Crise sanitaire et économique oblige, c'est un deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR2) que le Parlement a dû adopter ce jeudi 23 avril. Au final, que contient ce texte en matière de contreparties environnementales demandées aux entreprises aidées ? Une question qui a suscité de nombreux débats et critiques, certains parlementaires et des ONG estimant que l'État ratait là l'occasion d'exiger un engagement ferme des entreprises en matière climatique.
La loi adoptée donne le feu vert au Gouvernement pour engager 20 milliards d'euros afin de renforcer les ressources des entreprises « présentant un caractère stratégique jugées vulnérables ». Aucune liste des entreprises concernées n'a été publiée mais elle devrait concerner des entreprises en difficulté comme Air France, Renault ou Vallourec. Alors que certains parlementaires, à l'instar de Matthieu Orphelin à l'Assemblée ou de Joël Labbé au Sénat, avaient demandé un engagement ferme des entreprises sur une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la majorité a opté pour une disposition beaucoup plus molle.
« Pas de sanction d'une obligation très imprécise »
Suite à l'adoption de l'amendement de la députée Bérangère Abba et du groupe LReM, la loi prévoit que l'Agence des participations de l'État (APE) veille à ce que ces entreprises « intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ». « Juridiquement, cet amendement ne sert strictement à rien et c'est du reste pour ça qu'il a été voté », avait réagi l'ancienne ministre de l'Environnement Corinne Lepage, lors du vote le 18 avril.
L'avocat Arnaud Gossement avait, quant à lui, fait une analyse beaucoup plus nuancée. « Verre à moitié plein : la loi donne une valeur au volet RSE (1) de la doctrine de l'APE (…). Verre à moitié vide (…) : rien de contraignant sur le plan du droit et pas de sanction d'une obligation très imprécise ». En tout état de cause, pour l'avocat, l'amendement de Bérangère Abba ouvre le chantier du référentiel appliqué par l'APE, qui pourrait être le programme ACT (2) piloté par l'Ademe (3) .
Le Haut Conseil pour le climat chargé d'un avis
Jeudi 23 avril, quelques garanties supplémentaires ont toutefois été ajoutées dans le texte lors de son examen en commission mixte paritaire. Le rapport, que le Gouvernement a pour tâche de remettre d'ici un an au Parlement, doit évaluer la compatibilité de la stratégie des entreprises contrôlées par l'État avec la stratégie nationale bas carbone et les grands objectifs de la politique énergétique de la France. Le Haut Conseil pour le climat est chargé de rendre un avis sur ce rapport, en particulier sur la méthodologie utilisée. De plus, le ministre de l'Économie devra informer les commissions des finances des deux assemblées des opérations d'investissement de plus d'un milliard d'euros. Cette information ne sera toutefois pas rendue publique.
Matthieu Orphelin n'y voit là que des « micro-avancées » malgré les recommandations du Haut Conseil pour le climat qui, dans un rapport publié la veille de l'adoption de la loi, recommande de conditionner les aides publiques aux secteurs sinistrés à des plans précis en faveur du climat.
« Ma préoccupation, c'est que notre économie puisse redémarrer en garantissant une croissance durable. La relance économique doit être verte, respectueuses de l'environnement », a pourtant assuré le ministre de l'Économie jeudi 23 avril, alors qu'était révélé un courrier du Medef demandant au Gouvernement un allègement des contraintes environnementales. Reste à voir si le dispositif voté dans la loi permettra de garantir cet engagement.