« En France, le secteur de la collecte, du traitement et de l'élimination des déchets figure parmi les secteurs professionnels rapportant les accidents du travail les plus fréquents et les plus graves », rappelle l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). En 2016, il accusait un nombre d'accidents du travail de 59 pour 1000 salariés, contre une moyenne générale de 33,8 pour 1000 salariés. Ce secteur se distingue d'ailleurs aussi par ses statistiques en matière d'accidents industriels.
Du fait de cette sinistralité, couplée au développement du secteur de la gestion et de la valorisation des déchets, l'établissement public a lancé une expertise sur les risques sanitaires auxquels sont exposés les professionnels du secteur. Il en a dévoilé les résultats (1) le 19 décembre.
Exposition à des dangers très divers
« La grande variété des déchets et des procédés mis en œuvre pour leur collecte, leur valorisation ou leur élimination, implique des expositions professionnelles à des dangers très divers », constate l'Anses. Ses experts ont étudié 28 secteurs : filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), ordures ménagères, déchets du BTP, filières matériaux (verre, plastiques, métaux), etc.
Les professionnels sont exposés aux risques chimiques (substances dangereuses, en particulier CMR) et biologiques (moisissures, endotoxines, agents infectieux). Mais aussi à des risques physiques (bruit, chaleur, lumière, vibrations, etc.), en lien à l'organisation de travail (port de charges lourdes, gestes répétitifs, travail de nuit, travail posté, etc.), à l'utilisation d'équipements de travail (cabines de tri, camions-bennes, etc.), à la circulation des véhicules ou à la présence de sources d'incendie ou d'explosion. « Les risques pour la santé psychique, trop souvent négligés, peuvent être également liés, par exemple, au travail en poste isolé, à la violence ou aux incivilités, ou encore au manque de reconnaissance », ajoute l'Anses.
L'étude pointe certaines étapes « particulièrement préoccupantes », notamment celles du broyage ou du tri manuel. Elle relève aussi le caractère évolutif des risques sanitaires en lien avec celui des produits manufacturés et des déchets qui en sont issus, les auteurs citant, à titre d'exemple, l'émergence de la filière des panneaux solaires. Mais aussi l'évolution des activités liées à certaines décisions comme l'extension des consignes de tri ou au développement de nouvelles technologies de collecte, de tri ou de traitement.
Lancement d'une évaluation des risques sur les emballages ménagers
L'Anses a formulé des recommandations spécifiques pour six catégories de filières qu'elle a définies en fonction de leur impact sur la santé mais aussi des effectifs de travailleurs impliqués. Les experts en ont identifié trois particulières, nécessitant une évaluation des risques sanitaires (ERS) : les déchets du BTP, le bois et les emballages ménagers.
Dans le cadre d'une seconde phase de l'expertise, l'agence a décidé de mener une ERS sur ce dernier secteur en raison des enjeux sanitaires et socio-économiques qu'elle présente. « Au regard du contexte actuel : extension des consignes de tri et diminution des exportations de déchets, cette filière est aujourd'hui contrainte d'absorber un volume conséquent de déchets », justifie-t-elle. Les interrogations concernant « les enjeux sanitaires des expositions environnementales aux plastiques et microplastiques ont (…) conforté ce choix », explique son directeur Roger Genet.
« Un des enjeux de cette expertise à venir sera d'affiner les méthodes d'évaluation des risques liés à la présence de bactéries, moisissures ou autres micro-organismes dans les environnements de travail », indique l'agence. Outre les emballages, cette dernière considère les filières VHU et biodéchets valorisés par méthanisation comme prioritaires et propose d'inclure ces sujets dans le programme national de recherche environnement-santé-travail (PNREST) qu'elle finance. Enfin, dans cette deuxième phase de l'expertise, l'agence travaillera sur la question de la santé psychique « qui pose des défis d'adaptation aux approches conventionnelles de l'évaluation des risques », annonce son directeur.