasse pas l'objet d'une évaluation globale en terme de coûts et d'avantages, évaluation confiée à une commission extérieure au lobby nucléaire. Si le Grenelle avait été complet et avait pu porter sur ce sujet, ce travail aurait pu être abordé. Il est évident qu'avant de faire, comme le veut le gouvernement, un nouveau choix pour le tout-nucléaire, cette évaluation soit faite et comparée aux autres choix que sont l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Dans ce contexte, ce nouvel épisode ne manquera pas d'embarrasser le groupe AREVA et le gouvernement Français qui, en pleine Présidence Française de l'Union, mettent la pression pour que le nucléaire soit reconnu comme source d'énergie non-carbonnée permettant d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES du paquet ''énergie-climat''.