Si les ventes de véhicules électriques progressent en France, la croissance du marché n'est pas aussi forte que l'anticipaient ses promoteurs. Avec des ventes en recul de 9% sur le premier semestre de 2014, par rapport à la même période de 2013, les chiffres publiés par l'Avere-France, l'association regroupant les acteurs et promoteurs de la mobilité électrique, traduisent les débuts chaotiques de ce nouveau segment. Aujourd'hui, ce marché n'atteint pas encore 0,5% des ventes de voitures neuves en France et le parc représente environ 30.000 sur un total de 38 millions de véhicules en circulation, soit 0,08% du parc français
Joseph Beretta, président de l'Avere‐France, anticipe néanmoins que "la récente entrée en vigueur du décret harmonisant le bonus écologique devrait se traduire à l'automne en une progression significative des ventes". Cette modification, qualifiée d'"essentielle", permettra à la filière "de revaloriser les offres de location des constructeurs les plus abordables". L'adoption de la loi visant à faciliter le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public constitue un autre motif d'espoir.
Des chiffres erratiques
Premier constat, les ventes mensuelles sont extrêmement volatiles et les variations d'un mois à l'autre ne permettent pas de dégager de tendance nette. On note de brusques envolées, à l'image de la hausse de 440% enregistrée de janvier (250 ventes) à mars 2013 (1.350 ventes), suivies de baisses, à l'image de la chute de 70% en cinq mois enregistrée de mars à août (403 ventes) de la même année. Quant aux records de ventes mensuelles, ils peinent à être battus : celui enregistré en mars 2013 tient depuis 18 mois et seuls les mois d'octobre 2013 et de juin 2014 sont parvenus à s'en approcher avec environ 1.050 ventes.
Les chiffres de ventes cumulés sur douze mois, plus lisibles, traduisent néanmoins une lente hausse. Elle n'est cependant pas conforme à la croissance exponentielle attendue d'un marché en plein essor. Ainsi, les ventes sur un an sont passées d'environ 5.600 unités en janvier 2013 à quelque 8.550 ventes un an et demi plus tard. Mais, comme pour les ventes mensuelles, les chiffres alternent phases de hausse et de recul.
"Le marché grimpe doucement, mais ça va prendre du temps", résume Yoann Nussbaumer, fondateur du site Internet Automobile Propre, ajoutant que "si en 2013, les ventes ont été correctes, elles restent néanmoins limitées aux early adopter et il n'y a pas eu de contagion vers le grand public". ErDF a donc sensiblement révisé ses prévisions à la baisse : le gestionnaire du réseau électrique de distribution n'anticipe plus que 450.000 à 800.000 véhicules électriques en circulation en 2020, contre 1,9 million précédemment.
Trois modèles font la course en tête
Autre caractéristique, le gros des ventes se réduit à quelques modèles. En l'occurrence, la Zoé de Renault représente l'écrasante majorité des ventes, avec une part de marché supérieure à 60% en 2013 et proche de 50% sur le début de l'année 2014. La Leaf de Nissan et la Bluecar de Bolloré, avec respectivement de l'ordre de 16% et 7,5% de part de marché en 2013, sont les deux autres modèles qui tirent les ventes. En 2013, une petite dizaine de modèles se partageait la quinzaine de pourcents de parts de marché restante. Pour l'instant, l'année 2014 confirme cette structure de marché.
Quant aux autres modèles, les ventes dépassent rarement la centaine d'unités par an. Des chiffres anecdotiques, d'autant qu'il est difficile de faire la part entre les immatriculations "réelles" et, par exemple, l'équipement des concessions en modèles de démonstration.
Les nouveaux modèles commercialisés permettront-ils au marché de croître ou ne feront-ils que redistribuer les cartes en grignotant les parts de marché de la Zoé et de la Leaf ? "C'est la question du moment", explique Yoann Nussbaumer, signalant que l'arrivée sur le marché de la Golf électrique de Volkswagen constitue un premier test très attendu.
Quelle place tiennent les entreprises ?
Par ailleurs, Bluecar illustre une autre des particularités du marché, à savoir la place des entreprises parmi les acheteurs de véhicules électriques. Si la Bluecar est quasi-exclusivement vendue aux services d'autopartage du groupe Bolloré, il semble que parmi les autres modèles les ventes aux entreprises et services publics soient importantes.
Pour rappel, en avril 2010, l'UGAP, la centrale d'achat public, a ouvert une procédure d'achat groupé de 50.000 véhicules électriques sur quatre ans...
"Il est très difficile d'avoir des informations sur la part des achats des entreprises et services publics", rapporte Yoann Nussbaumer, qui juge cependant qu'ils représentent probablement la majorité des ventes, notamment parce que la voiture électrique représente un enjeu d'image pour les entreprises qui veulent communiquer sur leur engagement environnemental.
Autonomie et prix
Du côté des raisons pouvant expliquer ce démarrage laborieux, la faiblesse du maillage territorial du réseau de bornes de recharge est souvent citée. "La carte d'implantation des bornes en France fait peur : il y a de très gros trous", avait déploré devant les parlementaires Frédérique Massat, députée SRC de l'Ariège et rapporteure de la proposition de loi relative au déploiement du réseau de recharge.
Plus globalement, la question de l'autonomie reste problématique, notamment pour les personnes faisant régulièrement des trajets de plus de 100 km. D'autant que la recharge à domicile n'est pas simple pour les personnes habitant en copropriété. En réponse, les premiers véhicules équipés de prolongateurs d'autonomie (c'est-à-dire embarquant un petit moteur thermique) commencent à apparaître. Mais le bonus écologique est réduit à 4.000 euros…
Autre problème : le prix qui reste encore relativement cher. Malgré les aides, et notamment le bonus écologique, et les offres commerciales, telles que la location des batteries, la question du prix se pose encore. Ainsi, la Zoé coûte plus de 15.000 euros, après déduction du bonus écologique. Le retour des offres de vente en location longue durée devrait permettre de contourner cette difficulté et redynamiser le marché, selon ses promoteurs.