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AccueilSylvie Gallage-Alwis, Estelle IsikParticules de diesel : qui sera la cible des recours de demain ?

Particules de diesel : qui sera la cible des recours de demain ?

Sylvie Gallage-Alwis et Estelle Isik du cabinet d'avocats Hogan Lovells (Paris) LLP, analysent les implications des récents débats liés aux particules de diesel au regard de leur expérience en contentieux liés à l'amiante, aux pesticides et autres substan

Publié le 20/10/2014
Environnement & Technique N°341
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°341
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Si l'augmentation de la taxe sur le diesel annoncée par le Gouvernement le 1er octobre 2014 a été justifiée par des arguments purement économiques et sans lien avec l'écologie ou la santé publique, elle a remis une nouvelle fois le diesel sur le devant de la scène.

Le jeu politique relatif aux particules de diesel a pour toile de fond un débat complexe marqué d'une part par l'effort passé de l'Etat de promouvoir le diesel par rapport aux véhicules à moteurs essence et d'autre part la tendance récente de diabolisation générale et d'interdiction soudaine des produits chimiques et industriels.

Cette dernière tendance ne doit pas être sous-estimée. Elle est en effet le fruit d'une stratégie qui a fait ses preuves s'agissant d'autres substances telles l'amiante1, les pesticides, le bisphénol A ou certains produits pharmaceutiques. Elle passe au travers de plusieurs étapes décrites ci-dessous.

La multiplication de rapports alarmants

La question de la nocivité du diesel avait déjà été abordée en 2005, au travers d'un rapport de la Commission européenne s'inscrivant dans le cadre du programme "Clean Air for Europe" (CAFE) et soulignant que les particules de diesel pourraient être à l'origine de 42.000 décès prématurés en France.

Une étude plus récente de 2012, menée sous la coordination de l'Institut de veille sanitaire2 (InVS) ayant évalué la pollution atmosphérique urbaine dans 25 villes européennes, dont 9 villes françaises, indique que ce serait 2.900 morts prématurées dues aux particules fines qui pourraient être évitées en moyenne chaque année si les valeurs guides de l'OMS étaient respectées.

Le classement, en juin 2013, des gaz d'échappement des moteurs diesel en tant que "cancérogènes certains" par le CIRC et le dossier intitulé "Qualité de l'air, un enjeu sanitaire3" publié en octobre 2013 par l'ADEME qui s'attache à souligner les conséquences sanitaires que peuvent avoir ces "composés solides en suspension émis par la combustion", ont également fait couler beaucoup d'encre.

Une image dégradée

En parallèle de ces rapports, nombreuses ont été les réactions virulentes de certaines figures politiques relayées dans les medias pour mieux inquiéter la population.

Delphine Batho, députée, ancien ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie a ainsi désigné le diesel comme "le problème de la France" et Anne Hidalgo, maire de Paris, a indiqué qu'il conviendrait de l'”éradiquer”. Pour Bruno Guibeaud, président du réseau d'experts automobiles français Europe Qualité Expertise, le diesel représenterait "une bombe à retardement" capable de provoquer un scandale sanitaire comparable à l'amiante.

Par ailleurs, à l'instar de l'amiante et des pesticides, les reportages diffusés à la télévision sur les dangers potentiels du diesel se multiplient avec des titres évocateurs tels "Diesel : le scandale français" ou "Diesel : la dangereuse exception française".

Une réaction progressive de l'Etat

Comme pour tenter de se dédouaner, l'Etat, sans pour autant se prononcer ouvertement sur le caractère ou non nocif des particules de diesel, prend des mesures pour limiter le parc automobile concerné. Ceci est largement interprété comme une admission que le diesel pourrait être dangereux.

Une révision par l'État des valeurs d'exposition a par exemple été annoncée. Ainsi, les normes européennes qui règlementent, depuis 1991, les émissions de polluants atmosphériques des moteurs diesel deviennent de plus en plus restrictives. En effet, ces normes, allant de Euro 0 au Euro 6 pour les voitures particulières, et de Euro I à Euro VI pour les véhicules commerciaux, posent des limites d'émissions qui évoluent de manière fréquente : la dernière norme Euro 5, entrée en vigueur le 1er janvier 2011 pour les voitures neuves, sera remplacée le 1er septembre 2015 par la norme Euro 6, qui nécessitera, entre autres, une réduction de 50 % des émissions de NOx par rapport à la Norme Euro 5.

