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Actu-Environnement

''Ils veulent le monopole sur le soleil !''

A quelques jours d'une nouvelle révision du tarif d'achat photovoltaïque, Marc Jedliczka, militant depuis plus de trente ans de l'énergie solaire, revient pour Actu-Environnement sur la situation actuelle du secteur et sur ses perspectives d'avenir.

Interview  |  Energie  |  
   
''Ils veulent le monopole sur le soleil !''
Marc Jedliczka
Directeur général de Hespul
   

Actu-Environnement : En décembre dernier, le gouvernement décidait d'un moratoire sur le dispositif de soutien au photovoltaïque. S'en sont ensuivis un certain nombre de changements décriés par les professionnels (appels d'offres pour les grandes installations et révision trimestrielle du tarif d'achat pour les plus petites). Comment va le secteur photovoltaïque aujourd'hui ?

Marc Jedliczka : Il n'y a pas de suivi fiable des données, ni d'observatoire du marché, donc on ne peut que se fier à des impressions... Mais la situation n'est pas au beau fixe pour les professionnels. La situation est même dramatique pour certains. De nombreux projets ont été annulés et on estime les licenciements à 10.000 voire 15.000 personnes. Ce phénomène passe inaperçu parce qu'il touche de petites entreprises, qui n'intéressent pas les centrales syndicales.

La raison ? On assiste à un effet de concentration, avec un gros poisson, EDF EN, qui s'apprête à racheter les projets des plus petits et qui veut accaparer le marché. Le système tend vers une situation quasi-monopolistique. Tout est fait pour ça ! Les coûts de transaction augmentent artificiellement (raccordement au réseau, lourdeur des procédures, assurances avec l'intégration au bâti…) et les projets ne sont plus sécurisés par un dispositif de soutien fiable. Les petites entreprises ne peuvent pas supporter les risques pour les appels d'offres et même les tarifs d'achat deviennent incertains. Du coup, le banquier ne suit plus, et s'il n'est pas là, la petite entreprise ne peut pas y aller toute seule. En injectant du risque, le gouvernement a sacrifié les petits pour laisser la place aux plus gros. Il y a une volonté farouche de bloquer le photovoltaïque parce que c'est une énergie démocratique : tout le monde peut en produire. Les tenants du système actuel veulent avoir un monopole sur le soleil !

AE : A la veille du moratoire, plusieurs industriels prévoyaient d'implanter en France des usines de fabrication de panneaux photovoltaïques. Qu'en est-il aujourd'hui ?

MJ : Plusieurs projets ont été tout simplement annulés. A ma connaissance, un seul projet est maintenu, celui d'une usine d'assemblage de modules photovoltaïques (150 MW de production annuelle) de Bosch à Vénissieux, près de Lyon. Mais ce cas est particulier : c'est un site de production en reconversion, Bosch s'est engagé à y maintenir des emplois. De plus, le fonctionnement propre de Bosch, qui est une fondation, fait que sa politique n'est pas soumise à une rentabilité à court terme. Ainsi, si Bosch avait développé ce projet pour des raisons économiques, il n'existerait plus aujourd'hui… Pour ce qui est des industriels les plus anciens, ceux-ci espèrent se maintenir à moyen terme, mais leur situation est devenue difficile.

AE : Certains pointent du doigt la concurrence asiatique…

MJ : La concurrence asiatique a été plus qu'exagérée ! On a entendu dire que 80 % de panneaux utilisés en France provenaient d'Asie, ce qui était complètement faux : d'après les douanes, les importations asiatiques ne couvriraient que 20 % du marché français. Mais cela pourrait devenir vrai si on continue à s'acharner à tuer l'industrie française. En fait, on grossit une problématique afin de cacher le fonds du problème…

Le Japon par exemple a une industrie ancienne, de très bonne qualité, tournée en effet vers l'exportation. Mais cela n'empêche pas les Japonais de produire au plus près des marchés. Ils ont des entreprises de fabrication en Europe et envisageaient d'en construire une en France avant le moratoire.

