Un décret, publié le 29 décembre au Journal officiel, introduit dans le code de l'environnement les dispositions réglementaires nécessaires à la définition et à la mise en œuvre de la trame verte et bleue. Constitue-t-il le véritable coup d'envoi de cet outil phare du Grenelle de l'environnement ?
Craintes du monde agricole
Plusieurs étapes dans la mise en place de la trame verte et bleue (TVB) avaient été franchies avant la publication de ce dernier texte. Deux décrets en date du 28 juin 2011 avaient fixé la composition et le fonctionnement du Comité national et des comités régionaux "trame verte et bleue". Le Comité national a été installé par la précédente ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, le 18 octobre 2011.
Mais alors que le décret avait été mis en consultation en novembre 2011 et que sa publication était attendue dans la foulée, il aura fallu finalement attendre plus d'un an pour le voir effectivement publié. Il faut dire que certains points d'achoppement existaient, notamment les craintes du monde agricole relatives à un empiètement des corridors écologiques sur les terres agricoles, qui ont pu contribuer à une mise en sourdine du projet durant la période électorale. Hormis certaines initiatives locales, le dispositif était donc encore en gestation.
Réservoirs de biodiversité et corridors écologiques
Au final, en quoi consiste la trame verte et bleue ? Elle est définie comme étant "un réseau formé de continuités écologiques terrestres et aquatiques". Elle constitue "un outil d'aménagement durable du territoire" et contribue à "un état de conservation favorable des habitats naturels et des espèces et au bon état écologique des masses d'eau".
Les continuités écologiques qui constituent la TVB comprennent des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques. "Leur identification et leur délimitation doivent notamment permettre aux espèces animales et végétales dont la préservation ou la remise en bon état constitue un enjeu national ou régional de se déplacer pour assurer leur cycle de vie et favoriser leur capacité d'adaptation", explique le ministère de l'Ecologie.
Un document-cadre national intitulé "Orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques" doit être élaboré par le Comité national. La loi dispose que "les documents de planification et projets relevant du niveau national, et notamment les grandes infrastructures linéaires de l'Etat et de ses établissements publics, sont compatibles avec les orientations nationales". Le décret renvoie toutefois à une loi ou à un texte réglementaire la définition des documents et projets concernés par cette obligation de compatibilité.
Schémas régionaux de cohérence écologique
Les continuités écologiques doivent être identifiées par les schémas régionaux de cohérence écologique, élaborés conjointement par les présidents de conseils régionaux et les préfets de région, en association avec les comités régionaux "trame verte et bleue". Ces schémas, soumis à enquête publique, doivent prendre en compte les enjeux nationaux et transfrontaliers identifiés par les orientations nationales.
Ils doivent comporter six éléments : un diagnostic du territoire, les continuités écologiques retenues (réservoirs de biodiversité et corridors), un plan d'actions stratégique, un atlas cartographique, un dispositif de suivi et d'évaluation, et un résumé non technique. Le contenu de ces différents éléments est détaillé dans les articles R. 371-26 et suivants du code de l'environnement.
Obligation de prise en compte
La loi prévoit que "les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme". L'articulation des documents d'urbanisme (Scot et PLU) avec la trame verte et bleue constitue un point sensible.
Cette prise en compte des schémas régionaux s'applique également aux documents de planification et projets de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et plus particulièrement aux projets d'infrastructures linéaires de transport de l'Etat.
"La question de l'opposabilité de la trame verte et bleue avait donné lieu à d'intenses débats devant l'Assemblée nationale", rappellent les députés Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier dans leur rapport d'information de février 2012 sur la mise en application du Grenelle. Les associations, FNE en tête, avaient regretté le "faible niveau juridique d'opposabilité" des dispositions relatives à la TVB. Or, le nouveau décret prévoit en outre une période transitoire pour la mise en œuvre de cette obligation de prise en compte pour les documents de planification et projets déjà lancés.
Comme le rapportaient toutefois les deux députés, pour beaucoup de parties prenantes, "la mise en place d'un instrument flexible constitu[e] un préalable nécessaire et pédagogique, avant qu'un mécanisme plus contraignant puisse être envisagé".