"Sur la fiscalité écologique, je suis venu vous confirmer la décision actée par le Premier ministre de créer une contribution climat énergie", a lancé hier le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, devant les responsables d'Europe Ecologie Les Verts réunis à Marseille pour leurs journées d'été. L'objectif affiché ? Encourager les particuliers et les entreprises à des comportements plus verts en taxant les consommations d'énergie polluantes.
La porte-parole du Gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a indiqué sur Europe 1 ce matin que la mesure serait présentée au mois de septembre avec l'ensemble du projet de loi de finances, mais que ni son niveau ni sa trajectoire n'étaient pour l'instant définis.
Donner des gages aux écologistes dans un contexte de hausse de la pression fiscale
Cette annonce s'inscrit dans un double contexte. Le couple exécutif veut donner des gages à ses partenaires écologistes ébranlés par l'éviction de Delphine Batho du Gouvernement en juin dernier. Ces derniers font monter la pression depuis plusieurs semaines indiquant que l'absence de fiscalité verte dans la loi de finances constituerait un casus belli. Le 24 juillet dernier, le groupe écologiste à l'Assemblée nationale déposait d'ailleurs une proposition de loi visant à instaurer une contribution climat-énergie en France.
Mais la confirmation de cette contribution intervient au moment même où enfle la polémique sur une pression fiscale dont le niveau deviendrait insupportable pour l'économie. Le nouveau patron du Medef, Pierre Gattaz, avait annoncé dès sa prise de fonction début juillet son opposition à toute fiscalité écologique. Ce matin sur France Info, le patron des patrons a insisté sur la nécessité de régler le budget 2014 "sans augmenter du tout les impôts".
Pas de nouvel impôt
La contribution climat-énergie est-elle d'ailleurs un nouvel impôt ? Najat Vallaud-Belkacem le conteste, expliquant qu'il ne s'agit pas de créer une nouvelle taxe mais de verdir des taxes déjà existantes sur l'énergie. Le Gouvernement devrait effectivement s'appuyer sur les travaux du Comité pour la fiscalité écologique qui a remis son premier rapport d'étape le 18 juillet aux trois ministres concernés. Ce dernier avait examiné en juin deux scénarios pluriannuels visant à rééquilibrer graduellement la taxation de l'essence et du gazole tout en introduisant une assiette carbone dans la fiscalité existante.
Le premier prévoyait un taux de 7 €/t de CO2 en 2014 pour atteindre 20 €/t en 2020, ainsi qu'une réduction d'un centime par an de l'écart de taxation essence/diesel. Le second, plus ambitieux, proposé par la Fondation Nicolas Hulot (FNH) visait un taux de 40 €/t de CO2 en 2020, une réduction de 2 ct/an de l'écart essence/diesel, et un mécanisme de redistribution plus favorable aux ménages.
La fiscalité écologique a pour première finalité de modifier les comportements mais le Gouvernement pourrait être tenté par un impôt de rendement. Le financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été affiché comme objectif par l'exécutif, ce qui a d'ailleurs pollué les travaux du Comité pour la fiscalité écologique.
Eviter les écueils juridiques
Reste également au Gouvernement à éviter les écueils juridiques. Par deux fois, un projet de taxe carbone a été retoqué par le Conseil constitutionnel. Sous le gouvernement Jospin, le projet de loi de finances rectificative pour 2000 avait prévu d'étendre la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à l'énergie fossile et à l'électricité. Les sages de la rue de Montpensier avaient estimé que l'assujettissement de l'électricité était contraire à l'objectif de lutte contre l'effet de serre poursuivi par la taxe.
La "contribution carbone" voulue par Nicolas Sarkozy a, quant à elle, été censurée par le Conseil constitutionnel en décembre 2009. Les sages avaient jugé que l'importance des exemptions était contraire à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créait une rupture d'égalité devant les charges publiques.
"Ces exonérations sans lien avec l'objectif poursuivi constituent le principal motif de la décision du Conseil constitutionnel", estime l'avocat Arnaud Gossement. Le Gouvernement et le législateur devront par conséquent veiller à la cohérence entre l'objectif affiché par loi et la rédaction de ses dispositions fiscales.
En tout état de cause, "le risque juridique d'une censure par le Conseil constitutionnel ne doit pas devenir le prétexte commode pour (…) se concentrer sur une seule fiscalité carbone exonérant l'électricité", ajoute le juriste.
L'intégration de cette dernière dans l'assiette de la taxe constitue en effet une question stratégique, tout comme celle des mesures d'accompagnement destinées à préserver les catégories d'usagers les plus vulnérables…