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Actu-Environnement

Sols pollués : la prescription trentenaire sans incidence sur les pouvoirs de police spéciale du préfet

La prescription trentenaire de l'obligation de remise en état d'un site pollué s'oppose-t-elle à l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs dans le cadre de la police spéciale des installations classées ? Non, répond le Conseil d'Etat.

Aménagement  |    |  L. Radisson

La Haute juridiction administrative a rendu le 12 avril une décision (1) intéressante en ce qui concerne l'articulation entre le principe général de prescription trentenaire de l'obligation de remise en état du site siège d'une installation classée (ICPE) et les possibilités données au préfet d'exercer ses pouvoirs de police spéciale conférés par la loi en cas de dangers ou inconvénients sur le site où a été exploitée une telle installation.

Usine à gaz et fabrication de foie gras

Les faits étaient les suivants. GDF avait vendu en 1989 à une société civile immobilière (SCI) un ensemble immobilier sur le site duquel avait été exploitée jusqu'en 1964 une usine à gaz. Le site renferme en son sous-sol des canalisations de gaz hors service, les fondations de deux gazomètres ainsi qu'une fosse bouchée, remplie de goudron.

Après avoir divisé l'immeuble en deux parcelles et vendu l'une d'elle, la SCI a trouvé en 2009 un acquéreur pour la seconde parcelle. Celui-ci projetait d'y implanter un atelier de fabrication et de vente de foie gras. Préalablement à la vente, la SCI a fait réaliser un diagnostic du sol qui a révélé une pollution incompatible avec l'usage futur envisagé.

A la suite du refus de GDF, de la commune et de l'Etat de prendre en charge les conséquences de cette pollution, la SCI a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans afin qu'il prescrive une expertise permettant de déterminer l'origine de la pollution identifiée, sa consistance, le coût d'une remise en état du site, l'ensemble des préjudices subis par la SCI ainsi que les éléments permettant d'établir les responsabilités encourues.

Le tribunal a fait droit à la demande d'expertise. Mais le juge des référés de la cour administrative de Nantes a annulé son ordonnance et rejeté la demande. Il a fondé ce rejet sur le motif que l'expertise demandée était dépourvue du caractère d'utilité exigée par l'article R. 532-1 du code de justice administrative (2) dans la mesure où, la prescription trentenaire de l'obligation de remise en état du site pollué pesant sur GDF étant acquise, elle faisait obstacle à ce que le préfet lui impose une remise en état du site pollué et s'opposait à une recherche en responsabilité de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière d'installations classées.

Exercice à toute époque des pouvoirs de police spéciale du préfet

Suite au pourvoi en cassation de la SCI contre l'ordonnance de la cour d'appel, le Conseil d'Etat juge que la prescription trentenaire susceptible d'affecter l'obligation de prendre en charge la remise en état du site pesant sur l'exploitant d'une installation classée n'est pas remise en cause dans son principe par l'entrée en vigueur des nouvelles règles de prescription introduites dans le code civil par la loi du 17 juin 2008 (3) .

Mais cette prescription trentenaire est "sans incidence, d'une part, sur l'exercice, à toute époque, par l'autorité administrative des pouvoirs de police spéciale conférés par la loi en présence de dangers ou inconvénients se manifestant sur le site où a été exploitée une telle installation, et, d'autre part, sur l'engagement éventuel de la responsabilité de l'État à ce titre". La Haute juridiction annule par conséquent l'ordonnance du juge des référés de la cour d'appel et lui renvoie l'affaire de manière à ce qu'il la rejuge à l'aune de cette nouvelle jurisprudence.

Cette décision est à rapprocher de l'arrêt "Alusuisse-Lonza-France" de 2005 (4) rendu sous l'empire de l'article 2262 du code civil (5) alors applicable. Le Conseil d'Etat avait alors considéré que les principes dont s'inspire cet article faisaient "obstacle à ce que le préfet impose à l'exploitant, à son ayant-droit ou à la personne qui s'est substituée à lui la charge financière des mesures à prendre au titre de la remise en état d'un site lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis la date à laquelle la cessation d'activité a été portée à la connaissance de l'administration, sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés".

1. Consulter l'arrêt du Conseil d'Etat
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000027300326&fastReqId=1057322065&fastPos=1
2. Consulter l'article R. 532-1 du code de justice administrative
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006450026&cidTexte=LEGITEXT000006070933&dateTexte=20130418&fastPos=2&fastReqId=921490285&oldAction=rechCodeArticle
3. Consulter la loi du 17 juin 2008
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019013696&fastPos=2&fastReqId=811718600&categorieLien=id&oldAction=rechTexte
4. Consulter l'arrêt
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000008171434&fastReqId=551077265&fastPos=1
5. Consulter l'article 2262 alors applicable
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=7D4DDCDEFB588F13D33E6C272C59D99B.tpdjo06v_1?idArticle=LEGIARTI000006447778&cidTexte=LEGITEXT000006070721&categorieLien=id&dateTexte=20080618

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