Ecotaxe : une modulation en Bretagne
Mais le 6 janvier, face à la colère des industriels, pêcheurs et notamment des transporteurs bretons qui soulignent que leur région contribuerait trois fois plus que la moyenne nationale, le Ministre en charge du Développement Durable, Jean-Louis Borloo a annoncé une modulation de l'éco-redevance sur le territoire de la région Bretagne. En effet, au motif du désenclavement, la Bretagne n'a pas d'autoroutes concédés, mais dispose d'un réseau gratuit de routes à quatre voies.
Le Ministre a donc clairement opéré un revirement : le 16 décembre dernier, il avait indiqué que la région, malgré son éloignement, n'obtiendrait ni exemption ni modulation de l'écotaxe pour la totalité de son réseau routier, en réponse à une question écrite du député du Finistère Gilbert Le Bris (PS). La Commission européenne (..) ne pourrait accepter des mesures de modulation locale qu'à la condition que la France puisse lui prouver que les territoires concernés souffrent d'un handicap avéré d'accessibilité, avait souligné le ministre dans sa réponse publiée au Journal officiel. Or, selon les simulations gouvernementales, en Bretagne, seul le Finistère présenterait une accessibilité aux richesses du coeur de l'Europe sensiblement inférieure à la moyenne nationale, avait-il précisé.
Mais suite à ces déclarations, le président du Comité régional des pêches de Bretagne, André Le Berre, est intervenu pour demander au gouvernement de revenir sur sa décision de ne pas exempter la région Bretagne de l'écotaxe kilométrique. De son côté, le député Gilbert Le Bris avait également adressé un courrier au Premier Ministre François Fillon sur ce sujet mettant en exergue la spécificité de la Bretagne.
Il semble donc que ce soit sous la pression que, Jean-Louis Borloo ait plié et indique aujourd'hui qu'il existera bien une modulation de l'éco-redevance sur le territoire de la région Bretagne. Deux aménagements tarifaires figurent désormais dans la loi. En premier lieu, les itinéraires sur lesquels le niveau de trafic poids lourds est actuellement particulièrement bas seront expressément exclus du champ d'application de l'éco-redevance, exemple la route nationale 164, selon un communiqué de M. Le Bris faisant part des nouvelles explications du Ministre. Ensuite, il existera un abattement de 25 % sur les taux kilométriques prévus pour les départements métropolitains classés dans le décile le plus défavorisé selon leur périphéricité au sein de l'espace européen. Les premières simulations montrent que le département du Finistère devrait faire partie des dix départements concernés par cet abattement, a ajouté M. Borloo.
Par ailleurs, le Ministre a annoncé que la mise en place de l'éco-redevance entre dans sa phase technique, les travaux vont se poursuivre, notamment sur la définition du réseau taxable et sur la mise en œuvre de la modulation tarifaire pour les départements périphériques, et que les élus concernés seront étroitement associés à ces travaux.
Colère des associations environnementales
Cet accord consensuel ne manque pas de mettre les associations écologistes en colère. Cette éco-taxe, compte en effet parmi les mesures phares et particulièrement symboliques du Grenelle. Rappelons que dès les premiers jours de débat de la loi des finances 2009, les associations environnementales avaient fait part de leur crainte au regard des nombreux amendements déposés par les parlementaires sur cette mesure. Plusieurs amendements prévoyaient en effet de réduire le montant de la taxe et de la relever aux véhicules de plus de 12 tonnes contre 3,5 tonnes dans le projet de loi initial.
Aujourd'hui pour Daniel Piquet-Pellorce, administrateur de l'association Bretagne Vivante, s'il est vrai que la Bretagne occupe une position géographique particulière, elle a bien plus à gagner à se mettre au premier rang pour les investissements concernant la navigation et le fret ferroviaire qu'à s'opposer à l'écotaxe. […] Il est temps d'offrir des transports combinant activités portuaires, régionales et ferroviaires pour acheminer plus rapidement les containers qui aujourd'hui arrivent au Havre ou au-delà, encombrant la voie déjà saturée de la Manche, a-t-il poursuivi.
Au regard de l'ampleur des impacts du transport routier sur l'Environnement, la fédération France Nature Environnement (FNE) considère quant à elle que l'heure n'est plus aux exceptions corporatistes […] Comme les autres acteurs de la société civile, le transport routier, doit contribuer à la réduction des émissions de GES.
Des faveurs accordées aux poids lourds, gros émetteurs de GES
En effet, le secteur des transports routiers représente en France 35% des émissions totales de CO2 dont 8,7% pour les poids lourds. Il concerne 37.000 entreprises et 450.000 véhicules de plus de 3,5 tonnes. Les poids lourds constituent ainsi depuis de nombreuses années ''le maillon central'' du transport de marchandises en assurant 80 % des échanges commerciaux. Pourtant, avec une consommation annuelle de 10 milliards de litres de gazole, les impacts environnementaux et énergétiques du secteur sont colossaux.
Selon une étude publiée le 12 janvier par Transports et Environnement (T&E), la Fédération Européenne pour le Transport et l'Environnement à laquelle adhèrent en France, la Fédération Nationale des Associations d'Usagers de Transport (FNAUT) et FNE, les émissions de CO2 générées par le fret routier européen devraient augmenter de 54% à l'horizon 2030.
Le rapport, établi par le consultant hollandais CE DELFT, démontre aussi que les poids lourds sont responsables de 20% de la congestion routière alors qu'ils ne représentent que 3% des véhicules routiers en Europe, selon TREMOVE, le modèle européen d'évaluation de la politique des transports.
D'après FNE, une mise à jour de la législation sur la taxation des poids lourds est actuellement en cours dans le processus législatif européen, avec un vote du Comité Transport du Parlement Européen prévu le 21 janvier. Mais, de façon incompréhensible, la taxation des émissions de CO2 et des accidents routiers a été exclue de la proposition législative par la Commission Européenne, a précisé la fédération. T&E en appelle aux états membres et au Parlement Européen pour revoir cette position et autoriser les états membres à répercuter la totalité des coûts externes sur le secteur.