Pourtant aujourd'hui, les données disponibles sur ces substances sont rares et largement insuffisantes. Leur dispersion, leur interaction, leur transfert dans les milieux sont encore méconnus pour la plupart. L'analyse des micropolluants dans l'eau est pourtant fondamentale pour la protection de la santé et des écosystèmes et pour améliorer l'efficacité des traitements (procédés d'épuration…).
La directive cadre sur l'eau (DCE), adoptée en 2000, impose aux Etats européens d'atteindre un bon état écologique et chimique des eaux d'ici 2015. Cela passe par la réduction des pollutions à la source (rejets industriels, pollutions diffuses…) mais aussi par une amélioration des performances des stations d'épuration.
Le programme Amperes, lancé en 2006 par Suez environnement et le Cemagref (institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement), et cofinancé par l'Agence nationale de la recherche, visait à mesurer les concentrations de micropolluants dans les eaux usées traitées en entrée et en sortie des stations d'épuration et évaluer les capacités d'élimination des différentes technologies de traitement. Les résultats de l'étude ont été présentés le 21 janvier à la presse.
50 % des micropolluants éliminés à plus de 70 %
L'analyse pendant trois ans de 21 stations d'épuration a permis d'évaluer les capacités d'élimination des micropolluants par les différentes technologies existantes de traitement des eaux usées. Le programme Amperes a ainsi étudié plus de 100 composés (substances prioritaires définies par la DCE, substances pertinentes définies par la réglementation française et substances émergentes) : hormones, molécules issues de l'industrie pharmaceutique (bétabloquants, antibiotiques, antidépresseurs, analgésiques…), pesticides, métaux…
Conclusions ? Si les stations d'épuration actuelles ont été conçues pour traiter l'azote, le phosphore et le carbone, celles-ci arrêtent une part non négligeable des substances analysées.
Ainsi, le procédé boues activées sous aération prolongée permet d'éliminer à plus de 70 % près de la moitié des substances étudiées,. Cette technique est efficace à plus de 70 % pour 85 % des 33 substances prioritaires inscrites dans la DCE.
''Certaines substances sont principalement éliminées par biodégradation (triclosan, hormones estrogéniques, analgésiques) mais la plupart le sont plutôt par adsorption sur la boue (en particulier polybromodiphényléthers, C10-C13 chloroalcanes, HAPs lourds ou métaux comme Hg, Fe, Cu, Cr, Zn, Cd, Pb), avec une contribution de la volatilisation difficile à estimer'', note la synthèse de l'étude.
Néanmoins, une vingtaine de substances sont éliminées à moins de 30% par les stations d'épuration classiques, c'est-à-dire qu'elles sont restées quasiment non affectées par le passage à travers le procédé biologique. C'est le cas de certains pesticides (glyphosate, AMPA, diuron, isoproturon, atrazine, simazine), de métaux (lithium, bore, vanadium, cobalt, arsenic, rubidium, antimoine), de produits pharmaceutiques (Diclofenac, carbamazépine, diazepam, nordiazepam, doxepine, salbutamol, terbutaline, oxprenolol, propranolol, sotalol) et d'un détergent (alkylphénol carboxylates).
Finalement, 15 % des substances prioritaires, 30 % des molécules organiques et 90 % des substances pharmaceutiques se retrouvent dans les rejets en sortie de stations d'épuration conventionnelles à des concentrations supérieures à 100 ng/L en raison de leurs propriétés physico-chimiques et de leur concentration élevée en entrée de stations d'épuration.
Une dizaine de substances préoccupantes ont également été identifiées comme pouvant conduire à un dépassement des normes lorsque le débit du cours d'eau récepteur est très faible (un antisalissures, deux détergents, un solvant chimique, quatre pesticides et deux composés aromatiques).
L'analyse révèle une plus grande efficacité du procédé bioréacteur à membrane (BRM) pour environ 20% des substances quantifiées dans les eaux brutes. Les procédés tertiaires avancés (ozonation, filtration sur charbon actif, osmose inverse) permettent de compléter l'élimination de plus de 90 % des substances encore présentes en sortie de station d'épuration.