Ce vendredi 21 octobre 2011, le Centre d'analyse stratégique a remis son rapport sur "les aides publiques dommageables à la biodiversité (1) ". Commandé par le gouvernement en juillet 2010, le document de quelque 300 pages liste les aides nuisibles à la biodiversité et propose plus de 80 évolutions et réformes visant à réduire, voire annuler, l'impact préjudiciable de ces aides. Un rapport particulièrement dense qui se justifie par le fait que les atteintes à la biodiversité constituent "un sujet qui touche à tout", explique le président du groupe de travail, Guillaume Sainteny, maître de conférence à l'Ecole Polytechnique.
A noter, que le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, "a souhaité ne plus participer aux réflexions de la mission à partir du mois de mai 2011 en raison de [ses] divergences de vue avec les travaux menés dans le groupe", précise le rapport.
Analyse de cinq domaines
Le rapport a évalué cinq domaines impactant la biodiversité : les changements climatiques, les espèces invasives, la pollution, la surexploitation des ressources et l'imperméabilisation des sols.
Le groupe de travail n'a pas établi de hiérarchie entre ces thèmes, jugeant que la prise en compte de leur cumul est importante.
Pour Guillaume Sainteny, la lutte contre l'étalement urbain est "le sujet le plus important", il s'agit là d'une tendance "clairement anti-développement durable". "Dans un monde idéal", les mesures du rapport visant l'artificialisation des sols devraient être appliquées en priorité, estime-t-il, concédant cependant que "c'est compliqué".
Dans le "monde réel" il est difficile d'"isoler une mesure des autres", estime-t-il, précisant cependant qu'il "ne [croit] pas au Grand Soir fiscal vert". Le rapport soumet donc aux décideurs deux types de mesures : des orientations et des propositions.
Les orientations concernent des mesures de moyen ou long terme qui nécessitent des approfondissements. Il s'agit par exemple, en matière d'agriculture, de soumettre les engrais et produits phytosanitaires au taux normal de TVA. Quant aux propositions, elles sont "rédigées juridiquement et prêtes à être mise en œuvre". C'est le cas notamment d'une série de mesures d'ordre technique, comme l'instauration d'un tarif plancher pour chaque usage de l'eau.
Le rapport ne hiérarchise pas les mesures, au motif qu'il s'agit là d'une question politique touchant au débat entre durabilité faible et forte. De ce fait, la question du seuil critique, c'est-à-dire du niveau de perte de biodiversité qui serait intolérable, n'est pas abordée.
Manque de transparence
Faire le total des sommes versées via des aides néfastes à la biodiversité "est quasiment impossible", explique Guillaume Sainteny évoquant "plusieurs milliards, voire dizaines de milliards d'euros". Il fait état notamment des nombreuses difficultés méthodologiques qu'a rencontrées le groupe de travail pour rédiger son rapport. "Il y a un problème de transparence", estime-t-il, précisant qu'il est très délicat de retrouver les subventions qui impactent la biodiversité.
Cette difficulté est d'autant plus grande que le rapport vise une certaine exhaustivité. Aux subventions classiques, le groupe de travail a ajouté les niches fiscales et les taxes non incitatives, c'est-à-dire dont le niveau trop faible n'incite pas à réduire les atteintes environnementalles.
L'amélioration de la transparence et du reporting, fait donc l'objet de la première recommandation du rapport. "Les soutiens publics devraient y être évalués et (parfois) conditionnés avec plus de rigueur", indique le rapport, invitant l'Etat à "se doter d'un Document de politique transversale relatif à la biodiversité".
Un retard français
Rappelant les engagements de Nagoya et la récente publication de la feuille de route européenne sur une utilisation efficace des ressources, Guillaume Sainteny a jugé que jusqu'à maintenant "la France a été plutôt absente des débats" sur les liens entre les subventions publiques et les atteintes à la biodiversité.
Deux raison expliquent cela, selon le spécialiste des politiques publiques environnementales. En premier lieu, il estime que l'exécutif se détourne en partie des conséquences de la politique de subvention car il privilégie l'approche réglementaire pour élaborer des incitations publiques.
Ensuite, la politique fiscale est élaborée par les gouvernements français comme un outil pourvoyeur de ressources financières plutôt que comme un moyen d'action basé sur des éco-incitations.