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AccueilYoann RouillacTrois propositions pour favoriser l'usage du vélo

Trois propositions pour favoriser l'usage du vélo

Après les années 50, l'usage du vélo a fortement décliné en Europe. Certains pays ont réagi, la France est un peu en retard. Il faut le rattraper avec une vraie politique nationale en faveur du vélo. Yoann Rouillac de la Fabrique Ecologique nous présente

Publié le 04/04/2017
Environnement & Technique N°369
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°369
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Pour chacun d'entre nous, l'usage du vélo constitue un des actes écologiques les plus accessibles, tout en ayant un fort impact à grande échelle. Une grande majorité de personnes sait faire du vélo, et beaucoup de nos concitoyens en ont déjà un dans leur garage ou leur cour. A une époque, il était signe de modernité, mais il a perdu de sa noblesse et son usage a diminué sur le long terme. Il ne représente que 3% seulement dans l'usage des différents modes de transport, alors qu'il se marie si bien avec certains d'entre eux, qu'il offre la liberté, et que davantage de personnes savent conduire une bicyclette qu'une voiture.

Pourtant en dépit de bénéfices attestés sur de nombreux plans (écologique, socio-économique, sanitaire) et d'une performance avérée sur certains trajets du quotidien, la pratique du vélo a connu un incroyable déclin après-guerre dans beaucoup de pays d'Europe. Après s'être popularisée, notamment dans les milieux ouvriers au cours de la première moitié du XXème siècle, la bicyclette a pratiquement disparu des paysages urbains et des esprits pendant les années du baby-boom. Les mobilités individuelles motorisées, sur quatre ou deux roues, favorisées par l'urbanisme, ont constitué l'incarnation du progrès et de la modernité.

Certains pays du Nord de l'Europe ont pris conscience de cet effondrement dès les années 1970, et des choix de politique publique ont permis, aux Pays-Bas, en Allemagne ou encore au Danemark, de provoquer une ré-affirmation progressive, puis une massification de la pratique du vélo au quotidien. La France (comme le Royaume-Uni ou l'Espagne) n'a pas vraiment su ou voulu provoquer ce rebond et a accumulé un retard de vingt à trente ans par rapport aux pays les plus avancés, tant dans la perception du vélo comme une mobilité efficace au quotidien, que dans les politiques publiques ou les aménagements de l'espace public. La réaction hexagonale dans la dernière décennie n'a pas encore permis de massifier le vélo.

Un vélo désirable mais des freins tenaces

En milieu urbain, dans son domaine le plus évident de pertinence, c'est-à-dire pour des déplacements de 1 à 3, voire 5 kilomètres, le vélo atteint des vitesses comparables à celles des transports motorisés, individuels (à deux ou quatre roues) ou collectifs. Les villes françaises ne sont pourtant pas encore saturées d'infrastructures cyclables – loin s'en faut – qui permettraient, par un cercle vertueux, de favoriser la mobilité cycliste, et donc d'en optimiser encore la vitesse relative par rapport aux modes carbonés.

Nombreux sont encore les obstacles à franchir pour le vélo : la pesanteur d'un urbanisme structuré autour du "tout-voiture", le sentiment d'insécurité, la peur du vol, le manque d'infrastructures pour provoquer la "sécurité par le nombre", mais aussi l'absence de stratégie nationale, l'enchevêtrement de compétences locales et nationales, des coûts localisés pour des bénéfices à une échelle plus large, le manque d'incitations pour utiliser le vélo pour se rendre au travail.

Face à ses nombreux bénéfices, mais aussi contre ses freins bien tenaces, nous avons élaborés trois propositions pour reconsidérer la petite reine comme un mode de transport à part entière. Ces propositions sont ambitieuses mais réalistes, car il nous faut une vision commune forte afin de parvenir à l'objectif, défini par le Grenelle de l'environnement, de 12,5% de part modale en 2030.

Une mission interministérielle pour l'usage du vélo

Aujourd'hui, il existe une Coordination interministérielle pour l'usage du vélo, qui manque de pouvoir et de moyens pour établir une vraie stratégie nationale. Nous suggérons donc la création d'une Mission interministérielle pour le vélo (MIV), qui aurait pour rôle principal d'être un pilote national des politiques publiques françaises en faveur du vélo. La MIV aurait un budget dédié d'environ 40M€/an, financé par une taxe sur les automobiles et motos, dans la logique des pollueurs-payeurs.