En Chine, des investissements énormes ont été mis sur l'amont de la chaîne. Ce qui n'empêche pas l'Allemagne d'être excédentaire dans sa balance commerciale avec la Chine sur le photovoltaïque... De plus, les Chinois commencent à alimenter leur propre marché. Certains fabricants vont arrêter d'exporter, d'autres pourraient bien venir s'implanter en Europe un jour.

Aujourd'hui, les prix des panneaux baissent énormément. Avec une surproduction au niveau mondial, le photovoltaïque s'approche de plus en plus rapidement de la compétitivité (parité réseau). L'Allemagne pourrait l'atteindre dès 2013. Dans ce contexte, la valeur ajoutée des systèmes pèse moins lourd dans le coût total. Celle de la mise en œuvre, non délocalisable, augmente au contraire. En outre, les usines sont de plus en plus automatisées, ce qui fait que le bas coût de la main d'œuvre est de moins en moins important. Si Photowatt s'est trouvé en difficulté, c'est que son modèle, très intense en main d'œuvre, était ancien, et plus adapté à la nouvelle donne.

AE : Tous les projets n'ayant pas accepté la proposition technique et financière (PTF) de raccordement au réseau des gestionnaires de réseau avant le 2 décembre 2010 sont tombés sous le coup du moratoire. Vous avez annoncé récemment que 16,1 MWc de projets avaient donc été bloqués. Qu'en est-il de leur situation ?

MJ : Certaines personnes sont au bord de la ruine, elles vont devoir vendre leur maison. Dans le milieu agricole notamment, la situation est catastrophique. Mais sur cette question, il n'y a aucune flexibilité de la part du gouvernement, même si Nathalie Kosciusko-Morizet avait laissé entendre dans un premier temps qu'elle était prête à étudier les dossiers au cas par cas. Pourtant, dans la plupart des cas, les porteurs de projets n'ont pas reçu leur PTF et c'est ErDF qui n'a pas respecté le délai imparti de trois mois. Mais ce retard n'est pas attaquable car ce délai de trois mois n'est pas réglementaire, c'est juste un engagement vague. Il n'y a que le politique qui peut assouplir le décret et donner de l'oxygène au secteur…

AE : Qu'attendez-vous des candidats aux élections présidentielles ?

MJ : Les prochaines élections sont notre seul vrai espoir pour le moyen terme. Toutes nos idées ont été présentées lors de la concertation post moratoire, mais aucune n'a été retenue. Le seul côté positif de la concertation, c'est qu'elle a permis aux acteurs de se rencontrer. Aujourd'hui, tout le monde se parle : agriculteurs, industriels, installateurs… Nous allons organiser fin octobre les Etats généraux du solaire où nous allons faire des propositions communes. Si l'on veut construire une filière en France, il faut un volume de marché suffisant. Il est urgent de repartir sur une vraie concertation et d'agir vite. Les acteurs sont en train de survivre.

Propos recueillis par Sophie Fabrégat

*Hespul : association pour le développement de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables

Réactions8 réactions à cet article

Bon article même s'il est doit être possible de quantifier la situation du marché, du moins dans certaines catégories.
Espérons que les particuliers seront conviés aux états généraux du solaire en tant qu'acteur majeur.

mirage40 | 19 octobre 2011 à 19h17 Signaler un contenu inapproprié

Merci et bravo de nous avoir fait connaître le point de vue de quelqu'un de compétent.

Effectivement la politique du gouvernement vis à vis des petits producteurs privés est scandaleuse et a récemment ruiné des petits artisans, et handicapé certains de ces petits producteurs.

J'ose espéré, personnellement concerné, que parmi les propositions qui seront faites par HESP UL et autres, il y aura une différenciation des rémunérations du kilowatt selon le positionnement géographique et /ou la carte de l'ensoleillement moyen.

