Avec le coût de l'énergie à la hausse et les nouvelles réglementations (RE 2020, décret Bacs) relatives à la bonne marche de la transition énergétique dans le secteur tertiaire, le marché de l'emploi voit réapparaître des profils spécialisés dans l'optimisation des dépenses énergétiques du bâtiment. De la mise en conformité avec le décret Tertiaire à l'élaboration de plans d'action de performance énergétique, en passant par le pilotage des usages grâce à la gestion technique du bâtiment (GTB) et le positionnement de capteurs adéquats, les missions de l'energy manager font appel, selon les postes, à des profils d'ingénieur thermicien, d'expert de la donnée ou de spécialiste des marchés de l'énergie. Petit panorama non exhaustif.
Reprendre la GTB en main
Sur la surface de vente sont installés en moyenne trois capteurs. Dans la zone de réserve et dans les locaux sociaux (salle de pause, vestiaires, etc.), éventuellement une sonde. « Le travail d'un energy manager dans une surface de vente revient à essayer de réguler la température d'un appartement dont la porte d'entrée serait continuellement ouverte », résume Bastien Nowak. Trouver le bon emplacement pour les sondes fait aussi partie des compétences de l'energy manager. « Les sondes de chauffage ventilation climatisation (CVC) sont souvent placées trop prêt des équipements qui les utilisent pour avoir un système de référence. Nous recevons leurs informations via la GTB, mais nous ne les prenons pas en compte dans la régulation effectuée. La hauteur de nos sondes et leur positionnement permettent d'éviter le biais que peut occasionner par exemple un appel d'air. Leur multiplication permet de croiser les valeurs, et d'obtenir des moyennes avec lesquelles il est possible de travailler pour faire des analyses prédictives. »
Naviguer au sein des marchés de l'énergie : une autre casquette de l'energy manager
Selon les entreprises, le terme d'energy manager ne va pas forcément recouvrir les mêmes missions. En témoigne l'ouverture en 2007 du mastère (label de grandes écoles, à la différence du master, grade universitaire) spécialisé en management des marchés de l'énergie, pour former de nouveaux profils aux risques et opportunités de la libéralisation du marché de l'électricité. Cette formation en un an regroupe depuis sa création 30 personnes par promotion, qui pourront prétendre ensuite à des postes d'energy manager centrés sur ces sujets. La formation a pour objectif de fournir un socle de connaissances sur l'organisation du secteur de l'énergie électrique et de ses marchés associés, mais aussi de donner des outils d'ingénierie d'affaires pour le développement de projets centrés sur l'énergie renouvelable. « Nous formons des jeunes diplômés et des profils avec vingt ou trente ans d'expérience. La plupart sont issus d'écoles d'ingénieurs. Mais nous avons aussi des profils commerciaux et issus de Sciences po », précise Marc Petit, enseignant-chercheur à CentraleSupélec et responsable scientifique du mastère.
Une des missions de Bastien Nowak sera aussi de traquer les dérives de consommation et de les résoudre. « Je me souviens d'un système de chauffage ayant comme consigne un réduit nocturne à 16 °C. Après analyse, nous avons constaté que la combinaison de l'arrêt de ce réduit et d'un allumage anticipé du chauffage permettait de faire des économies d'énergie. » Une expertise qui va un cran au-dessus d'une simple activité d'audit énergétique - débouché professionnel vers lequel certains de ses collègues de promotion se sont dirigés.
À tout energy manager en devenir, Bastien Nowak conseille de cultiver son leadership. « Le métier demande de travailler avec diverses parties prenantes, des techniciens aux dirigeants. Il faut être capable d'expliquer des concepts techniques de manière claire et convaincante, mais aussi de mobiliser les équipes autour d'objectifs énergétiques communs. »
Trouver des indicateurs parlants
De son côté, Blaise Hamanaka est sorti de l'école des Mines en 2010, muni d'un diplôme d'ingénieur généraliste, et d'une bonne culture générale dans le domaine de l'énergie. Sa première expérience professionnelle s'est déroulée dans l'exploitation et la maintenance d'une installation nucléaire. « J'y ai travaillé des questions de rendement et d'analyse, que je retrouve dans mon poste actuel d'energy manager », explique-t-il. Ensuite, il est entré dans une société accompagnant les grandes entreprises dans la numérisation de leur process (RH, énergie, etc.). « Une bonne compréhension du numérique est essentielle à tout energy manager. J'ai commencé à la cultiver là-bas. »
Blaise Hamanaka travaille maintenant comme energy manager dans une structure éditrice de logiciels. Vingt energy managers y sont employés avec pour objectif de fournir aux clients en amont une vision de leur consommation d'énergie qui fasse sens en fonction de leur activité. « Je pense à un client en restauration collective pour lequel nous avons élaboré un indicateur relatif au nombre de repas servis par jour », explique-t-il. En fonction de cet indicateur, le logiciel développé en interne valorise les données multifluides et propose des pistes d'optimisation énergétique. « Nous analysons les flux d'électricité et de gaz, mais aussi d'eau ! Par exemple, les hôpitaux et les maisons de retraite possèdent souvent une salle de bain et un WC dans chaque pièce. Une spécificité qui demande un suivi fin des dépenses d'eau. »
À ses futurs collègues, Blaise Hamanaka conseille de cultiver leur curiosité intersectorielle. « Le métier est à la lisière entre une multiplicité de secteurs. Il faut maîtriser l'analyse de l'énergie, mais aussi comprendre finement chacun des secteurs d'activité de nos clients. Dans nos interactions, il faut privilégier la pédagogie, pour que nos propositions d'optimisation énergétique ne soient pas perçues comme des critiques de leur travail. Tout ça nécessite de se former et de se tenir informés ! »