Alors que la ville de Paris a publié en 2007 ses cartes du bruit, réalisées par modélisation à partir de données du trafic routier et de topographie, BruitParif a souhaité réaliser une campagne de mesure d'un mois, en 2009, afin de comprendre les variations temporelles du bruit, le lien entre bruit et conditions de circulation, mais aussi de mesurer les résultats des mesures d'atténuation. L'association publie une synthèse présentant ses principales conclusions : "Un constat s'impose : pour les riverains exposés en façade du boulevard périphérique, il n'y a jamais de répit, ni la nuit, ni le week-end, ni même pendant les vacances scolaires durant lesquelles nous n'avons enregistré qu'une diminution de 1 dB(A) en moyenne".
Etude qualitative du bruit
Le niveau de bruit dépendrait du débit et de la vitesse des véhicules. "A vitesse constante, un doublement du débit engendre donc théoriquement une augmentation du niveau sonore de 3 dB(A). A débit constant, une division de vitesse par deux apporte une réduction du bruit de 6 dB(A)". L'analyse précise des données a permis à BruitParif de vérifier en pratique les liens entre trafic et conditions de circulation. Logiquement, "les situations les plus bruyantes correspondent à des configurations de trafic présentant simultanément des débits et des vitesses importants. [A contrario,] le bruit a plutôt tendance à diminuer lors des situations de saturation". Plus surprenant, la période située entre 5h et 7h du matin est particulièrement bruyante, une situation liée à la vitesse élevée des véhicules et à une plus forte proportion de poids lourds et de véhicules utilitaires.
Une étude de la circulation au niveau de la porte de Saint-Mandé chiffre ces différences. Ainsi, en période de trafic dense et fluide, en début d'après-midi par exemple, le niveau moyen sonore excède de 6,5 dB(A) les niveaux observés pour les heures de pointe et le cœur de la nuit. Lorsque le trafic est saturé, "le bruit moyen est quasiment égal au niveau observé dans la situation la moins bruyante en cœur de nuit alors que le nombre de véhicules est presque huit fois plus important".
L'analyse met en évidence également les émergences (véhicules bruyants, avertisseurs sonores mais aussi passage de véhicules isolés sur une contre-allée ou bretelle du périphérique), qui dépassent de plus de 10 dB(A) le bruit de fond de la circulation. Ces émergences peuvent atteindre jusqu'à 25 dB(A) au cœur de la nuit, lors du passage d'un deux-roues ou d'une vitesse excessive.
Solutions pour atténuer le bruit
BruitParif a également pu vérifier l'efficacité des mesures d'atténuation du bruit. Ainsi, les sites sans écran acoustique dépassent les valeurs limites réglementaires du bruit, alors que deux sites sur trois équipés de telles protections phoniques se situent en dessous de ces seuils. "En moyenne en effet, les écrans apportent un gain d'environ 7 dB(A),gain moindre que dans la théorie mais néanmoins fort appréciable lorsque l'on sait qu'une baisse de 10 dB(A) correspond à une division par deux de la sensation auditive (« le bruit paraît deux fois moins fort »)", indique BruitParif. Cependant, tempère l'association, cette protection ne bénéficie qu'aux étages inférieurs des immeubles. Elle préconise donc d'améliorer l'isolation acoustique des façades.
Autre mesure d'atténuation : les enrobés phoniques de dernière génération. "Pour des vitesses de circulation situées autour de 50 km/h, le gain que l'on peut espérer obtenir en changeant les revêtements devrait se situer autour de 2 à 3 dB(A)". Afin de vérifier l'efficacité et la tenue dans le temps d'un tel dispositif, la ville de Paris expérimente depuis cet été, sur une portion de 200 m du périphérique, une nouvelle génération d'enrobé acoustique.
Mais la mesure la plus efficace reste la diminution du bruit à la source, en réduisant la vitesse de circulation, notamment la nuit, note BruitParif. L'association préconise d'abaisser la limite de vitesse autorisée de 80 km/h à 50 km/h, "ce qui pourrait théoriquement se traduire par une baisse d'environ 3 dB(A) des niveaux sonores nocturnes". Cela permettrait de réduire de 26% le nombre de personnes exposées à des niveaux sonores nocturnes supérieurs à la valeur limite. L'association préconise également de diminuer le nombre de poids lourds en circulation : "Une division par deux du taux de poids lourd et de véhicules utilitaires circulant sur le boulevard périphérique se traduirait théoriquement par une baisse du bruit de l'ordre de 1,5 dB(A) en moyenne, voire 2 dB(A) pour les heures de fin de nuit où le taux de PL et de VUL semble particulièrement important".
Liens entre pollution de l'air et bruit
Abaissement de la vitesse de circulation, limitation des poids lourds… Les mesures préconisées par BruitParif sont les mêmes que celles envisagées par la ville de Paris pour réduire la pollution atmosphérique autour du périphérique. Pour autant, les émissions sonores ou atmosphériques n'ont "pas nécessairement de corrélation temporelle", estime BruitParif, après avoir comparé, sur deux sites, ses données avec les mesures d'AirParif : "C'est généralement en période de pointe de trafic que la qualité de l'air est la plus dégradée (pour les indicateurs oxydes d'azote et particules) alors que les niveaux sonores ont tendance quant à eux à être plus élevés lorsque le trafic est moindre mais que la vitesse de circulation est plus élevée (cas des créneaux 6-7h, 11-12h et 20-23h)".
BruitParif et AirParif ont cependant lancé cet été un observatoire air/bruit/trafic afin de croiser les données et de préconiser des mesures d'atténuation efficaces pour ces deux types de nuisances.