Pour ce dernier PREDIT, initié en 2002, la thématique « Impacts énergétiques et environnementaux des transports » a fait l'objet de 198 projets de recherche et d'innovation, pour un montant global de 15,91 millions d'euros d'aide publique, sur un total de 800 projets financés à hauteur de 360 millions d'euros par l'ADEME (l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie), le MEEDDAT et OSEO, le spécialiste des PME. Autrement dit, un quart des études ont porté sur l'environnement ! Néanmoins, seules les personnalités présentes mardi matin au cours de la table ronde intitulée « Impact des infrastructures sur les écosystèmes et paysages », se sont vraiment penchées sur le thème de la biodiversité. Représentant du ministère et rapporteur pour l'occasion, Gérard Guillaumin a d'emblée rappelé les enjeux : nous devons prendre davantage de précautions et minimiser les risques pour la nature ! . Venus rendre compte de leurs travaux de recherche, financés par le PREDIT dans le cadre du programme 2002-2007, trois ingénieurs, issus du secteur public ou privé, se sont ensuite succédés à la tribune.
Impacts et mesures compensatoires
Au cours de son intervention, intitulée « Les impacts sur la biodiversité et les écosystèmes : vers l'amélioration des connaissances sur les espèces et leurs interactions avec leurs habitats », le Docteur Claire Poinsot, du Bureau d'Étude Biotope, a d'abord dressé un diagnostic : selon que l'on soit en phase de construction, d'exploitation ou de gestion, les dégâts ne sont pas les mêmes. Dans certains cas, on observe une destruction des habitats ou diverses pollutions, dans d'autres cas on constate une propagation invasive d'espèces ou une perte d'efficacité des passages à faune par exemple. Rappelant, photos à l'appui, que de nombreux animaux étaient souvent victimes de la route, l'ingénieur a ajouté : le salage des routes nuit aussi à la faune ; la lumière, les bruits et les vibrations peuvent, elles aussi, perturber la vie animale… . Pour Pierre Skriabine, ingénieur pour la SETA, il ne faut pas tomber dans l'excès. Regrettant le manque d'intérêt suscité en général pour la défense de la biodiversité, l'intéressé déclare : certes, l'artificialisation de notre paysage fragmente le territoire. Les espèces ont donc besoin que nous limitions ces barrières. Oui aux perméabilités ! Oui aux continuités ! Toutefois, nos cerfs ne vont pas jusqu'à Moscou alors tenons compte des réalités géographiques. Un sentiment que partage, à une petite nuance près, le biologiste Philippe Thiévent. Directeur de CDC Biodiversité, une nouvelle entité constituée de 7 « synergistes » au sein de la Caisse des Dépôts, celui-ci remarque que le changement climatique pourrait bien faire évoluer de plus en plus les migrations. Soucieux de soutenir petits et grands projets, il estime par ailleurs qu'il est temps de soigner les plaies provoquées par l'artificialisation de 60 000 ha en France . Selon lui il faut mieux utiliser les crédits . Ces mesures compensatoires, le Docteur Poinsot rappellent qu'elles sont parfois aléatoires : on dépense de l'argent pour aménager certaines buses sèches mais parfois les animaux ne les voient pas et circulent, du coup, sur la chaussée ! » Comment rendre ces initiatives plus efficaces ? Ecologistes et professionnels des travaux publics n'ont pas la même culture. Il faut davantage de dialogue . Pour cicatriser les milieux, elle conclut : il faut étudier davantage le fonctionnement des écosystèmes ordinaires mais aussi certaines espèces de taxons : reptiles, insectes et chauves-souris…
Exemples étrangers
Nominée, sans être retenue mardi, pour le trophée « Impacts énergétiques et environnementaux » du PREDIT, remporté finalement par le Professeur Jaffrezo grâce à son étude « POVA : la pollution dans les vallées alpines », Ann Caroll Werquin a souhaité voir se multiplier les « ponts natures ». Directrice France du Département environnement du groupe Thalès, elle appelle la France à copier sur les Pays-Bas ou l'Angleterre par exemple : En ville, le long des grands axes, ils ont planté des haies d'arbustes. C'est le cas par exemple à la sortie de la M25 aux portes de Londres. Malgré quelques froissements de taule, le résultat est satisfaisant . Pour Sylvie Vanpeene-Bruhier, ingénieur au CEMAGREF à Grenoble, venue présenter ses études sur la périurbanisation de zones rurales : Il y a du temps perdu. Nous avons des haies naturelles en France aussi. Cependant je remarque que, soucieux d'agrandir leurs parcelles, sans même savoir les dommages qu'ils causent, les agriculteurs les cassent parfois.
Perspectives et futures études
Paysagiste, Claude Chazelle bouscule soudain les quelques visiteurs assoupis en regrettant les excès des pro environnements : Arrêtons de nous parler toujours d'impacts ! Quand on décide de construire, il y en a forcément. Aujourd'hui il y a tellement de normes que, je vous jure, le Mont St Michel ne pourrait pas être bâti ! . Pour lui, l'écologie est une utopie contemporaine mais heureuse nuance-t-il. Devant ses confrères médusés, l'intéressé enfonce le clou : L'environnement n'est qu'une mode ! Aujourd'hui les paysagistes travaillent sous le dictat des écolos. Or, si ces nouvelles préoccupations sont légitimes, il ne faut pas que le HQE devienne automatique. Nos paysages sont et resteront dessinés. C'est culturel le paysage, pas naturel !
Plus serein, Yves Luginbühl, a finalement conclu. Président du conseil scientifique du programme « Paysage et Développement Durable » au CNRS, l'intéressé dénombre quelques grands défis à relever pour le PREDIT dans les années qui viennent : D'abord, doit-on toujours raisonner en terme d'impacts ? C'est une question à laquelle il faudra répondre. Il va aussi falloir fragmenter les phases d'action : étude, réalisation, gestion des délais…et faire aussi de la prospective ! De plus, effet, sans opposer naturel et culturel pour le paysage, il va nous falloir étudier un peu mieux les paysages naturels. Tout cela, sans abandonner la recherche fondamentale ! Pour se faire, des appels d'offres vont bientôt être lancés. Une enveloppe de 300.000 à 400 000 euros devrait être dégagée pour la période 2008-2012. C'est peu mais c'est un début ! Nous verrons bien ensuite si la communauté scientifique se mobilise ou pas, explique Gérard Guillaumin, le représentant du MEEDDAT. C'est assez mal parti. Bien que partenaire, l'ADEME n'a pas daignée se joindre à cette table ronde « participative » sur la biodiversité. À suivre…