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Terres rares : les « vitamines » des nouvelles technologies sous haute surveillance

Le ministre de l’industrie Eric Besson a annoncé la création du Comité pour les métaux stratégiques lors d’une audition, le 8 mars, à l’Assemblée nationale, organisée par l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

Biodiversité  |    |  A. Sinaï
   
Terres rares : les « vitamines » des nouvelles technologies sous haute surveillance
   

Les 17 terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés chimiques particulières. Leur découverte est conjointe avec l'étude des propriétés du plutonium, dans le cadre du Projet Manhattan sur la bombe atomique pendant la deuxième guerre mondiale. "Scandium, yttrium, et lanthanides, chaque élément de terre rare a une spécificité en raison de sa structure atomique. Elles sont difficiles à classer en raison de leur structure physique particulière", expose Paul Caro, ancien sous-directeur du Laboratoire des terres rares du CNRS, devant les parlementaires de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le 8 mars dernier. "D'un point de vue physique, les propriétés électroniques des terres rares permettent de vérifier les subtilités de la théorie quantique".

Si, au début, les terres rares servaient à la pierre à briquet, aux alliages réfractaires et aux colorants de la terre cuite, leurs applications se sont affinées dans les années 80. C'est à partir des années 60 que l'yttrium a servi de base pour les télévisions couleur non saturables grâce à ses propriétés électroniques. Aujourd'hui, ces éléments chimiques sont impliquées dans les alliages des moteurs électriques, les générateurs d'éoliennes offshore, les ailettes des turbo-réacteurs, les disques durs des ordinateurs, la miniaturisation des baladeurs. Dans les pompes à chaleur, la réfrigération magnétique permet la variation réversible de la température pour le conditionnement d'air. Dans le secteur médical, les terres rares pourront servir à guider magnétiquement des nanoparticules composites pour neutraliser des tumeurs. Utilisées dans les pots catalytiques pour réguler le CO2, dans les céramiques résistant à des hautes températures (aubes de turbines de réacteurs, prototype ITER), dans les accumulateurs alcalins (stockage de l'électricité), elles sont omniprésentes et pas si rares que cela.

Photovoltaïque : gros besoins à venir

L'industrie photovoltaïque annonce des besoins en terres rares importants. En pleine croissance, la production d'énergie photovoltaïque s'oriente vers une technologie de couche mince, dite CIGS (Cuivre, Indium, Galium, Selenide), explique Benoît Richard, directeur de la stratégie de Saint Gobain Solar. Si le silicium cristallin est actuellement le matériau dominant des panneaux photovoltaïques, les industriels développent la technologie CIGS afin d'élaborer des modules présentant un meilleur spectre de captation, donc des rendements plus élevés. La disponibilité de l'indium, sous-produit du zinc, est chiffrée à 1200 tonnes par an de production mondiale. L'indium est utilisé dans la fabrication des écrans plats. Son cours, volatil, tourne autour de 600 $ la tonne. Sa provenance est assurée à plus de 70% par la Chine. Sachant qu'un module photovoltaïque CIGS requiert 5 grammes d'indium, il faut 38 tonnes d'indium par an pour produire un gigawatt.

Pour l'industrie photovoltaïque, anticiper l'évolution des réserves est crucial. Les industriels du secteur sont attentifs à l'évolution du marché des écrans plats dont dépend en partie l'avenir de la ressource en indium. Saint Gobain Solar prend des précautions en passant des contrats d'approvisionnement à long terme, en diversifiant ses sources et en menant des études sur la disponibilité des matériaux et les coûts associés. L'objectif est de stabiliser l'utilisation de l'indium à 15 tonnes par an par gigawatt d'ici à 2020. Le volet recyclage des panneaux en fin de vie, dans le cadre de la directive européenne PV cycle, permettra de récupérer une partie des éléments. Le recyclage de ces matériaux et des matières radioactives qui en sont issues est aussi un défi industriel dont la firme Rhodia s'est fait une spécialité dans sa nouvelle usine de La Rochelle.

