Quelle est la part de la biomasse dans les déchets incinérés ? En d'autres termes, quelle est la production renouvelable des unités de valorisation énergétique ? L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade) et le Syndicat national des bureaux d'études en environnement (SN2E) ont voulu avoir une vision précise en mesurant directement le CO2 biogénique émis par 11 installations. A l'occasion du colloque sur la valorisation énergétique organisé par l'Ademe à Strasbourg (Bas-Rhin), ils ont dévoilé les premiers résultats de leur programme de recherche (MassBio) : la part de l'énergie renouvelable issue de la biomasse serait de l'ordre de 60 %.
Datation au carbone 14
Actuellement, la moitié de l'énergie produite par un incinérateur est considérée comme renouvelable. Cette proportion est fixée par la réglementation européenne et découle essentiellement d'études de caractérisation des déchets. Pour affiner cette valeur, les trois partenaires ont décidé de conduire une
Concrètement, la campagne de mesure, qui a débuté à l'été 2018 et se poursuit jusqu'à l'été prochain, s'appuie sur des prélèvements en continu des fumées d'incinération. L'objectif est de dater au carbone 14 le CO2 prélevé afin de distinguer le carbone biogénique du carbone fossile. Plus la part de l'isotope 14 du carbone composant le CO2 est faible, plus la matière brûlée est ancienne. En l'occurrence, et compte tenu des pas de temps de cette méthode de datation, cela permet de distinguer la part du CO2 liée à la combustion de biomasse de celle liée à la combustion d'énergie fossile (essentiellement la part des plastiques).
50 à 65 % de biomasse
Premier constat, les résultats montrent que la fraction biomasse est à l'origine de 50 à 65 % du CO2 émis. Ce résultat est globalement cohérent avec les derniers résultats de l'étude de caractérisation des ordures ménagères (Modecom) de l'Ademe qui évalue à 65 % la part de biomasse dans les ordures ménagères résiduelles (OMR). Les variations proviennent essentiellement des différences d'approvisionnement : un incinérateur alimenté à 90 % d'OMR affiche un taux de CO2 compris entre 50 et un peu moins de 65 %, alors qu'un autre alimenté à 86 % d'OMR affiche une plus grande variation saisonnière (de 50 à plus de 70 % de CO2 biogénique). A ce stade, l'étude montre aussi que la saisonnalité peut faire progresser ou reculer de 15 % le taux de carbone biogénique, explique l'étude. Quant à l'unité CSR de Changé, elle affiche un taux de 75 à 90 % de carbone biogénique. Ce n'est pas une surprise, puisque les déchets utilisés par cette unité de combustion de CSR sont en grande partie des bois de classe B (2) .
L'étude déduit de ces premiers résultats que la part d'énergie renouvelable tirée de l'incinération serait supérieure au taux de 50 % retenu aujourd'hui. Elle se situerait entre 45 et 70 %, selon les installations et les périodes considérées. En s'appuyant sur une valeur de 65 % de contenu biogénique, établie à partir des chiffres de l'incinérateur de Monaco (pris comme unité de référence), 60 % de l'énergie produite pourrait être considérée comme renouvelable. La chaleur produite aurait alors un contenu CO2 de 131 g de CO2 par kilowattheure et 60 % de l'électricité produite pourrait bénéficier de garanties d'origine… Bien sûr, il conviendrait de suivre en continu la part du carbone biogénique des installations pour envisager de recourir à des garanties d'origine. L'étude montre aussi que l'incinération de déchets émet environ 375 kg de CO2 d'origine fossile par tonne de déchets. Des émissions de gaz à effet de serre qui pourraient être soumises à un prix du carbone.
Enfin, ces chiffres ne sont pas immuables. L'extension et une meilleure application des consignes de tri devraient impacter la composition des OMR. Le plastique devrait être moins présent (amélioration de la collecte sélective). De même, la part de biomasse pourrait varier si la collecte séparée des fermentescibles se généralise.