Bruxelles souligne que la culture de la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora, renforcée en amylopectine, est destinée à l'usage industriel pour son amidon, comme la production de papier, et à l'alimentation animale. ''La décision d'autorisation de culture d'Amflora marque la fin d'une procédure entamée en Suède en janvier 2003 et repose sur une somme considérable de connaissances scientifiques rigoureuses'', a expliqué la Commission dont c'est le premier feu vert à une nouvelle culture OGM depuis 1998, date de l'autorisation du maïs MON810 de l'américain Monsanto.
''La décision prévoit des conditions de culture strictes afin d'éviter que des pommes de terre transgéniques ne soient laissées dans les champs après la récolte et que des graines d'Amflora ne soient répandues accidentellement dans l'environnement'', a précisé l'exécutif européen. ''Les produits dérivés de l'extraction d'amidon utilisés comme aliments pour animaux font l'objet d'une autorisation complémentaire'', a-t-il ajouté.
Risques autour du gène
La Commission rappelle également que l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait émis un avis favorable sur cet OGM le 11 juin dernier. ''La présence d'un gène marqueur de résistance aux antibiotiques dans l'amidon de pomme de terre génétiquement modifiée (…) a été examinée avec la plus grande attention'', a assuré Bruxelles.
Mais si la France a, depuis 2008, interdit la culture du maïs OGM MON810 au nom du principe de précaution, le gouvernement suspend pour l'heure sa décision concernant l'Amflora à l'avis du Haut conseil des biotechnologies (HCB). ''La France attendra l'avis du HCB pour arrêter sa position'', ont déclaré les ministres du Développement Durable et de l'Agriculture, alors que la Commission doit soumettre d'ici l'été une proposition visant à laisser aux Etats-membres ''plus de latitude pour décider de cultiver ou non des OGM''.
Officiellement, ''d'une façon plus générale, la France souhaite qu'il n'y ait plus d'autorisation d'OGM sans le renforcement de l'expertise scientifique communautaire, en application des conclusions adoptées à l'unanimité par les Etats membres, lors du Conseil européen des ministres de l'Environnement du 4 décembre 2008'', ont souligné les ministres.
MM. Borloo et Le Maire ont également rappelé que la décision de la Commission d'autoriser la culture de la pomme de terre OGM suit ''la procédure normale prévue par la réglementation, à la suite de l'absence d'accord politique entre les Etats membres sur ce dossier, lors de la session du 16 juillet 2007 du Conseil agriculture''.
Ces nouvelles autorisations d'OGM dont celle de la culture de la pomme de terre de BASF, ont été dénoncées par les députés européens écologistes et les associations environnementales qui demandent au gouvernement français de ''faire jouer la clause de sauvegarde''. ''La France a le droit et le devoir de mettre en place une nouvelle clause de sauvegarde sur la culture de cette pomme de terre sur son territoire'', a déclaré hier Sarah Pecas, chargée de campagne OGM pour Greenpeace après avoir rappelé que ''depuis six ans, l'innocuité de cette pomme de terre fait l'objet de controverses scientifiques''. Pour Greenpeace, la pomme de terre de BASF, qui contient un gène de résistance à certains antibiotiques, présente un risque ''pour la santé humaine et animale''. L'organisation s'inquiète également des risques de dissémination du gène sur les autres plantes dans la nature. ''Disséminer des OGM de la pomme de terre BASF dans l'environnement pourrait augmenter la résistance de certaines bactéries à des médicaments, comme des traitements contre la tuberculose'', selon Greenpeace.
La ''fiabilité'' des études scientifiques et de l'EFSA a aussi été critiquée : l'eurodéputée Corinne Lepage a dénoncé un manque de ''traçabilité'' et mis en cause l'Agence européenne de sécurité des aliments, qui ''reconnaît des effets statistiquement significatifs sur la santé mais n'en tire pas de conclusions''. Lylian Le Goff, co-responsable de la Mission Biotechnologies de France Nature Environnement (FNE) ''ne voit pas comment l'EFSA pourrait émettre des avis fondés scientifiquement'', ni ne peut ''admettre que la Commission européenne puisse autoriser des produits dont l'innocuité n'est pas démontrée (au risque statistique près)'', estime-t-il dans un communiqué en soulignant que ''l'EFSA n'a pas changé ses méthodes d'évaluation ni sa façon de fonctionner''. FNE a d'ores et déjà annoncé qu'il allait demander ''une enquête parlementaire européenne sur le fonctionnement de l'EFSA et la validité de ses avis''.
De son côté, BASF a précisé hier dans un communiqué qu'il comptait cultiver dès cette année la pomme de terre OGM Amflora ''destinée aux pays qui sont d'ores et déjà prêts à l'utiliser'', citant la Suède, les Pays-Bas, la République tchèque et l'Allemagne. Le groupe ''n'a pas prévu, à ce jour, de la proposer aux industriels français et souhaite tenir compte des particularités et des demandes de chaque pays''.