L'introduction d'une composante carbone dans la fiscalité française, qui vise à moins taxer le travail et davantage les émissions de CO2, a été actée par le vote de la loi de finances pour 2014. Elle aura pour conséquence une hausse progressive du prix des énergies fossiles.
Le Comité pour la fiscalité écologique (CFE), présidé par l'économiste Christian de Perthuis, s'est penché sur les mesures de compensation qu'il serait souhaitable de mettre en œuvre pour les ménages. Il a adopté lors de sa réunion du 13 février 2014 un avis sur cette question, qui n'a toujours pas été rendu public à la date de publication du présent article. Il revient maintenant au Gouvernement dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2015, puis au Parlement dans le cadre de sa discussion, d'examiner les propositions émises.
Un surcoût de 98 euros par ménage
Selon les chiffres provisoires du Commissariat général au développement durable (CGDD), basés sur les consommations d'énergie de 2005 (2007 pour les carburants), le surcoût moyen lié à cette fiscalité carbone serait de 98 euros par ménage en 2016 : 57 euros du fait de l'énergie pour le logement et 41 euros de l'énergie pour le transport. "Ce renchérissement n'intègre pas les changements de comportement des ménages face au signal prix", souligne toutefois le projet d'avis.
"La montée en puissance de la composante carbone aura des effets contrastés sur les ménages", relève le document. Ses effets seront différents selon la catégorie d'énergie consommée et selon les catégories de ménages considérées. Le surcoût sera plus élevé pour les ménages se chauffant au fioul que pour ceux utilisant le gaz naturel de réseau. "En l'état actuel du tarif électrique de détail, les consommations d'électricité au détail ne seraient pas affectées", indique le projet d'avis.
"Les ménages ruraux utilisant le fioul et le gaz naturel subissent un surcoût plus élevé que les ménages urbains", précise le texte, qui relève également que le surcoût pèse plus, en proportion, sur les ménages à bas revenu. "Cette fiscalité anti-redistributive pèse le plus sur les ménages les plus modestes, dont les comportements sont les plus contraints", dénonce Pierrette Crosemarie, conseillère pour les questions de développement durable à la CGT, qui plaide pour un réexamen d'ensemble de la fiscalité des ménages.
Ne pas supprimer l'effet incitatif de la taxe
Au final, le produit de la contribution carbone est estimé à 4 milliards d'euros en 2016, dont 3 milliards seront redistribués aux entreprises dans le cadre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et 700 millions d'euros financeront la réduction du taux de TVA applicable aux travaux de rénovation énergétique des logements. Resteraient donc 300 millions pour financer les mesures de compensation destinées aux ménages.
"Les entreprises s'en sortent très bien", réagit la représentante de la CGT, qui met en perspective les 3 milliards redistribués aux entreprises "sans aucune contrepartie" et les 700 millions accordés en compensation aux ménages, alors que ces derniers contribueront à hauteur de 2,6 milliards au produit de la taxe. Le son de cloche est tout autre du côté du Medef qui, avec la CGPME et la FNSEA, ont voté contre l'avis déplorant l'absence de mesures de compensation pour les entreprises.
"Trois scénarios de redistribution ont été envisagés", indique Katheline Schubert, Professeur d'économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a présenté le projet d'avis devant le CFE. Cette redistribution peut être ciblée sur les bas revenus. Elle peut aussi être liée à la lutte contre la précarité énergétique. Elle peut enfin être ciblée pour accompagner la transition énergétique. "Nous sommes d'accord pour une compensation dirigée vers les ménages les plus précaires", réagit Dominique Allaume-Bobe, administratrice de l'Unaf (1) en charge du développement durable.
"Il faut définir précisément les ménages que l'on veut toucher et penser l'articulation de la compensation avec les dispositifs d'aide existants", indique le projet d'avis. Dans le cas d'une compensation ciblée sur l'aide à la transition énergétique, le dispositif devrait inciter les ménages à se tourner vers le "guichet unique" de la rénovation énergétique annoncé par le Premier ministre en septembre 2013, préconise le document. La mise au point de la compensation doit s'articuler également avec "la réflexion en cours sur les dispositifs d'aide au paiement de la facture énergétique des ménages", souligne le projet.
"Ne pas construire une usine à gaz"
En tout état de cause, deux messages forts ressortent des travaux du comité, indique Katheline Schubert. En premier lieu, "la compensation doit être faite de façon forfaitaire", insiste l'universitaire. C'est-à-dire qu'elle ne doit pas être liée à la dépense énergétique afin de ne pas supprimer l'effet incitatif de la taxe.
Le deuxième message est celui "de ne pas construire une usine à gaz", l'économiste citant en contre-exemple la loi Brottes sur la tarification progressive de l'énergie. A cet égard, le projet d'avis émet le souhait que le dispositif de compensation reste "suffisamment simple et lisible pour toucher effectivement sa cible et limiter les coûts de collecte d'information et de gestion".