''Rien ne permet de dire que le déclin des zones humides ait été freiné (1) de manière significative par le plan'', pointe dans son rapport le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
Alors que la feuille de route de la Conférence environnementale prévoit un nouveau plan national "zones humides" (PNZH) en 2014, la mission du CGEDD s'est penchée sur les 29 actions contenues dans le précédent plan (pour la période 2010-2013).
''Faute d'avoir pu procéder aux investigations approfondies qui auraient permis de fonder une évaluation plus rigoureuse'', elle a conduit des interviews d'acteurs publics et privés et réalisé des visites de terrain (2) dans l'Ouest et en Camargue. Autre élément limitant pour une évaluation précise, selon la mission : l'absence d'inventaire national régulièrement mis à jour.
Un constat ressort toutefois : près de la moitié des projets d'infrastructures, dont l'étude d'impact environnemental a fait l'objet d'un examen par l'Autorité environnementale, empiète sur une zone humide. ''Ceci est d'autant plus préoccupant que 60% des milieux humides sont situés dans des zones Natura 2000 dont le maintien en bon état est du ressort de chaque État-membre'', estime la mission.
Pas d'objectif global et quantifié de préservation des zones humides
Dans son rapport, elle déplore que le PNZH ne fixe pas d'objectif global et quantifié de préservation des zones humides : l'absence d'indicateurs globaux rendrait difficile un pilotage de la politique par les résultats. De plus, le plan n'afficherait pas clairement l'ambition de mettre fin dans un délai prévisible au processus d'artificialisation des zones humides. ''Un objectif qui n'est pas régulièrement suivi n'a aucune chance d'être atteint'', considère le document.
Autre critique : les pressions qui s'exercent sur les zones humides seraient inégalement prises en compte dans les objectifs du plan.
Mise à part la réduction des pressions liées à l'agriculture et le soutien aux activités agricoles adaptées aux zones humides (élevage extensif), les autres causes de déclin des zones humides sont moins clairement ciblées par le plan, selon le rapport.
Nouvelles infrastructures de transport ou d'aménagement du territoire : ces politiques, reconnues comme ayant des impacts sur les zones humides, ne seraient pourtant pas ou peu concernées par le plan, regrette le rapport. Il déplore également l'absence de portage interministériel du plan.
''En termes de leviers d'action, l'une des principales lacunes est la fiscalité : les charges pesant sur le foncier non bâti sont une forte incitation à sa mise en valeur économique'', avance le document.
Si l'accent est mis sur la préservation des zones humides les plus sensibles, les zones humides ordinaires souffrent d'une insuffisance de leviers d'action, estime le rapport.
1% de la surface des zones humides acquis par les agences de l'eau
Les agences de l'eau ont acquis et gèrent près de 20.000 hectares de zones humides sensibles. Cela représente environ 1% de la surface totale des zones humides. ''En termes de fonctionnalités hydrologiques, notamment, toutes les zones humides, même celles de taille modeste, sont importantes, rappelle le document, au regard de ce constat, force est de constater que les actions du plan paraissent peu susceptibles par elles-mêmes de freiner la dégradation de ces milieux plus banalisés''.
Agriculture, urbanisme, prélèvements de granulats, évaluation environnementale et fiscalité : dans les secteurs qu'elle considère comme prioritaires, la mission a formulé différentes préconisations pour améliorer la protection des zones humides.
Elaborer des chartes de territoires de manière concertée et opposable
Parmi les principales mesures qu'elle liste, figure l'élaboration concertée de chartes de territoires opposables à l'ensemble des acteurs par une structure maître d'ouvrage.
''Ces chartes doivent être suffisamment précises pour permettre aux agriculteurs de bénéficier d'un cadre de travail stable et durable'', précise la mission.
Elle souhaite également qu'avant le 1er janvier 2014 soient identifiés et quantifiés les territoires (en particulier les zones humides) dans lesquels les agriculteurs seraient susceptibles de bénéficier de paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles.
Pour elle, il est également important de répertorier ''le plus exactement possible'' les territoires offerts à la compensation de la destruction des zones humides.
Concernant les professionnels de l'extraction des granulats, elle propose de réévaluer l'objectif de production de granulats recyclés dans le prochain plan avec chiffrage d'un indicateur de performance.
Le recours à des granulats recyclés permet en effet d'amoindrir les pressions de l'extraction sur les zones humides. Aujourd'hui le recyclage représente 6% du total des granulats alluviaux (21 millions de tonnes). Par un engagement pris auprès du ministère chargé de l'environnement en 2009, la profession vise le doublement de ce tonnage d'ici 2014.
Pour faciliter leur identification et leur protection, la mission propose d'assurer la reconnaissance juridique des zones humides dans le code de l'urbanisme sous forme de zonage spécifique dans le plan local d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT).
Elle souhaiterait que tout projet impactant une zone humide soit soumis à l'avis préalable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Pour elle, dans le code de l'urbanisme, il pourrait être instauré au bénéfice des zones humides, un classement spécifique, à l'instar de celui qui existe dans le code de l'urbanisme en faveur des espaces boisés (par les articles L. 130-1 et suivant du même code).
Vers une exonération des travaux de restauration des zones humides ?
Il faudrait également, selon la mission, ''examiner la possibilité de faire converger la fiscalité des zones humides sur celle des bois et forêts et, en particulier, de permettre l'exonération des travaux de restauration des zones humides sur les mêmes bases que ceux qui sont réalisés en forêt''.
Pour un pilotage national de la politique des zones humides, il semble capital, selon le rapport, de préciser les fonctionnalités d'un système d'information. ''L'administration en charge de la politique des zones humides devra notamment fixer un cahier des charges à respecter par les inventaires locaux (cadre de description, modalité de recueil des données, périodicité) et inciter les acteurs locaux à s'y conformer'', précise le document.
Pour la mission, le nouveau PNZH devra être programmé pour une durée plus longue que le précédent. Il nécessite enfin des objectifs quantitatifs et un calendrier d'atteinte échelonné.