Depuis plus d'une dizaine d'années, une alternative s'offre à la clim' traditionnelle pour produire du froid grâce à l'énergie inépuisable du soleil ! Il s'agit du rafraîchissement ou climatisation solaire. Une technique, déjà mise en œuvre, en phase de développement, et qui permet de consommer 20 fois moins d'électricité qu'un système traditionnel. Entre 300 et 400 unités ont été installées en Europe, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Son principe ? L'énergie calorifique délivrée par le système solaire est utilisée par des machines de production de froid ou de traitement d'air pour produire de l'énergie frigorifique, permettant d'assurer le rafraîchissement des locaux.
Une énergie renouvelable
Le solaire thermique peut en effet être utilisé pour alimenter les machines à froid dites à sorption (absorption ou adsorption). Ces systèmes ''fermés'' produisent de l'eau glacée qui est ensuite utilisée pour le refroidissement ou la déshumidification de l'air. Alors que la climatisation traditionnelle produit du froid en comprimant mécaniquement un fluide, le ''rafraîchissement'' solaire met en œuvre une compression thermique.
Une autre technologie de clim' solaire est basée sur le système ''ouvert'' de la dessiccation (dessicant cooling ou DEC) qui refroidit directement l'air. L'énergie solaire thermique, produite par des capteurs en toiture, alimente alors un échangeur de chaleur qui refroidit l'air entrant. Mais cette technique ne concerne qu'une petite minorité de projets sur les quelques centaines d'installations construites en Europe (majoritairement en Allemagne et Espagne). Les machines à absorption restent les plus prépondérantes (62% de la puissance installée).
Une vingtaine d'installations françaises
Toutefois, un grand nombre de sites européens ne fonctionnent plus pour des problèmes de défaillance et de fiabilité. Seule la moitié de ces installations serait encore en service.
En France, si une vingtaine d'installations sont recensées (dont 1 en Corse, 2 en Guadeloupe et 2 à la Réunion), 16 seraient actuellement opérationnelles et utilisent des machines à sorption. Ces 16 unités - dont six ont été mises en service en 2009 - représentent une puissance cumulée de 600 kW soit une surface de capteurs de 1.680 m2, selon Daniel Mugnier, Responsable Département Climatisation/Chauffage solaire au bureau d'études Tecsol. Ces machines équipent en majorité des bâtiments publics ou parapublics, des établissements de recherche et scolaires (à but d'études). La plus ancienne en fonctionnement en France est celle des caves de Banyuls (66) près de Perpignan, mise en service en 1991 ! Cette installation est composée de 130 m2 de capteurs solaires sous vide et d'une machine à absorption de 50kW. Une autre installation a été réalisée en 2005 par la société Givaudan à Argenteuil (95), équipée d'une machine à absorption de 105 kW avec 298 m² de capteurs à tubes sous vide.
Parmi les installations en service depuis 2009 figure celle de l'Institut national de l'énergie solaire (Ines). Dans le cadre du programme européen Solera, les chercheurs du CEA Liten basés à l'Ines à Chambéry expérimentent un démonstrateur de froid solaire d'une puissance nominale de 4,5 kW dans leurs locaux. Deux autres installations ont également vu le jour en 2009 : en Guadeloupe, le lycée HQE de Port-Louis s'est doté de deux machines à absorption de 100 et 170 kW, et de 435 m² de capteurs à tubes sous vide. L'Institut des sciences et techniques des aliments (Istab) de Bordeaux s'est aussi équipé d'une machine à absorption de 35 kW (90 m² de capteurs tubes sous vide).
Dans le cadre du programme français ''Emergence'' qui vise à développer les systèmes de climatisation/chauffage solaire (2009-2012), soutenu par l'Ademe, 3 à 6 nouvelles installations sont en outre prévues en 2010 puis 5 à 10 par an d'ici 2013. Soit 15 à 30 nouvelles installations financées sur 3 ans par l'Ademe et les Régions. Ce programme, initié par les professionnels du solaire, vise à faire émerger la technologie via la démonstration. Il privilégie des installations performantes et fonctionnant à l'année ce qui sous-entend qu'elles devront être réversibles et assurer une partie des besoins de chauffage en hiver et de climatisation en été.
Des limites à son développement
Si la climatisation solaire (que ce soit via les machines à sorption et DEC) a l'avantage de supprimer la plupart des nuisances d'une climatisation classique (surconsommation électrique, nuisances sonores..), un gros potentiel de développement réside essentiellement dans le secteur tertiaire (hôpitaux, bureaux, maisons de retraite,…). Cependant, les techniques de froid solaire sont encore au stade de la démonstration du fait de la complexité de la mise en œuvre au niveau de l'optimisation des composants et du système global, notamment en ce qui concerne la régulation.
Autre ''frein'' au procédé : le coût d'investissement élevé du système solaire et des machines frigorifiques. Selon Daniel Mugnier de Tecsol, ces installations sont encore ''3 à 5 fois plus chères que les installations traditionnelles'' estimées à 800 euros le kW. L'investissement est rentabilisé qu'au bout de 8 ans...
Le couplage chauffage/climatisation, une solution d'avenir ?
Mais les prix de la clim' solaire devraient ''baisser assez rapidement d'ici 3 à 5 ans'', assure M. Mugnier. D'autant que le marché ''est en pleine expansion'' en Europe. ''L'avenir de la climatisation solaire réside dans le couplage chauffage/ climatisation'', confirme-t-il. Il réside aussi dans le développement de nouvelles machines frigorifiques de petite taille (jusqu'à 30 kW fabriquées par l'allemand Schüco, l'autrichien Startec ou le français Solbeo) et qui pourraient être adaptées à la maison individuelle…