Créer des ponts entre mobilité électrique et gestion de l'énergie dans les bâtiments, l'idée n'est pas nouvelle. Pourtant, jusque-là, difficile de trouver le bon business model. Plusieurs acteurs y travaillent, notamment le consortium Elsa, porté par dix partenaires (1) , dont Bouygues énergies & services et Renault-Nissan. "Notre projet vise à développer une solution industrielle pour stocker de l'électricité à partir de batteries de véhicules électriques. L'idée est de passer de la voiture au bâtiment, sans reconditionnement des cellules de la batterie, sinon cette solution n'est pas rentable", explique Servan Lacire, directeur innovation et Technologies chez Bouygues énergies & services. L'objectif du projet, qui s'apprête à entrer en phase pilote, est de diviser par quatre les coûts de stockage grâce aux batteries de seconde main.
La réduction des coûts, un levier de taille
En théorie, réutiliser des batteries de véhicules électriques pour gérer l'énergie dans les bâtiments est un système gagnant-gagnant. En effet, le marché mondial des véhicules électriques atteint les 100 millions d'unités par an et est appelé à croître. Or, les batteries, devenues inutilisables pour l'électromobilité (2) , peuvent encore être utilisées pour d'autres usages, moins exigeants en performance. Parallèlement, dans les bâtiments, les besoins de pilotage de l'offre et de la demande de l'énergie augmentent, à mesure que se développent la production d'électricité renouvelable et les usages électriques, qui entraînent une augmentation des pics de consommation. Le stockage apparaît donc comme une solution pour lisser production et consommation. Cependant, cette solution est encore onéreuse et donc peut pertinente à l'échelle d'un bâtiment. C'est là que nait l'idée du réemploi des batteries de véhicules électriques, pour réduire les coûts en multipliant les usages avant la case recyclage.
Sur le papier, cette idée est parfaite. Pourtant, elle n'est pas si simple à réaliser, comme le démontrait en 2015 le projet de recherche européen Abatt-relife. Le faible gisement de batteries en fin de vie, le foisonnement des technologies utilisées et le faible coût de l'électricité (notamment en France) diminuent la pertinence économique de cette solution.
Un produit commercialisable d'ici 2018
Le consortium Elsa affirme cependant avoir levé un verrou essentiel : "Le système développé permet d'intégrer, sans reconditionnement, tous les modèles de batteries présents dans les véhicules électriques aujourd'hui". Celles des véhicules Renault (350.000 vendus en 2016) mais aussi celles utilisées par les autres constructeurs automobiles. Cette flexibilité réduit considérablement les coûts, à la moitié du prix d'une batterie neuve, selon Nicolas Schottey, expert chez Renault. Ce qui permet de devenir compétitif face à d'autres technologies de stockage. "L'enjeu est de réduire encore les coûts en travaillant sur le câblage et le pilotage de l'énergie", précise-t-il.
Pour y parvenir, six sites pilotes vont être lancés en Europe. L'idée est d'expérimenter cette solution dans différents cas de figure : un bâtiment tertiaire à La Défense (Hauts-de-Seine), un collège au Royaume-Uni, l'usine Nissan de Barcelone (Espagne), le centre de recherche Eon en Allemagne et deux réseaux de distribution locale d'énergie en Italie (Terni) et en Allemagne (Kempten).
Selon les projets, des systèmes de six à 42 batteries vont être testés. "Nous visons le développement industriel d'architectures modulaires de 12 à 96 kWh", explique Servan Lacire. L'objectif d'Elsa est d'aboutir à un produit commercialisable à l'horizon 2017-2018 à un coût très compétitif, "plusieurs dizaines de pour cent en dessous du meilleur prix de marché".