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AccueilThierry LegrandSmart grids : l'alpha et l'oméga du biomimétisme ?

Smart grids : l'alpha et l'oméga du biomimétisme ?

Thierry Legrand, consultant spécialisé, revient sur l'application aux smart grids du biomimétisme, concept qui a le vent en poupe dans l'industrie, pour appliquer aux objets et technologies les modèles développés par la nature au fil du temps.

Publié le 08/09/2014

Le biomimétisme est un concept séduisant. Il propose de s'inspirer du vivant pour répondre à des problèmes technologiques, et soulève dès lors un paradoxe : le raffinement ultime de l'évolution consiste ici à plagier l'existant. Théorisée au milieu du XXe siècle et vulgarisée à la fin des années 90, l'idée qu'il suffirait de calquer des modèles biologiques pour innover n'en finit plus de faire des émules. Elle trouve l'un de ses principaux champs d'applications dans le secteur énergétique, de façon réduite, avec telle ou telle invention, ou beaucoup plus large, avec l'émergence des réseaux intelligents.

Le biomimétisme énergétique, un champ des possibles infini

"La nature sait faire des choses que nous ne savons pas faire ou, à tout le moins, les fabrique de manière plus durable, c'est à dire sans gaspillage, sans produits toxiques et en utilisant le moins d'énergie possible, les processus ayant été optimisés au cours de l'évolution", explique pour la magazine La Croix Thibaud Coradin, directeur de recherche au laboratoire "chimie de la matière condensée" de Paris. De fait, alors que la plupart des procédés industriels nécessitent de hautes températures ou une pression élevée, les matériaux naturels se façonnent à température et pression ambiantes, d'où des économies d'énergies potentielles.

L'énergie, justement, il en est question dans les travaux de Benjamin Thiria, chercheur au sein du laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes de ParisTech. L'homme s'est mis en tête de créer des éoliennes "bio-inspirées", c'est à dire calquées sur le vol des insectes, dont les ailes subissent une déformation durant cette activité, leur permettant d'être économes de moyens. Il s'agira donc ici de rendre les éoliennes plus performantes en permettant à leurs pales de se déformer sous l'effet du vent. A la clé, des performances accrues.

Cependant, pales déformables ou non, les éoliennes telles qu'on les conçoit d'ordinaire, immenses car devant accéder à des couloirs de vent haut perchés, n'ont plus le monopole de la production d'énergie éolienne. De plus en plus, cette production est confiée à des arbres à vents, objets ayant l'apparence d'arbres, mais produisant de l'électricité lorsque courants d'air, vents coulis ou vortex s'engouffrent dans leur frondaison.

Si le déploiement de ces arbres singuliers en est encore au stade embryonnaire, il n'est pas exclu que cette invention, aussi fonctionnelle qu'esthétique, fasse très bientôt florès dans nos villes, grâce à l'appui des industriels. Sous l'impulsion de son PDG Henri Proglio, EDF par exemple n'a ainsi jamais caché son intérêt pour cette technologie. Il suffit de jeter un oeil sur le site d'EDF pulse, plateforme dédiée au progrès du producteur d'électricité, pour s'en persuader. L'arbre à vent y est partout présent.

On le voit, les applications technologiques offertes au secteur de l'énergie par une stratégie de duplication des propriétés naturelles sont potentiellement infinies. Les années à venir seront sans doute émaillées de découvertes en pagaille. Mais ces trouvailles ponctuelles ne révèleront tout leur potentiel qu'insérées dans un ensemble plus grand, un modèle holistique à même de répliquer un véritable écosystème. C'est là qu'interviennent les smart grids, dont l'utilité est particulièrement palpable en milieu urbain.

La ville de demain, un écosystème autonome

En 2012, pour la première fois, la population urbaine sur terre est devenue plus importante que la population rurale. De 13 % d'urbains en 1900 et 25 % en 1950, la planète en comptera 60 % d'ici 2030. Des données statistiques qui ne sont pas sans poser de nouveaux défis, notamment environnementaux. Il convient de repenser la ville, de la rendre durable. En gros, de rompre avec la conception d'une citée "froide", "hors sol", posée dans son milieu naturel comme un énorme plateau de verre et de béton.

Pour ce faire, on peut évidemment compter sur le développement attendu de l'urbanisme bioinspiré. On songe ici au centre commercial Eastgate de Harare, au Zimbabwe, imaginé par l'architecte Mick Pearce sur le modèle d'une termitière. Criblé de cheminées, le bâtiment est ventilé sans recours à la climatisation.