La guerre des terres rares a commencé

Le fait que 97% des terres rares se situent en Chine simplifie le paysage de ces matières premières. Depuis 1985, la Chine détient un quasi monopole de fait sur les exportations mondiales de terres rares. Elle en produit quelque 100.000 tonnes par an, et ce volume peine à suivre la demande. La géostratégie des terres rares s'est illustrée par l'incident naval des îles de l'archipel japonais Senkaku, en novembre 2010, qui a déclenché un embargo chinois vis-à-vis du Japon, deuxième plus gros utilisateur de terres rares pour ses véhicules hybrides et ses produits électroniques après la Chine.

La Chine fait pression sur les sociétés utilisatrices de terres rares, comme General Motors, qui a dû transporter son centre de recherche sur les microéléments nécessaires aux véhicules hybrides et électriques à Shanghai. "Cette situation paradoxale ne peut être durable, et le sera d'autant moins que les prix augmentent", souligne François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique. La réouverture de la mine désaffectée de Mountain Pass en Californie, les explorations en Australie, au Groenland, dans le Nebraska, au Gabon, au Malawi et au Vietnam, l'extraction en Estonie manifestent la volonté des producteurs d'en finir avec le monopole chinois sur les lanthanides.

La Chine a vu se développer l'extraction des terres rares de manière chaotique. Des milliers de producteurs illégaux ont contribué à la dévastation environnementale du sud-est du pays. Ses réserves sont en baisse. La Chine, en passe de devenir importatrice, prend des participations dans les groupes miniers. L'important gisement de Mount Weld, plus récemment découvert en Australie et exploité par la firme Lynas, est passé sous contrôle de la China Nonferrous Metal Mining Co. Une plainte a été déposée en 2009 à l'OMC par l'Union européenne, les Etats-Unis et le Mexique contre la Chine sur les restrictions chinoises à l'exportation de neuf matières premières, fondées sur un argument environnemental.

La multiplication par 20 du prix du néodyme entre 2003 et 2010 et la crise annoncée de l'indium sollicitent l'anticipation de la raréfaction de ces matières critiques. Dans un contexte de consommation exponentielle des grands métaux et d'utilisation croissante des terres rares, Benoît de Guillebon, directeur de l'Apesa, centre technologique en environnement et maîtrise des risques, et co-auteur de l'ouvrage Quel futur pour les métaux ?, voit pointer un cercle vicieux : "La quantité d'énergie nécessaire à extraire ces matériaux va doubler. Et les avantages environnementaux des objets industriels fabriqués avec ces terres rares ne compenseront pas les dégâts de longue durée causés par les procédés d'extraction. Le recyclage restera une réponse limitée : d'un coût élevé, il ne fera que retarder l'échéance".

Réactions5 réactions à cet article

"L'important gisement de Mount Weld, plus récemment découvert en Australie et exploité par la firme Lynas, est passé sous contrôle de la China Nonferrous Metal Mining Co." : au contraire, il a été dit lors de l'audition que le gouvernement australien s'est opposé à tout investissement à hauteur de plus de 49%.

Miso | 11 mars 2011 à 18h38 Signaler un contenu inapproprié

Petite précision, contrairement à ce qui écrit ici : ".. 97% des terres rares se situent en Chine ..". En fait la Chine est le premier producteur & de fait pratiquement en monopole sur le sujet ce qui est vrai. Mais ce n’est pas du tout le seul à en posséder (exemple les USA & l’Australie disposent de 15 et 5 % des réserves). Il se trouve que les autres pays ne les exploitent que très peu pour des problèmes de rentabilité et de pollution liée à leur extraction.

Syl20 | 14 mars 2011 à 14h00 Signaler un contenu inapproprié

Il est temps de passer à une économie des ressources naturelles, permettant d'anticiper les pénuries en éléments par une indexation des taxes.

jp-42 | 17 mars 2011 à 13h18 Signaler un contenu inapproprié

La vidéo de l'audition est disponible sur la page:
http://www.assemblee-nationale.fr/commissions/opecst-index.asp

Les 3 remarques précédentes sont bien évoquées par les intervenants.

Al92 | 25 mars 2011 à 16h54 Signaler un contenu inapproprié

Tout ça pour susciter de nouveaux besoins de consommation et les intensifier ... on n'est pas assez heureux avec un violon et un bouquin, qui nécessitent un quart de tronc d'arbre, et durent pour la vie ? :)

guiyom | 14 mars 2012 à 17h25 Signaler un contenu inapproprié

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