Pour un même investissement financier pour une installation de même puissance qui contribue, en « bon Français éco-citoyen » à l'effort national avec ses objectifs bruxellois « imposés » de production d'énergie douces amortit moins vite son installation, par ces temps difficiles, avec ensuite un moindre rendement s'il habite à coté de Dunkerque qu'à côté de Montpellier

SAGECOL | 20 octobre 2011 à 05h39 Signaler un contenu inapproprié

Merci pour une Analyse Lucide et constructive !
Dommage que NKM et EB et leurs équipes n'aient pas la même lecture !
Bienvenue à l'ID de ''organiser fin octobre les Etats généraux du solaire où nous allons faire des propositions communes''.
Parmi celles-ci, il y a aussi des considérations comme par exemple:
1) valoriser des toits de serres pour une dualité optimisée ''prod. élec''. et ''prod. fruits & légumes'' avec garantie anti-méfaits-grêle, pluie acide, etc...
2) définir un ''juste prix d'achat des kWhs'' par EDF, ErDF, ES, autres opérateurs alternatifs...permettant des marges correctes sans excès, dans, en amont et aval de la filière PV.
3) Revoir la grille des prix kWhs par catégorie de projets
4) encourager les producteurs d'EnR, dans une attitude citoyenne, pour éviter de grever la CSPE, de ne vendre QUE le surplus de kWhs, en utilisant une partie sur place, même si faible.
5) trouver une autre source de ''sponsoring'' que la seule CSPE pour éviter de pénaliser tous les consommateurs d'élec.
Bonne continuation à Hespul et partenaires pour votre vigilance et vos initiatives !
A+ Salutations Guydegif(91)

Guydegif(91) | 20 octobre 2011 à 09h59 Signaler un contenu inapproprié

Merci à Marc Jedliska et à Hespul...je suis toute petite, mais continue mon ascension dans l'énergie solaire grâce à eux. Je sens le même rouleau compresseur autour de moi et sur moi.
Je voudrais dire à tous et à chacun de ne jamais vous décourager, d'aller en permanence vers ceux qui ont des convictions humaines et humanistes, de semer ces convictions partout et en permanence.
"une idée dynamisée peut faire bouger les montagnes"

Eau d'ile | 20 octobre 2011 à 10h48 Signaler un contenu inapproprié

Concernant le délai de réponse max de 3 mois je ne suis pas d'accord avec l'expression " engagement vague" car avec de telles pratiques ERDF peut se permettre de répondre ou non en fonction de ses intérêts ( edf en) ou copinages. il y a bien un principe d'égalité devant la loi qui n'est pas respecté lorsqu'il n'y a aucun contrôle dans la liste d'attente pour établir les PTF et bien pire lorsqu'on refuse ce contrôle. ERDF a bien une mission confiée par l'ETAT, elle doit donc se justifier pour les délais rédigés le 90 eme jour et expédiés après rétention du courrier pour que cela arrive trop tard.
j'ai une caution personnelle sur 155 000 euros et 70 ooo euros de compte courant de perdus ou plutôt "volés" si mon investissement qui est déjà réalisé et entièrement payé ne trouve pas de contrat de raccordement.
as-t-on ENCORE devant nous un ETAT de droit?

justice | 20 octobre 2011 à 15h10 Signaler un contenu inapproprié

Une bonne analyse de la situation dommage que les chiffres des licenciements et dépôts de bilan ne sont pas connus.
Je vais faire suivre cet article à ma banquière avec qui je n'ai obtenu ni découvert, ni prêt. La bataille se mène aujourd'hui au niveau des huissiers et des sociétés de recouvrement.
Avec une activité quasi morte, nous attendions le salut des raccordements réseau et les espoirs sont vains.
L'artisanat est tué à petit feu.
Courage à ceux qui s'accrochent encore.

nina78 | 21 octobre 2011 à 17h42 Signaler un contenu inapproprié

c'est le moment ou jamais de contraindre les politiques à se prononcer sans détour sur les hécatombes d'emplois perdu qu'ils ont volontairement détruit

nossam | 24 octobre 2011 à 23h03 Signaler un contenu inapproprié

Je découvre le " gros poisson" EDF EN,car je ne comprenais pas l'inexplicable moratoire sur le photovoltaÏque
MERCI
mais un changement de gouvernement ne fera pas avancer les "choses", puisqu'un gros poisson est dans le "circuit".
que faire?

AML | 04 novembre 2011 à 22h33 Signaler un contenu inapproprié

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