La MIV aurait pour missions de faire une veille législative et de s'assurer de la cohérence dans les textes réglementaires, de recenser les bonnes pratiques et lancer des expérimentations, de garantir les règles pour l'aménagement d'un espace public pour aboutir à un système cyclable cohérent.

La première action de la MIV sera de lancer un Programme national de sensibilisation à l'usage du vélo. A l'instar de la campagne "Manger Bouger", les professionnels du secteur seront en charge de trouver le bon angle pour aborder une communication grand public.

Un fonds d'investissement pour les mobilités actives

Les collectivités territoriales qui investissent dans l'aménagement de l'espace public en faveur du vélo ont des bénéfices d'usage auprès des habitants, mais ne bénéficient pas de retours financiers. En effet, l'entité qui bénéficie financièrement est la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), par les économies de soins de santé réalisées.

Nous proposons que la Cnam monte et gère un "Fonds d'investissement dans les mobilités actives". Ce fonds de 5 milliards d'euros financera à hauteur de 80% des projets d'aménagement locaux. Un investissement moyen de 100€ par habitant sur 20 ans permettra ainsi d'accroître théoriquement la part modale d'usage du vélo de 15%, la faisant passer de 3% à 18%.

Le "Fonds d'investissement dans les mobilités actives" lancera un ensemble d'appels à projets périodiques, auprès de consortiums de collectivités territoriales pour des projets d'aménagements cyclables et piétonniers (éventuellement complétés par des services, par exemple de formation à l'usage du vélo), à l'échelle du bassin d'emplois (pour les trajets pendulaires domicile-travail) et de la région touristique (pour les itinéraires de vélotourisme).

Un budget unique de mobilité pour les salariés

L'indemnité kilométrique vélo (IKV), mise en place début 2016, est une première étape vers l'incitation des salariés à effectuer les déplacements pendulaires domicile-travail en vélo. Cette mesure reste timide car elle est facultative et limitée à 200€ par an. Nous proposons dans un premier temps de rendre cette mesure obligatoire à toutes les entreprises et de rehausser son plafond à 400€.

Dans un second temps, afin de rééquilibrer les incitations financières d'un type de mobilité à un autre, nous proposons de réformer et unifier l'ensemble des dispositifs existants en matière de déplacements domicile-travail, pour en faire un Budget unique mobilité (BUM), indépendant du mode de transport choisi par le salarié. Le but est d'offrir un support financier équitable, tant vis-à-vis de tous les usagers que vis-à-vis de tous les modes de transport. Ainsi, les différences de coût entre différents moyens de transport ne seront plus masquées, ce qui aidera les modes les plus économes à reconquérir leur part modale légitime.

Le Budget unique mobilité sera d'un montant fixe mensuel qu'un employé peut utiliser pour financer l'ensemble de ses frais de transport, quel que soit le mode utilisé. La prime versée, d'un montant de 300€, est ainsi "découplée" du mode de transport choisi. De plus, cette mesure est socialement redistributive car elle permet de limiter l'aide aux ménages aisés, utilisant le plus souvent la voiture, au profit des ménages modestes.

Vers une mise en œuvre de ces mesures

Nous espérons sincèrement que ces trois propositions sont les prémisses d'actions beaucoup plus larges en faveur des mobilités actives, et du vélo en particulier. Nous sommes ouverts aux commentaires, afin de concevoir ensemble un système vélo que tout le monde prenne plaisir à utiliser, et ainsi dans quelques années remettre la France en selle, pour que les villes redeviennent plus apaisées, plus respirables et plus solidaires.

Avis d'expert proposé par Yoann Rouillac, président du groupe de travail "Vive le Vélo !" à La Fabrique Ecologique, président de MyWom, consultant en stratégie d'innovation.

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1 Commentaire

Agregat

Le 06/04/2017 à 10h01

Un pays en pleine dégénérescence orienté vers le vélo électrique...

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