A l'occasion de la publication du numéro de mars de sa revue Contrôle (1) , l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté à la presse le cadre du transport des substances radioactives. Un sujet qui suscite "un pic d'intérêt", notamment lorsqu'il s'agit de convois au départ ou en provenance d'Allemagne, justifie Laurent Kueny, directeur du transport et des sources.
Peu de colis, mais la majorité de la radioactivité
Au niveau international, le transport de matières radioactives est encadré par un règlement technique rédigé par l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA). Ce document est repris dans le livre orange des Nations unies qui regroupe les recommandations relatives au transport de l'ensemble des marchandises dangereuses. Ses recommandations sont ensuite déclinées par type de transport (routier, maritime, etc.) et parfois rendues opposables par la loi de certains Etats ou par des conventions internationales.
Tous les ans, environ 900.000 colis marqués du trèfle radioactif circulent en France. La majorité, soit 56% du total des colis transportés, est liée à des appareils de contrôle technique et 28% sont associés à des usages médicaux.
Quant aux transports des matières destinées à la recherche et à l'industrie nucléaire, ils représentent 16% de l'ensemble. Parmi ces quelque 150.000 colis transportés tous les ans, se trouvent notamment ceux liés aux 300 transports de combustible neuf, aux 200 transports de combustible usé, à la trentaine de transports de combustible mélange d'oxydes (MOX) (2) et aux 60 transports d'oxyde de plutonium extrait à l'usine de La Hague (Cotentin) et destiné à la production du MOX. Avec des niveaux de radioactivité allant du millier de becquerels (Bq) à la centaine de pétabecquerels (PBq, soit un million de milliards (1015) de Bq) par colis, ces transports concentrent "l'énorme majorité" de la radioactivité transportée, indique André-Claude Lacoste, président de l'ASN.
Les colis au cœur de la sûreté
Concernant les risques, le transport de matières radioactives est concerné par les quatre catégories associées au nucléaire : l'irradiation, la contamination, la criticité et le dégagement de chaleur. Concernant l'irradiation, c'est-à-dire le danger associé au rayonnement, la parade consiste à "filtrer" le rayonnement grâce à des matériaux spécifiques afin que la radioactivité mesurée à l'extérieur des colis respecte les normes en vigueur. Le confinement des matières radioactives et la résistance des colis doivent interdire la dispersion des matières et le risque de contamination des hommes et de l'environnement. Le risque de criticité (3) est pris en compte via la géométrie des colis, la limitation de la masse du produit radioactif dans les colis et l'absence d'eau dans les emballages. Enfin, les colis sont conçus de telle sorte à permettre l'évacuation de la chaleur.
En matière de sûreté, "tout doit reposer sur les colis, y compris en cas d'accident", explique Laurent Kueny. Ainsi, l'ASN contrôle les colis et l'expéditeur reste le premier responsable lors du transport. Dans ce cadre, tous les colis de type B, contenant des matières à forte radioactivité ou à caractère fissile, sont contrôlés par l'ASN. Une batterie de tests permet de valider la résistance des colis en cas d'accident : résistance à un choc à 50 km/h (chute de 9 m), à une chute de 1 m sur un poinçon, à un feu de 800°C pendant une demi heure et à une immersion à 200 m pour les plus radioactifs. Une fois les colis de type B agréés, l'ASN réalise une centaine d'inspections par an afin de vérifier le respect des modalités de fabrication, les conditions d'expédition, la maintenance et l'entretien. Depuis la loi de 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire (loi TSN), l'ASN peut dresser des procès verbaux et imposer des sanctions administratives. Laurent Kueny attire l'attention sur le dispositif belge, qualifié d'"assez novateur" car il "va beaucoup plus loin" en prévoyant des amendes. Des travaux sont d'ailleurs en cours aux niveaux européen et mondial afin d'harmoniser les pratiques.
Quant aux colis industriels et de type A, destinés à des transports de matières faiblement ou moyennement radioactives, ils font l'objet d'"une approche graduée selon le type de colis" variable selon la nature des sources auxquelles ils sont destinés. Si la réglementation encadre ces colis, l'ASN ne les agrémente pas et il revient au fabricant de délivrer un certificat de conformité. Cependant, l'ASN réalise des inspections relatives aux conditions de transports de ces colis.
La sécurité ne dépend pas de l'ASN
En 2011, sur les 140 incidents classés au niveau 1 de l'Echelle internationale des évènements nucléaires (Ines), trois concernent le transport de matières radioactives : la perte d'un colis contenant de l'iode 125 à l'aéroport de Roissy (Val d'Oise), un défaut des éléments de fermeture sur une coque de transport d'hexafluorure d'uranium (4) (UF6) constaté à trois reprises et le non respect des conditions de transport du combustible neuf à destination de la centrale de Civaux (Vienne).
Quant à l'information relative aux différents transports de substances radioactives, l'ASN fournit les informations aux préfets concernés en décrivant notamment la nature des matières transportées. "La sécurité n'est clairement pas de notre domaine", explique André-Claude Lacoste, rappelant que l'ASN contrôle les colis mais pas les trajets et le transport en lui même, ce second aspect relevant du domaine de compétence des haut-fonctionnaires de défense et de sécurité des ministères. Par ailleurs, la question de savoir si l'ASN doit publier les informations dont elle dispose au sujet des trajets a été posée à la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) qui a répondu par la négative.
Enfin, l'ASN indique qu'"elle a innové" en novembre 2011, lorsqu'elle a invité des membres de l'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (Acro) et des Commissions locales d'information (CLI) à participer aux mesures de radioactivité à proximité d'un convoi. Laurent Kueny rapporte "une très bonne corrélation" entre les résultats obtenus par l'Acro et ceux de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).