La cour d'appel de Paris a décidé de clore l'enquête ouverte en 2001 sur l'impact du nuage de Tchernobyl en France. Elle a prononcé mercredi 7 septembre un non-lieu au seul prévenu dans ce dossier : le professeur Pierre Pellerin, l'ex-patron du Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI, ancien IRSN) aujourd'hui âgé de 88 ans.
Le professeur Pellerin avait été mis en examen le 31 mai 2006 pour "tromperie aggravée". Il était soupçonné d'avoir dissimulé au public l'ampleur des retombées radioactives de la centrale ukrainienne de Tchernobyl qui avait explosé le 26 avril 1986. Il avait affirmé notamment que "l'élévation relative de la radioactivité" en France était "très largement inférieure aux limites réglementaires".
En mars 2001, l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT), la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) et 51 malades de la thyroïde - parties civiles dans cette affaire - avaient déposé une plainte contre X pour "coups et blessures involontaires", accusant les pouvoirs publics d'avoir minimisé l'impact du passage du nuage radioactif .
25 ans après l'accident, le "procès Tchernobyl" n'aura pas lieu en France, au grand dam des parties civiles. La cour d'appel de Paris a suivi les recommandations du parquet général, qui estimait en mars dernier que les analyses scientifiques ne permettaient pas d'établir un lien entre le passage du nuage radioactif et des maladies de la thyroïde. Or, un rapport cosigné par les professeurs Pierre-Marie Bras et Gilbert Mouthon, publié en août dernier montrait pourtant une augmentation importante des troubles thyroïdiens en Corse après Tchernobyl. Ce rapport d'experts a comparé les troubles avant et après le 24 avril 1986 et démontré une hausse de 44 à 100% des troubles thyroïdiens après le passage du nuage.
"Déni de justice"
Michèle Rivasi, fondatrice de la Criirad et eurodéputée Europe Écologie-Les Verts s'est dite "scandalisée" par cette décision et a dénoncé ''un déni de justice pour les victimes de Tchernobyl". "Ce non-lieu est un non-sens: la justice a eu les moyens – preuves à l'appui – de démontrer la tromperie aggravée du professeur Pellerin, qui a mené à la consommation d'aliments dont les niveaux de contamination dépassaient les normes fixées par l'UE", a -t-elle indiqué dans un communiqué.
En France, 400 victimes présumées du nuage radioactif se seraient portées partie civile dans cette affaire. Dans une interview accordée en avril dernier à Actu-environnement.com, la députée européenne appréhendait déjà le non-lieu de Pierre Pellerin qui ''risquait d'être blanchi sous pressions des politiques" alors qu'elle s'inquiétait d'une contamination radioactive des aliments suite à l'accident de Fukushima. "Si l'Etat avait informé la population des conséquences du nuage radioactif, ces troubles auraient pu être évités par la non-consommation d'aliments contaminés (…) C'est donc une véritable double-peine pour les victimes et un déni de démocratie résultant d'une volonté politique inhumaine'', fustige-t-elle. Et de s'interroger : "jusqu'à quand le nucléaire civil bénéficiera d'une telle impunité? C'est exactement la même situation qu'au Japon actuellement: la population vit dans la désinformation et continue à consommer des aliments contaminés".
Michèle Rivasi a invité l'Association des victimes de la thyroïde à se pourvoir en cassation. ''Nous irons jusqu'à la Cour Européenne des Droits de l'Homme s'il le faut'', a déclaré l'eurodéputée.