L'étude des techniques de refroidissement des plantes du désert, ou encore celle des coraux pour résoudre les problèmes de ventilation et de filtrage de l'air pollué, pourraient également s'avérer fructueuses. De même, buildings en simili bambou ou champignon ne seront peut-être bientôt plus de la science fiction. Les arbres à vent ou les éoliennes bioinspirées dont nous parlions plus haut sont quant à eux déjà plantés dans le décor.

Mais toutes ses avancées, si inspirées soient-elles, ne parviendront jamais, une fois additionnées les unes aux autres, a créer autre chose qu'un patchwork de cas isolés, si elles n'entrent pas en synergie, ne possèdent pas d'épine dorsale. Les smart grids, en améliorant l'efficacité énergétique de l'ensemble de la chaîne de production, de distribution et de consommation d'électricité pourraient bien être le "grand horloger" de ces villes intelligentes et biomimétiques.

La technologie smart grid se propose de mailler l'ensemble du réseau électrique, du lieu de production à celui de consommation, de capteurs informatiques, capables de faire remonter des informations dans les deux sens. L'idée étant d'ajuster au cordeau la distribution d'électricité en fonction des besoins de chacun afin de rendre la société moins énergivore, d'inciter les consommateurs à pratiquer l'effacement, ou encore de permettre une meilleure résilience du réseau, ainsi qu'une détection et une réparation plus rapides des pannes. Enfin, les smart grids ont également pour intérêt d'encourager un recours accru aux énergies renouvelables.

Pour autant, si des unités de production d'électricité de type "arbre à vent", intégrées à un réseau intelligent, peuvent légitimement être estampillées "biomimétisme", il semble un peu abusif de considérer l'ensemble d'un smart grid comme une reproduction d'un modèle naturel. On voit mal, par exemple, ce que cherchent à imiter des câbles ou un transformateur électriques.

Et pourtant. Il ne s'agit pas ici de considérer un réseau smart grid comme un plagiat sur le plan plastique de la nature, mais plutôt comme une modélisation de la façon dont cette dernière parvient à rationnaliser sa consommation d'énergie, ne gardant que le strict nécessaire.

Il n'est en effet pas interdit de concevoir les réseaux intelligents comme des représentations de systèmes naturels, permettant d'établir un lien entre des objets a priori déconnectés les uns des autres. En véhiculant des informations en temps réel, les smart grids imitent fidèlement un écosystème, en créant un réseau d'échange d'énergie et de matière. Ces interactions offrent une optimisation des ressources, ressources puisées, là encore à l'instar d'un écosystème, dans le biotope, c'est à dire dans l'environnement immédiat, instaurant une forme de locavorisme énergétique.

L'idée, à terme, étant d'opérer un glissement du concept d'éco-efficience à celui d'éco-bénéficience, de façon non plus à se contenter de réduire notre empreinte écologique, mais à la rendre positive. Le jour où elle y parviendra, la ville de demain, épaulée par les smart grids, pourra affirmer que son biomimétisme est abouti. La notion de développement durable aura atteint son climax.

Avis d'expert proposé par Thierry Legrand, consultant spécialisé sur les smart-grids, rédacteur en chef de les-smartgrids.fr

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3 Commentaires

Lio

Le 08/09/2014 à 11h53

S'inspirer de la nature me parait être une évidence( longtemps ignorée), la respecter serait encore plus important

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LaurentP

Le 09/09/2014 à 2h29

Lorsque Thierry Legrand nous dit "il semble un peu abusif de considérer l'ensemble d'un smart grid comme une reproduction d'un modèle naturel. On voit mal, par exemple, ce que cherchent à imiter des câbles ou un transformateur électriques.", au contraire j'ai peut etre tort mais cela me fait étonnament penser au systeme nerveux, avec ses neuro-transmetteurs etc.. Le parallele fait plus tot avec l'epine dorsale ne me parait pas si abusif non plus.

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Fleurent

Le 09/09/2014 à 20h01

Interessant mais incomplet
L'humanité n'a pu se developper réellement que lorsqu'elle a su stocker sa nourriture. Comme les fruits de la nature, et les sources naturelles la majorité des énergies renouvelables sont intermittentes et a peu près en même temps dans toute l'Europe. Parler de Smart grid autonome n'a de signification que si on met simultanément en ouvre des solutions de stockage qui ne gaspillent pas l'énergie?
Ne met-on pas la charrue avant les bœufs en oubliant le stockage qui reste une operation relativement lourde ?

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