En outre, dans son Troisième Plan Cancer de 2013, une diminution de l'exposition de la population aux polluants atmosphériques aux valeurs limites européennes définies en 2010 a été recommandée. Enfin, le 1er octobre 2014, l'Etat a annoncé la création d'un "super bonus" pour les voitures électriques, indiquant que cela permettra notamment de réduire les émissions de particules de diesel.

La recherche de responsables

Le 10 mars 2014, à la suite de pics de pollution, le premier recours au pénal contre X pour mise en danger de la vie d'autrui, comme cela a été le cas en matière d'amiante en 1996, a été formé. L'absence de désignation d'un accusé est parlante et démontre la complexité actuelle de l'identification d'un responsable potentiel. Ceci annonce cependant également, à l'instar de l'amiante ou des pesticides, une volonté de rechercher à la fois la responsabilité de l'Etat et des industriels.

S'agissant de l'Etat, en mai 2011, la Commission a fait savoir qu'elle poursuivait "la France devant la Cour de justice pour non-respect des valeurs limites de qualité de l'air applicables aux particules en suspension connues sous le nom de PM10". La France s'expose à ce titre à une amende forfaitaire ainsi qu'à une astreinte journalière de plusieurs centaines de milliers d'euros pour le non-respect des niveaux maximum de particules admissibles dans l'air ambiant fixés au niveau européen. La France devrait également être assignée par la Commission pour le non-respect des valeurs limites de concentration pour le dioxyde d'azote. En effet, par une décision du 22 février 2013, la Commission a refusé tout report de l'entrée en vigueur de la Directive 2008/50/CE relative à la qualité de l'air.

Au niveau national, une des raisons de la prudence de l'État à officiellement déclarer le diesel nocif réside sans nul doute dans le fait que reconnaître ce fait reviendrait à admettre que l'État est responsable des risques sanitaires aujourd'hui allégués. Une telle reconnaissance pourrait alors largement être utilisée soit par les potentielles victimes qui assigneraient directement l'État, soit par les industriels qui pourront, s'ils venaient à être condamnés, appeler l'État en garantie.

C'est ce qui a commencé à se produire très récemment en matière d'amiante. La société Latty International a ainsi obtenu la condamnation de l'État, par le Tribunal Administratif d'Orléans le 27 mai 2014, à lui rembourser la moitié des dommages-intérêts qu'elle a dû verser à un de ses anciens salariés qui avait développé une maladie liée à l'amiante au motif "qu'il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle (…) et d'arrêter, en l'état des connaissances scientifiques, au besoin à l'aide d'études ou d'enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers".

S'agissant des industriels, la lecture des rapports mentionnés ci-dessus et des annonces publiées par les médias nous laisse à penser que c'est l'industrie automobile qui risque d'être visée en priorité. Les constructeurs automobiles doivent dès lors, d'ores et déjà, être particulièrement vigilants et ne négliger aucun recours quel qu'il soit car celui-ci risque d'être un "recours test" ensuite utilisé comme précédent devant d'autres juridictions et à l'encontre d'autres constructeurs. Ils doivent également prendre en compte le fait qu'ils pourront être visés par des recours formés aussi bien par des personnes qui estiment avoir développé une maladie du fait de l'inhalation de particules de diesel que par de personnes non malades mais prétendument anxieuses de l'être du fait d'une telle inhalation.

Il est à noter cependant que le diesel n'est pas la seule source de production des particules fines. L'InVS indique que celles-ci, naturellement présentes dans l'environnement, peuvent également provenir du chauffage, des industries, ou encore de l'agriculture. En effet, malgré la prépondérance des véhicules diesel, c'est l'agriculture, selon un rapport du CNRS du 21 mars 2014, qui serait la principale émettrice des particules en Ile-de-France, suivie par le chauffage au bois, puis uniquement ensuite par les transports.

Avis d'expert proposé par Sylvie Gallage-Alwis et Estelle Isik, Hogan Lovells (Paris) LLP

1 Lire notre dossier sur l'amiante.
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/amiante/amiante.php4

2 Télécharger l'étude Aphekom sur laquelle s'est basée l'InVS
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-22968-etude-air-invs.pdf

3 Télécharger le rapport de l'Ademe
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-22968-ademe-air-enjeu-sanitaire.pdf

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4 Commentaires

Kali87

Le 21/10/2014 à 10h47

Nul doute que les particules fines émises par le diesel sont nocives et peuvent faire l'objet d'un vaste débat sur les transports et toutes ses taxes.
Mais, qu'en sera-t-il à terme des particules fines émises par la combustion du bois qui sont également hautement nocives et en quantité plus importante que celles émises par le diesel ( voir les rapports du CITEPA) ?
Seront-elles mises en cause au même titre que le diesel ? Auront-elles les même taxes ? Auront-elles les même procès d'intention ?
alors que le gouvernement incite fortement l'utilisation de ce combustible hautement polluant (CO, HAP, COV, ...) tel que le reconnait l'ADEME.
Une certaine objectivité serait bien venue dans ce domaine.

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Driee-if

Le 03/11/2014 à 14h50

La conclusion de cet article est fausse. Le rapport du 21 mars est en fait un rapport du LSCE (dont fait partie le CNRS) qui s'attachait à caractériser les particules PM2.5 lors de l'épisode de pollution de mars dernier. Les mesures ont été faites sur un seul site (plateau de Saclay), soit en situation de "pollution de fond" éloignée du trafic routier, du 7 au 15 mars, ce qui n'est pas représentatif de la situation moyenne en Ile-de-France, contrairement à ce que sous-entend l'article. Par ailleurs, l'étude portait sur une analyse des particules présentes dans l'air, ce qui ne peut pas se transposer directement en émissions !
Les données de l'inventaire 2010 d'Airparif (seul organisme agréé pour la surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France) montrent en fait que le chauffage résidentiel est responsable de 37% des émissions de PM2.5, le trafic routier de 30% et l'agriculture ... de 7%.
Jean-Loup CARUANA - DRIEE-IF

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Driee-if

Le 03/11/2014 à 15h01

La conclusion de cet article est fausse. Le rapport du 21 mars est en fait un rapport du LSCE (dont fait partie le CNRS) qui s'attachait à caractériser les particules PM2.5 lors de l'épisode de pollution de mars dernier. Les mesures ont été faites sur un seul site (plateau de Saclay), soit en situation de "pollution de fond" éloignée du trafic routier, du 7 au 15 mars, ce qui n'est pas représentatif de la situation moyenne en Ile-de-France, contrairement à ce que sous-entend l'article. Par ailleurs, l'étude portait sur une analyse des particules présentes dans l'air, ce qui ne peut pas se transposer directement en émissions !
Les données de l'inventaire 2010 d'Airparif (seul organisme agréé pour la surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France) montrent en fait que le chauffage résidentiel est responsable de 37% des émissions de PM2.5, le trafic routier de 30% et l'agriculture ... de 7%.
Jean-Loup CARUANA - DRIEE-IF

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VD69

Le 16/12/2014 à 1h17

Y a-t-il beaucoup d'études confirmant la nocivité particulière, spécifique du diésel?
Je n'ai personnellement entendu parler que d'une étude dans une mine de sel concernant des moteurs d'énormes engins dans les années 70/80. Les diésels d'alors ne connaissaient ni le filtre à particule, ni le common rail et pour beaucoup ni même le turbo.
Ces améliorations sont maintenant basiques pour les moteurs de voiture diésel. Faut-il voir une explication de cette agressivité dans le fait que nos producteurs nationaux sont leaders technologiques sur ces questions? Un cas de plus d'auto french bashing .
Je constate comme tout le monde que les consommations et surtout les rejets de CO2 sont inférieures avec le diésel.
A tous les opposants acharnés au diésel, je rappelle aux éventuels candidats au suicide, qu'en s'enfermant dans un garage avec un moteur diésel en route , ils en sortiront peut-etre en toussant ce qui ne serait pas le cas avec un moteur à essence.

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